Durcir le troisième front

La crise humanitaire et sécuritaire à laquelle le Burkina Faso fait face, depuis 2019, a contraint les pouvoirs qui se sont succédé à revoir, au fil du temps, leur copie en réorientant leur stratégie de développement vers d’autres priorités. Ainsi, les nouvelles autorités ont décidé de centrer leurs efforts dans la lutte contre la menace sécuritaire, avec en ligne de mire deux objectifs principaux, à savoir la restauration de l’intégrité du territoire national et la résolution de la crise humanitaire. Aussi, ont-t-elles décidé d’accorder une place de choix à la bonne gouvernance. Cependant, ce troisième cheval de bataille est à tort ou à raison décrié par une partie de l’opinion publique nationale. Pour certains, la mission de la Transition devrait être circonscrite à la restauration de l’intégrité du territoire et à la résolution de la crise humanitaire alors que les adeptes de la bonne gouvernance bottent en touche cette thèse.

Pour eux, il est illusoire d’espérer prendre le dessus sur l’ennemi sans durcir le troisième front, celui de la lutte contre la corruption. Les deux parties ont certainement de bonnes raisons pour justifier leur position et il serait prétentieux d’épuiser de tel débat d’école. Néanmoins, des interrogations taraudent encore les esprits lorsque l’on se réfère à l’histoire récente de certains pays qui ont été secoués par des crises. L’une des principales causes des printemps arabes n’a-t-elle pas été l’exaspération provoquée en Tunisie, par la mainmise du clan de Leïla Trabelsi, la seconde épouse du président Ben Ali sur le commerce extérieur ? En Egypte, les détournements opérés par l’équipe de Gamal Moubarak, fils du Président Hosni Moubarak, n’ont-ils pas contribué à envenimer la situation socio-politique de ce pays ?

Au Burkina Faso, les multiples cas de détournements, de corruptions et de mal-gouvernance dénoncés n’ont-ils pas de rapport avec la crise actuelle que vit le pays ? En effet, dépités par l’enrichissement illicite de certains détenteurs du pouvoir, bon nombre de citoyens finissent par mépriser l’ordre étatique établi. Raison pour laquelle la lutte contre la corruption, dans le contexte actuel burkinabè, trouve sa justification car, il est indéniable que la corruption constitue un véritable accélérateur de conflits. L’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de Lutte contre la corruption (ASCE-LC) semble donner le ton. L’institution s’est lancée dans une traque aux fossoyeurs des deniers publics.

En témoigne le procès contre l’ancien directeur général de la société des fibres textiles, Wilfried Yaméogo et l’ancien directeur général de la LONAB, Emmanuel Désiré Thiamobiga. D’autres comme l’ancien ministre des Transports, Vincent Dabilgou et son ancien collègue de l’Eau et de l’Assainissement, Ousmane Nacro, sont aussi dans le collimateur de la justice. Cette dynamique ne doit aucunement pas se transformer néanmoins à une chasse aux sorcières ou à des règlements de compte entre prétendants à la conquête du pouvoir d’Etat. Si cette croisade de l’ASCE-LC s’inscrit véritablement dans la lutte contre le terrorisme, elle contribuera certainement à faire bouger les lignes. Vivement qu’il en soit ainsi car ce serait une bouffée d’oxygène pour les populations qui continuent de payer un lourd tribut du fait des affres de cette guerre injuste.

Abdoulaye BALBONE

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