La série noire des marchés

Le phénomène n’est pas nouveau, mais il est récurrent ces dernières années. Les incendies de marchés sont devenus une véritable préoccupation au Burkina Faso. Le dernier sinistre du genre s’est produit, le dimanche 29 janvier 2023 aux environs de 11 heures au marché de Sankar-Yaaré, dans l’arrondissement 2 de la commune de Ouagadougou. Selon le communiqué du gouvernement relatif à cet incendie, aucune perte en vie humaine ni blessé n’a été enregistré. Plusieurs centaines de boutiques sont néanmoins parties en fumée. Il a fallu près de cinq heures aux soldats du feu, pour maitriser les flammes. Pour le moment, l’origine de l’incendie n’est pas connue, mais des indices se dégagent déjà, si l’on s’en tient aux éléments avancés dans le communiqué de l’exécutif.

« Des explosions en provenance du marché ont été entendues, suivies d’un départ de feu », souligne le texte. Ce fut un jour sombre pour les commerçants de Sankar-Yaaré et d’ailleurs, quand on connait l’importance de ce marché à Ouagadougou. L’incendie qui est survenu à Sankar-Yaaré n’est pas un cas isolé. Les exemples peuvent être cités à profusion. Le 9 janvier 2023, peu avant 7 heures, un incendie a ravagé une partie du marché de Nioko II, quartier situé à l’est de la capitale. Plusieurs boutiques ont été consumées, mais la promptitude des sapeurs-pompiers avait permis de limiter rapidement les dégâts. Aucune vie humaine n’avait été fauchée, fort heureusement. Jusqu’à ce jour, très peu de citoyens connaissent les raisons de cet incendie. L’histoire s’est d’ailleurs répétée pour le marché de Nioko II qui avait connu une situation similaire en mars 2017. On se rappelle également du gigantesque incendie qui avait détruit partiellement le marché central de Ouagadougou, Rood-Woko, en mai 2003.

Certains commerçants, armés de courage, avaient réussi à se remettre de ce drame, d’autres, très sensibles, sont morts d’amertume. Le spectacle est toujours désolant quand les incendies, dont la liste est devenue longue, surviennent. A qui la faute ? Même si nul n’est condamné d’office, il faut déplorer la qualité des installations au sein des marchés. Pire, les consignes de sécurité édictées sont peu ou pas respectées. Il suffit de faire un tour dans un marché pour constater les installations anarchiques qui y règnent. Très souvent, les marchés sont occupés plus qu’il n’en faut, avec des pratiques aux antipodes des principes régissant leur fonctionnement. En plus des installations illégales, des aménagements électriques à risques s’y trouvent ou des substances inflammables y sont stockées, augmentant ainsi les risques d’incendie. Le cas de Rood-woko est très illustratif. Conçu pour abriter 2 666 locataires, ce marché de référence a vu ses effectifs exploser, pour atteindre 5 300 occupants, selon un recensement de 1998. Extension illégale de boutiques, occupation des rampes d’accès, mauvaises installations électriques, tout était réuni et ce qui devait arriver arriva à Rood-Woko. Malheureusement, nul n’a tiré leçon de cet incendie. Au contraire, l’anarchie est allée grandissant avec en toile de fond, la fâcheuse tendance à garder des numéraires dans les boutiques aux risques et périls de leurs propriétaires. Pour le cas de Sankar-Yaaré, le gouvernement a une fois de plus invité les commerçants et l’ensemble des usagers des marchés et « Yaar» à la vigilance et au strict respect des consignes de sécurité pour prévenir la survenue de tels drames. Ce message vient à point nommé. Les autorités compétentes doivent donc raviver la sensibilisation aux bonnes pratiques et au cas échéant, réprimer sans état d’âme les écarts de conduite dans les marchés.

Kader Patrick KARANTAO

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