Mariage d’enfants au Burkina Faso : Croisade dans trois régions

Au lancement de la caravane, la ministre en charge de la femme, Laurence Ilboudo a encouragé les parents à laisser leurs enfants poursuivre les études et avoir la maturité physique avant toute union.

Le ministère de la Femme, de la Solidarité nationale, de la Famille et de l’Action humanitaire, en collaboration avec les ministères en charge de la santé et de l’éducation, organise une caravane intégrée de sensibilisation dénommée : “Zéro mariage d’enfants”, du 6 au 21 mai 2019, dans 15 communes des régions de la Boucle du Mouhoun, des Hauts-Bassins et du Centre-Est.

Plus de la moitié des femmes burkinabè (53%) sont mariées avant l’âge légal de 18 ans, selon les chiffres de l’enquête démographique et de santé de 2010. Le Burkina Faso, grâce au Programme d’autonomisation des femmes et dividende démographique au Sahel (en anglais SWEDD), est décidé à mettre fin à cette pratique qui compromet le droit à l’éducation des “enfants-épouses” et les expose à des risques sanitaires majeurs liés aux grossesses précoces, alors que leur corps n’y est pas physiquement préparé.

La ministre de la Femme, de la Solidarité nationale, de la Famille et de l’Action humanitaire, Laurence Ilboudo a, à ce titre, donné le top de départ d’une campagne de sensibilisation, le 3 mai 2019 à Dédougou. Il s’agit, pour des agents de santé et de l’action sociale ainsi que des journalistes, de sillonner, du 6 au 21 mai, 15 communes des régions de la Boucle du Mouhoun, des Hauts-Bassins et du Centre-Est.

Ainsi, des équipes de presse, de plaidoyer, d’animation grand public, de prestations gratuites de santé (dépistages de lésions précancéreuses, services de planification familiale, distribution de préservatifs…) ont été déployées dans ces zones à la rencontre des populations féminines et des leaders coutumiers et religieux. L’objectif étant de toucher 20 000 cibles, d’offrir au moins 2 500 prestations de services de santé de la reproduction et de planification familiale et d’obtenir au moins 15 déclarations fortes en faveur de l’abandon du mariage d’enfants, a annoncé le coordonnateur du projet SWEED au Burkina, Abdoul Karim Ouédraogo.

Six communes visitées dans la Boucle du Mouhoun

L’imam de Yé, Boubacar Dissa, a déploré l’attitude de la jeunesse actuelle qui est sexuellement précoce.

Cette mission organisée en collaboration avec les ministères en charge de la santé et de l’éducation consistera, en ce qui concerne les journalistes, à connaître les réalités de la pratique du mariage précoce dans les zones cibles, notamment, les perceptions des populations, les raisons et éventuellement les actions menées pour juguler le phénomène. La première étape, dans la région de la Boucle du Mouhoun a permis aux journalistes de découvrir des cas de filles mariées, avant l’âge légal, dans les communes rurales de Yé, Gassan, Sanaba, Bourasso, Ouarkoye et Bondoukuy.

En termes de prévalence dans la zone, le directeur régional en charge de l’action sociale, Ali Demè, a donné le chiffre de 34% de filles mariées précocement dans la province de la Kossi, 24% dans celle des Banwa, 22% au Nayala, 17% pour le Mouhoun et 7% dans les Balé, le Sourou n’étant pas répertorié. «Les données statistiques recueillies par nos services font état de 142 cas de mariage d’enfants en 2016, 157 cas en 2017 et 139 en 2018 », a détaillé M. Demè. Les causes sont diverses. Adjara Tinta, à Sanaba, 16 ans, a, par exemple, été retiré de l’école en classe de CM2, pour être donnée en mariage par son père sans qu’elle ait eu son mot à dire, ni su la raison.

Elle est aujourd’hui la troisième femme de son mari. Alice Benao, 17 ans, originaire de Dédougou, a quant à elle, dû déménager à Bourasso, au sein de la famille de son mari où elle peut confier son enfant à la maison afin de continuer les études. Elle a donc pu reprendre sereinement la classe de 4e, et a obtenu la moyenne lors des deux premiers trimestres. «Quand je suis tombée enceinte, mes parents m’ont interrogée et j’ai choisi de me marier. Je ne regrette rien», a-t-elle confié aux journalistes.

Ce qui fait dire à plusieurs leaders coutumiers et des imams rencontrés que la principale cause du mariage précoce des filles dans la région aujourd’hui est à rechercher dans leurs comportements sexuels. «Vous pouvez décider de garder votre fille jusqu’à ce qu’elle atteigne 18 ans. Mais à votre grande surprise, à 14-15 ans, l’enfant vient avec une grossesse. Ou bien, elle disparaît, et vous découvrez qu’elle est chez un garçon», a expliqué le premier adjoint au maire de Bondoukuy, Issouf Sawadogo. Des considérations d’ordre religieux subsistent également.

C’est le cas au niveau de Gassan où l’imam, El Hadj Sidiki Demè a soutenu sa conception selon laquelle, dès que la fille voit ses menstrues, elle est apte au mariage. Et selon lui, les règles apparaissent chez la jeune fille généralement à l’âge de 18 ans environ. Sa compréhension a été battue en brèche par les spécialistes de l’action sociale et de la santé qui accompagnent la caravane.

Au demeurant, il a été rappelé au leader religieux que l’âge légal du mariage au Burkina Faso est 18 ans et que la loi pénale condamne toute union célébrée avant cette date. El Hadj Demè s’est montré réceptif à la sensibilisation et a promis de relayer le message au sein de la communauté musulmane de sa localité. La caravane se poursuit et a établi ses quartiers dans les Hauts-Bassins pour la seconde étape de son parcours.

Fabé Mamadou OUATTARA

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