Sana Bob, reggaeman burkinabè : « Notre musique a besoin d’une diplomatie culturelle »

L’artiste-musicien burkinabè, Sana Bob, plaide dans cette interview, pour l’avènement d’une diplomatie culturelle au pays des Hommes intègres, et revient également sur l’impact de la COVID-19 sur le secteur de la culture, et le 1 milliard 25 millions F CFA du chef de l’Etat.

Sidwaya (S) « Ensemble », votre 6e opus est sorti, voilà bientôt deux ans. Sana Bob prépare-t-il un prochain album pour les mélomanes burkinabè ?

Sana Bob (S.B.) : Oui ! Je suis en pleine préparation de mon prochain album. Je ne peux pas en dire plus. Mais, mes fans et les mélomanes burkinabè de manière générale, doivent savoir qu’il sera très différent de mes précédentes œuvres en termes de textes, de rythmes et de création. Je suis parvenu à un parfait mariage entre le Wedbindé et le Reggae. Il y a eu également une évolution remarquable au niveau du message. Je suis resté, cependant, fidèle à mon statut d’artiste engagé pour le développement. Et en cette qualité, c’est notre rôle de dire tout haut ce que le peuple pense tout bas. Sana Bob demeure et demeurera « Le crieur public » (rires).

S : Votre album « Ensemble » semble être passé inaperçu. A-t-il bénéficié de toute la promotion nécessaire ?

S. B. : Je répondrais par l’affirmative. En plus des CD, mon équipe et moi avons mis sur le marché, des clés USB contenant l’album et diverses autres informations sur ma carrière (discographie, concerts, clips, style musical, etc.). Elles se sont écoulées comme de petits pains. La tournée « Vivre ensemble » a été un succès. Le morceau éponyme, contenu dans l’album m’a ouvert de nombreuses portes sur les plans national et international. Car, les thèmes telles la cohésion sociale, l’unité, la paix, etc. sont d’une actualité évidente, notamment en ces temps marqués par le terrorisme, la fronde sociale, la pauvreté ambiante…

S : Le secteur de la culture a été touché durement par la pandémie du coronavirus avec l’interdiction des concerts et autres manifestations culturelles. Avez-vous subi des préjudices ?

S. B. : Oui, cela a été une expérience difficile. Mais, la survenue du coronavirus n’est imputable à personne. C’est une épidémie mondiale. J’étais à Kaya. Nous devions tenir plusieurs spectacles dans la région du Centre-Nord dont d’autres au profit des personnes déplacées internes, lorsque le gouvernement a décidé de suspendre tous les évènements d’envergure sur toute l’étendue du territoire national. Or, nous avions déjà, pour l’organisation de ces concerts, engagé plusieurs dépenses. Nous avons enregistré des pertes de près de 4 millions F CFA.

S : L’Etat a apporté son soutien à hauteur d’un milliard 25 millions F CFA pour atténuer les effets néfastes de la crise sanitaire de la COVID-19 dans le secteur culturel. Quelle appréciation faites-vous du geste ?

S.B. : Le geste du chef de l’Etat est louable et salutaire pour le secteur de la culture burkinabè. Et nous lui serons toujours reconnaissants. Pour moi, c’est le début de la réalisation d’un vœu émis depuis plusieurs années. Car, nous avons toujours souhaité que le président du Faso se penche régulièrement sur le sort
des artistes-musiciens burkinabè.

S : Contrairement à une certaine opinion, cette somme ne sera pas repartie entre les acteurs culturels, mais servira plutôt à compenser, entre autres, les pertes subies au niveau des activités sous contrat régulier et les diverses dépenses engagées, etc.
Qu’en pensez-vous ?

S.B. : Nous ne sommes pas contre cette façon de procéder. C’est juste et logique. Nous n’avons jamais demandé, du moins en ce qui me concerne, que cette somme soit répartie. Seulement, je déplore qu’on n’ait pas assez communiqué sur cette question. Cela aurait permis, entre autres, d’éviter certains malentendus sur cet appui.

S : Avez-vous des pièces justificatives ?

S.B. : J’ai toutes mes pièces justificatives (il sort de son sac un lot de documents et de factures, ndlr). Malheureusement, des artistes-musiciens burkinabè et Dieu seul sait qu’ils sont les plus nombreux, ne sont pas organisés ou ne disposent pas d’entreprises formelles. Quid des pertes ou préjudices qu’ils auraient subis ? Et que fera-t-on de l’argent qui restera après les différentes compensations ?

S : Le showbiz burkinabè a-t-il connu une évolution, deux décennies après votre arrivée sur la scène musicale ?

S. B. : L’évolution de notre show-biz est certes notable, mais la culture burkinabè, hormis la période révolutionnaire, n’a jamais été véritablement au cœur des
politiques depuis l’indépendance.
Or, c’est tout le contraire de certains pays tels la Guinée, le Mali ou la Côte d’Ivoire. Regardez aujourd’hui le niveau et la place de leur musique. La diplomatie culturelle est ce qui manque le plus au Burkina Faso. Sans cela, il sera difficile de voir notre culture, encore moins notre musique prospérer sur les plans national et international.
L’ensemble des Burkinabè doivent donc être à l’avant-garde de cette promotion interne et externe. C’est cela la diplomatie culturelle dont a tant besoin notre musique, et notre pays.

Interview réalisée
par W. Aubin NANA

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