Si nous aimons ce pays…

C’est dans un véhicule blindé dans la cour de la RTB-Télé, que bon nombre de Burkinabè l’ont vu pour la première fois. Cela fait 100 jours déjà que le capitaine Ibrahim Traoré, puisque c’est de lui qu’il s’agit, préside aux destinées du pays, depuis le coup de force du 30 septembre 2022, pour une période de Transition qui s’achèvera en juillet 2024, dans un contexte de crise sécuritaire et humanitaire sans précédent. Le capitaine Traoré et les autres jeunes officiers du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) qui ont renversé leur « kôrô », le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, pour rectifier la trajectoire de la Transition, se savaient attendus par une population assoiffée de sécurité.

Ce d’autant plus qu’ils ont pris l’engagement ferme de libérer le pays, occupé à plus de 40% par les groupes armés. Le terrorisme, qui a occasionné, selon des chiffres actualisés, près de deux millions de déplacés internes et au moins 3 000 morts, impacte négativement tous les secteurs du développement. Les attentes des populations sont légitimes ; et les autorités ont pour mission principale de résoudre la crise sécuritaire et humanitaire de l’heure. Le « tout prioritaire » a laissé place au « tout urgent », sous la Transition, conduite par le capitaine Traoré qui a opéré un changement de paradigme dans la gouvernance. La première rupture est venue avec le gouvernement de moins de 25 membres, qui est simplement un gouvernement de « résultats ».

Le Parlement a emboité le pas avec une session continue. La maxime qui veut que « la route du développement passe par le développement de la route » s’est muée en « la route du développement passe par la maîtrise de la question sécuritaire ». Tout n’est cependant pas sécuritaire, tant des secteurs entiers de développement du Burkina ont besoin d’une thérapie de choc pour revivre. Toutefois, les 100 jours du capitaine Traoré laissent entrevoir la prédominance de la question sécuritaire comme un levain pour atteindre les autres objectifs. Une réorganisation de l’armée a été enclenchée avec plusieurs mesures à la clé : passage de trois à six régions militaires, création de six brigades d’intervention rapide, de deux bases aériennes… Ces réaménagements, couplés à un changement de tactique, ont permis aux Forces de défense et de sécurité (FDS) et aux Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) d’engranger des victoires.

Au rang de celles-ci, figure la reconquête, pour la moins symbolique de Solenzo, chef-lieu de la province des Banwa, à un moment où l’activisme des groupes armés est particulièrement ardent. Si l’objectif est d’aboutir à un Burkina nouveau débarrassé des terroristes, il n’en demeure pas moins que la refondation de la Nation préoccupe la Transition. Cette mue ne saurait se faire, sans une lutte farouche contre la corruption, réalité pleinement intégrée. Le président de la Transition a donné carte blanche à la justice et aux structures habilitées à faire leur job sans crainte. Les Burkinabè auront donc remarqué que des « dossiers sales » de la République sortent des tiroirs. Durant ces 100 jours, le Burkina Faso s’est également évertué à affirmer sa place dans le concert des nations, sur le plan diplomatique. Le pays se moule en effet dans une vision souverainiste et se la joue sans aucun complexe. Le Burkina d’aujourd’hui se donne le droit de se choisir ses partenaires sans regarder les « yeux » d’un quelconque bienfaiteur. En fait, tout le monde est le bienvenu au pays des Hommes intègres, à la seule condition d’être en phase avec les choix et besoins du Burkina Faso. Fini donc le temps où il fallait l’aval de Pierre pour composer avec Paul ou vice-versa. Dans ce registre, le pays tient à montrer son indépendance et à donner un réel contenu à la phrase prononcée par le Président Traoré lors du 62e anniversaire de l’indépendance du Burkina, le 11 décembre 2022 : « c’est maintenant que notre indépendance commence ». Nul ne fait l’unanimité, mais les Burkinabè, toutes générations confondues, surtout les jeunes sont convaincus que la réussite de cette Transition sera un triomphe collectif. Il est maintenant temps que tous, ensemble, s’accordent sur les priorités du moment pour espérer gagner les batailles futures. Aucun sacrifice ne sera de trop, aucun messie ne viendra nous sortir de l’ornière et aucun diable ne peut nous opposer si nous aimons ce pays. Restons focus sur la défense des intérêts de la Nation et que la Transition s’inscrive dans une dynamique de perfectionnement continue.

Assetou BADOH

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