Un nouveau départ

Il y a des lueurs d’espoir dans la conduite du processus de réconciliation nationale au Tchad. Le pré-dialogue de Doha au Qatar qui semblait s’éterniser a connu son épilogue à un moment où le scepticisme avait gagné les esprits. Après cinq mois de négociations à rebondissements, un accord a été signé, hier lundi 8 août 2022, entre le président de la Transition tchadienne, le général Mahamat Idriss Deby Itno et une quarantaine de groupes rebelles. Cependant, le texte n’a pas eu l’adhésion de toutes les entités politico-militaires.

Certaines d’entre elles sont restées inflexibles sur leurs revendications. C’est le cas du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), le groupe armé le plus puissant du pays, à l’origine de l’offensive dans laquelle le président Idriss Deby Itno avait perdu la vie, le 20 avril 2021. Pour le FACT, l’accord de Doha ne répond pas à ses attentes, notamment la libération de ses prisonniers à compter de sa signature et le respect de la parité des délégués du dialogue national inclusif. Les médiateurs qataris auraient tout fait, pour que ce groupe redouté soit signataire du document, mais rien n’y fit.

Il ne faut pas pour autant désespérer, puisque le FACT dit être attaché au dialogue. Qu’à cela ne tienne, l’accord de Doha ouvre la voie à la tenue du dialogue national inclusif, prévu le 20 août prochain, dans la capitale tchadienne. Il constitue à tout point de vue une avancée pour le général Deby qui s’est engagé à réconcilier les Tchadiens et à œuvrer à un retour à un ordre constitutionnel normal. « Nous devons faire taire les rancœurs et les incompréhensions, transcender les intérêts égoïstes et surmonter les divisions pour se concentrer sur l’essentiel, l’intérêt supérieur du Tchad », avait dit le nouvel homme fort de N’Djamena, après sa prise de pouvoir, à la suite de la mort de son père au front.

Pour mettre le processus de réconciliation nationale en route, le président de la Transition a favorisé la tenue du pré-dialogue, en faisant voter des lois d’amnistie pour des centaines de rebelles et des opposants tchadiens. Une concession de taille, faut-il le souligner. Sans le pré-dialogue qui a bousculé les agendas, à cause des divers points d’achoppement, le dialogue national inclusif ne pouvait être envisagé. Il faut alors souhaiter que cette rencontre de haute importante pour le Tchad se tienne à bonne date, vu les précédents rendez-vous manqués.

Le dialogue national inclusif permettra aux Tchadiens de mettre plusieurs questions cruciales sur la table. La gestion de la Transition, censée s’achever en octobre 2022, l’organisation des futures élections, la situation sécuritaire et le retour des opposants en exil sont autant de points qui vont meubler les échanges. Il s’agira surtout de questionner les pratiques politiques passées et de tirer des enseignements pour l’avenir. L’introspection est indispensable. Depuis son accession à l’indépendance le 11 août 1960, le Tchad n’a jamais été un havre de paix. Son parcours est jalonné de coups d’Etat et de guerres civiles, et les réalités n’ont pas fondamentalement changé à ce jour.

Les groupes rebelles sont plus que jamais actifs. Les conflits intercommunautaires sont toujours légion. Les rivalités autour du pouvoir et des territoires et de l’exploitation des ressources naturelles ont enfoncé le Tchad dans les abîmes. Elles ont compromis son développement au point de le maintenir dans le cercle des Etats pauvres, malgré ses ressources agricoles et pétrolières non négligeables. Le pays de François Tombalbaye a toujours caracolé au bas de l’échelle dans les classements mondiaux. Dans le rapport sur le développement humain 2020 du PNUD, il occupe la 187e place sur 189 pays. Au regard de ces réalités, le dialogue national inclusif constitue une opportunité pour le Tchad qui doit se ressaisir. Un nouveau départ s’impose à ce pays…

Kader Patrick KARANTAO

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