Une vision partagée

La ministre en charge des affaires étrangères, Olivia Rouamba, a adressé à son homologue français, le 28 février 2023, une lettre qui « dénonce l’accord d’assistance militaire technique, conclu à Paris le 24 avril 1961, entre la République de Haute-Volta (ancienne appellation du Burkina Faso) et la République française, y compris ses deux annexes ».

En moins d’un trimestre, cela fait deux accords, que Ouagadougou dénonce. Si le premier est relatif à la présence militaire française sur le sol burkinabè qui permettait à la France de stationner 400 soldats au pays des Hommes intègres, le second est plus large et remet en cause un contrat vieux de 52 ans.Cet accord de longue date doit être certainement « ridé » et vidé de son essence, s’il n’était pas à l’avantage d’une seule partie.

La correspondance de la ministre Rouamba à son homologue français reflète une ferme volonté pour le Burkina Faso de ne plus négocier son indépendance à la va-vite.Ouagadougou, qui est en phase avec les aspirations d’une bonne partie des Burkinabè, mesure la portée de son acte qui intervient à l’orée du 63e anniversaire de l’accession à l’indépendance du Burkina Faso.

Si le gouvernement de Transition, avec la remise en cause des accords avec la France, ne donne pas le la d’une crise avec l’ex-colonie, il s’inscrit bien dans l’air du temps. Sur le continent africain, les discours appelant à la rupture avec la France sont de plus en plus remarquables.  La jeune génération, rêvant de voir les Etats africains enfin s’émanciper et quitter définitivement le joug des anciennes puissances coloniales, espère qu’il en soit ainsi.

Ouagadougou en fait-il trop ? Il suffit de se référer aux propos du chef de l’Etat congolais, Etienne Tshisekedi, qui a interpellé son homologue français, le 4 mars 2023, à l’occasion de sa visite officielle en République démocratique du Congo (RDC) pour se convaincre que la remise en cause de cet accord est à-propos.

« Regardez-nous autrement en nous respectant, en nous considérant comme de vrais partenaires et non pas toujours avec un regard paternaliste avec à l’idée de savoir toujours ce qu’il faut pour nous », a lancé le président Tshisekedi à Emmanuel Macron.

Certains croyaient rêver, en écoutant ces propos en réaction à ceux du président français qui opte désormais pour un regard nouveau sur la présence militaire de son pays en Afrique. La « Francafrique » n’a plus bonne presse sur le continent et Macron le sait mieux que quiconque.

Dans son histoire, le Burkina a toujours su rebondir dans les moments difficiles quand certains pensaient qu’il courait à sa perte. Pour preuve, dans les années 1980, René Dumont, l’auteur de « l’Afrique noire est mal partie », suggérait que « la Haute-Volta invivable soit écartelée ».

La réponse des Burkinabè a montré que ce pays est bien vivable. Si le Burkina Faso veut toujours garder la tête haute, malgré l’adversité, ses filles et fils doivent faire bloc autour des questions majeures de la vie de la Nation. Etant donné que 60 ans après l’accord du 24 avril 1961, nous sommes incapables de nous réaliser, nous devons nous regarder dans la glace.

Pour la libération du Burkina, aucun risque n’est de trop. Au contraire, baisser les bras et attendre un hypothétique secours est aussi blâmable que de croire au père Noël dans les relations entre les pays. Le choix est assumé.

C’est une vision, celle d’un peuple convaincu que sa voie sera portée par ses filles et fils pour le bon combat. Rien n’indique d’ailleurs que la remise en cause des accords, au-delà du domaine militaire, ne va pas s’étendre à d’autres pans des relations franco-burkinabè. La vraie souveraineté exige d’énormes sacrifices …

Par Assetou BADOH

badohassetou@yahoo.fr

 

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