
En marge de la COP30, l’ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Burkina Faso auprès de la République Fédérative du Brésil, Edgard Sié Sou, a accordé une interview à Sidwaya, mardi 18 novembre à Belém, au Brésil.
Il y aborde le dynamisme des relations diplomatiques entre les deux pays, les axes et les perspectives de renforcement de la coopération entre Ouagadougou et Brasilia.
Sidwaya (S) : Comment se porte l’axe Ouagadougou Brasilia?
Edgard Sié Sou (E.S.S) : J’ai pris fonction le 26 mai 2025 et présenté mes lettres de créance au Président Lula le 20 octobre 2025. Le siège de l’ambassade est au Brésil, à Brasilia mais sa juridiction couvre 10 pays au total que sont, le Brésil, l’Argentine, la Bolivie, le Chili, la Colombie, l’Equateur, le Pérou, le Paraguay, l’Uruguay, le Venezuela. Avant de répondre à vos questions, Il me semble important de souligner que toutes nos actions sont guidées par les hautes instructions et orientations du camarade Président, le capitaine Ibrahim Traoré Président du Faso, chef de l’Etat.
L’axe-Ouagadougou Brasília se porte bien. Les relations d’amitié et de coopération entre le Burkina Faso et le Brésil sont au beau fixe. Elle se sont renforcées davantage avec l’ouverture de l’ambassade du Brésil à Ouagadougou en 2007 et de la création par décret en 2008 suivi de l’ouverture effective en 2009 de l’ambassade du Burkina Faso à Brasilia ainsi que par des visites réciproques des autorités qui se sont succédé année après année. Je profite de l’occasion pour féliciter tous ceux qui m’ont précédé pour le travail abattu. En outre, il faut dire que l’Afrique occupe une place importante dans la politique extérieure du Président Lula.
S : Quels sont les domaines de coopération entre le Burkina Faso et le Brésil?
E.S.S : La coopération avec le Brésil est une coopération diversifiée qui s’étend sur plusieurs domaines. Dans le domaine militaire, en
septembre 2022, une forte délégation de cadres de l’armée burkinabè a séjourné au Brésil en vue d’une prospection visant le renforcement des relations dans ce domaine. La délégation a pu signer un contrat d’achat et de maintenance des appareils aériens. Par ailleurs, les deux parties ont convenu de la signature d’un Accord de coopération militaire. La partie burkinabè a initié le projet qui a été validé par nos ministères de la Défense et des Affaires étrangères et transmis à la partie brésilienne pour observation. En octobre dernier, nous avons relancé le dossier afin que les choses puissent avancer. Nous espérons un retour dans les semaines ou mois à venir.
Le Brésil étant un grand producteur de matériels de défense et de sécurité à des coûts compétitifs, la finalisation de l’accord de coopération permettra aux deux pays d’exploiter au mieux ce potentiel. Dans le domaine de l’agriculture et de l’élevage, en juin 2025, le directeur de l’institut Daniel Franco du Brésil a fait une visite au Burkina Faso. Il a été reçu par le Premier ministre. Son objectif, proposer une collaboration dans le domaine de l’élevage durable et de la sélection animale avec le Centre de promotion de l’aviculture et de multiplication des animaux performants (CPAMAF). C’est un dossier qui est très avancé et qui doit permettre de renforcer les liens dans ce domaine.
Par ailleurs, l’entreprise EMBRAPA, en collaboration avec l’Agence
brésilienne de coopération -ABC-, a déjà apporté son appui technique à l’INERA pour la production du coton dans le cadre d’une collaboration des pays du C- 4 dont le Burkina Faso. Dans le domaine de la coopération scientifique, le Burkina Faso bénéficie depuis 2023 de la bourse brésilienne, le PEC – G (Programme des Etudiants-Convention de premier cycle) qui offre des formations gratuites dans des universités et établissements d’enseignement supérieur répartis sur l’ensemble du territoire brésilien.
C’est un programme qui a pour cible les étudiants étrangers en provenance de pays en voie de développement. Les domaines de formation sont très variés : Santé, Ingénierie (génies mécanique, informatique, …), Architecture et Construction, Mathématiques, Physique, Chimie Arts, Sciences Humaines et Sociales, Tourisme, Hôtellerie…
Selon les résultats de la session 2025 – 2026, publiés par l’ambassade du Brésil au Burkina Faso, sur 18 candidats présentés, 14 ont été admis et 4 sont en liste d’attente. Les étudiants déjà en formation dans les différentes universités et établissements supérieurs sont au nombre de 12.
S : Qu’en est-il des relations économiques et commerciales entre le Burkina Faso et le Brésil ?
E.S.S : A ce niveau, il convient de signaler qu’il y a un travail énorme à faire. Au forum investir au Burkina Faso, qui s’est déroulé du 09 au 10 octobre 2025 à Ouagadougou, le Brésil a été représenté au Burkina Faso par une délégation dans le cadre d’une prospection dans les domaines tels que les infrastructures, les mines, le transport et le commerce. La chambre de commerce et d’industrie du Burkina a même délivré une lettre de recommandation à un investisseur, qui a été encouragé par l’ambassade à effectuer le déplacement de Ouagadougou, en vue de la mobilisation des entreprises brésiliennes et du renforcement des relations d’affaires avec le Burkina Faso.
S : Quels sont les acquis de cette coopération bilatérale entre les deux pays, et les perspectives ?

E.S.S : En termes d’acquis, nous pouvons nous réjouir du fait que nous avons des étudiants qui bénéficient d’une bourse brésilienne. Et les choses se passent plutôt bien. Il s’agit de formation de qualité dans pratiquement tous les domaines. En collaboration avec le gouvernement du Brésil, nous comptons pouvoir augmenter le nombre d’étudiants bénéficiaires d’année en année. Du matériel militaire a été acquis, et les échanges se poursuivront dans ce domaine. En termes de perspectives également, nous comptons
renforcer la coopération militaire, car le contexte actuel de notre pays le recommande.
Il y a d’autres perspectives, dans les autres secteurs. Dans le domaine de la santé, la coopération sanitaire mérite d’être renforcée compte tenue des énormes potentialités dont regorge le Brésil dans le domaine. Le Brésil est très bien placé en matière de spécialisation en médecine dentaire, en ophtalmologie, en optique et bien d’autres. Le Brésil dispose également d’un secteur pharmaceutique solide constitué d’institutions de référence internationale – Farmanguinhos – Fiocruz, reconnues internationalement pour leur expertise dans la production de médicament essentiels, de vaccins ainsi que pour la recherche sur les maladies tropicales. Le Burkina Faso doit maximiser sur l’exploitation de ces potentialités existantes.
Au niveau parlementaire, les échanges parlementaires, qui ne sont pas encore une réalité dans la coopération bilatérale entre le Burkina Faso et le Brésil, pourraient être le cas avec des visites réciproques entre les délégations de l’Assemblée législative de transition (ALT) et du Parlement du Brésil. La coopération décentralisée est un terrain encore vierge qui augure cependant de très belles perspectives en termes de retombées positives qui pourraient en découler au profit du Burkina Faso et du Brésil.
En effet, l’établissement des relations entre les Etats fédérés du Brésil et les régions du Burkina Faso ainsi qu’à un niveau encore plus décentralisé, pourrait susciter un développement direct de ces entités concernées, sur bien des plans (socio-économique,
culturel, universitaire, environnemental, humain, etc…).
L’industrie est un autre axe, non encore exploité dans le cadre de cette coopération. Ce secteur ayant joué un rôle majeur dans la relance de l’économie brésilienne, l’établissement de relations solides entre les acteurs burkinabè et brésiliens dudit secteur serait une source de partage d’expériences en faveur du Burkina Faso qui nourrit l’ambition de développer son industrie.
Dans le domaine de la coopération sportive, le Brésil étant connu comme un grand pays de sport en général et de football en particulier, le Burkina Faso pourrait développer des relations dans ce domaine dans le cadre du Protocole d’Entente entre le gouvernement du Burkina Faso et le gouvernement de la République Fédérative du Brésil sur la coopération technique dans le domaine du sport, signé le 15 octobre 2007 à Ouagadougou. Lors du séjour de l’ambassadeur Charles Kaboré au Brésil au mois de juin de cette année à l’occasion du mondial MMA 2025, des échanges ont porté sur les différentes perspectives dans le domaine du sport à explorer. Pour ce qui est de l’axe économique et commercial, les relations économiques et commerciales entre le Burkina Faso et le Brésil restent faibles.
Cette insuffisance peut être justifiée par le fait de la distance, du coût du voyage ainsi que du coût de la manutention qui n’encouragent pas les acteurs de ce secteur. Cependant, le Burkina Faso et le Brésil doivent travailler ensemble pour trouver les voies et moyens permettant le décollage de ce secteur.
S : Pouvez-vous nous présentez la communauté burkinabè vivant au Brésil ?
E.S.S : La communauté burkinabè vivant au Brésil est une communauté qui vit en parfaite symbiose avec les brésiliens. On compte environ 300 ressortissants dans l’ensemble de la juridiction avec la majorité au Brésil plus précisément à Sao Paulo qui est la première ville économique du pays. La grande majorité exerce dans le commerce. Nous avons également des étudiants qui sont au nombre de 12 repartis dans les universités du pays. Pour la session 2025-2026, 14 étudiants ont été retenus.
S : Le plus souvent, certains immigrés africains rencontrent des problèmes de documents administratifs ou de séjour. Qu’en est-il des Burkinabè vivant au Brésil ?
E.S.S : Les Burkinabè vivant au Brésil n’ont pas de problèmes de documents. Ils sont en possession de leurs documents d’identité, passeports, cartes consulaires, ils font enregistrer les naissances également. Donc, sur ce plan, il n’y a pas d’inquiétude. En plus ils sont très respectueux des lois du pays hôte.
S : La COP30 se tient au Brésil, quelle a été la contribution de l’ambassade à la participation du Burkina Faso a cette conférence sur le climat ?
E.S.S : La contribution de l’ambassade à la participation du Burkina Faso a cette COP a été tout d’abord de servir de relai en termes d’information régulière sur les préparatifs de l’évènement entre le gouvernement du Brésil et le ministère de l’Environnement via le ministère des Affaires étrangères, de la Coopération régionales et des Burkinabè de l’extérieur.
Ensuite, l’ambassade qui est basée à Brasilia a formé une délégation conduite par moi-même, qui a effectué le déplacement de Belém pour venir accompagner la délégation venue du Burkina Faso, conduite par monsieur Roger Baro, ministre de l’Environnement, de l’Eau et de l’Assainissement. Pour ce qui est des activités bilatérales en marge de la COP30, pour l’instant, nous avons eu une rencontre très conviviale avec la Vice-ministre de l’Environnement du Venezuela, assisté de son collaborateur. Les échanges ont porté sur les
perspectives de renforcement de la coopération dans les domaines de l’environnement et de l’eau.
S : Sur le plan sécuritaire, le Burkina Faso fait face à l’hydre terroriste depuis quelques années. Comment les Burkinabè résidant au Brésil vivent cette situation difficile que traverse la mère Patrie ?
E.S.S : Je dirais tout simplement que les Burkinabè du Brésil et des autres pays de la juridiction vivent cette situation comme s’ils étaient au Burkina Faso. Il n’y a pas cette actualité au Burkina Faso qui leur échappe.
S : Malgré ce contexte sécuritaire, le Burkina Faso fait preuve de résilience, il est aussi présent sur le front du développement avec des projets de développement
structurants et innovants dans plusieurs secteurs. Quel est le regard de la diaspora burkinabè au Brésil sur la mise en œuvre de ces politiques de développement endogène ?
E.S.S : En plus d’être très satisfaits des initiatives de développement endogène, les Burkinabè de la diaspora de notre juridiction y participent de façon régulière. Chaque année pratiquement, une collecte de fonds est faite pour le Fonds de soutien patriotique et transmise au pays même si elle est modeste du fait de leur nombre pas très important.
Par ailleurs, le mois dernier, dans le cadre de l’initiative présidentielle Faso Mêbo, une collecte de fonds a été faite et envoyée au pays. En résume, les Burkinabè de la juridiction de l’ambassade restent très attachés à la Patrie et aux valeurs de patriotisme et de solidarité. Je voudrais avant de terminer vous remercier pour l’occasion que vous m’offrez de parler de ma juridiction en plein COP30.
Interview réalisée par
Mahamadi SEBOGO
(Depuis Belém, Brésil)





