En début de semaine (du 4 au 6 octobre 2020), une délégation conjointe de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), de l’Union africaine (UA) et des Nations unies (ONU) a séjourné en Côte d’Ivoire pour une mission de diplomatie préventive. Conduite par la ministre ghanéenne des Affaires étrangères et de l’Intégration régionale, Shirley Ayorkor Botchwey, par ailleurs présidente du Conseil des ministres de la CEDEAO, cette mission s’inscrit dans le cadre du Protocole de la CEDEAO, relatif au Mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité et son Protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance. Pour qui connaît la tension politique actuelle aux bords de la Lagune Ebrié, cette initiative conjointe est plus que salutaire. En effet, au lieu de jouer à chaque fois les pompiers, les institutions sous régionales, continentales et internationales gagneraient à prévenir les crises politiques qu’on voit généralement venir. A titre d’exemple, le coup d’Etat contre Mamadou Tandia du Niger en 2010, l’insurrection populaire d’octobre 2014 au Burkina Faso et le putsch d’août dernier au Mali auraient d’une façon ou d’une autre pu être évités, si ces institutions avaient prêté une oreille attentive aux contestations des populations de ces pays. La situation est suffisamment inquiétante en Côte d’Ivoire pour que l’ONU, l’UA et la CEDEAO jouent les aveugles pour ensuite dénoncer les violences et autres crises électorales et postélectorales qui pourraient survenir. Parce qu’à seulement trois semaines de l’élection présidentielle, initialement prévue le 31 octobre 2020, l’atmosphère sociopolitique est particulièrement tendue en Côte d’Ivoire, laissant craindre une nouvelle crise. Dès à présent, il faut œuvrer avec l’ensemble des acteurs de la classe politique ivoirienne, à surmonter les différends et à préserver l’unité et la paix, indispensables à la prospérité de ce pays qui garde encore les stigmates de la crise postélectorale de 2010. Que ce soit la candidature du président sortant, Alassane Ouattara, le rejet d’une quarantaine de candidatures à l’élection et les suspicions contre les organes chargés de conduire le processus électoral (Commission électorale indépendante et Conseil constitutionnel), la communauté internationale doit avoir le courage d’agir maintenant, en trouvant un terrain d’entente entre les acteurs, même s’il faut envisager un report des élections. Il ne sert à rien de laisser le pays « foncer droit dans le mur », tant qu’on peut éviter cela, à travers le dialogue. Au Mali, la CEDEAO a laissé pousser les tensions liées aux « 30 députés recalés » et à la grogne sociale qui germaient, pour demander « à la dernière minute », la dissolution du Conseil constitutionnel et la reconsidération des premiers résultats des élections législatives. Conséquence, les militaires ont dû intervenir pour siffler la fin du régime de Ibrahim Boubacar Keïta. Les Ivoiriens n’ont pas besoin de ce scénario. Il faut intervenir tôt pour éviter la généralisation du retour des armes dans les rues africaines après chaque élection. Cette intervention est autant valable en Côte d’Ivoire qu’en Guinée, elle aussi confrontée à la fâcheuse question de 3e mandat.
Jean-Marie TOE