Côte d’Ivoire : ne pas franchir le Rubicon !

Les évêques de la Côte d’Ivoire avaient prévu une marche priante, le 15 février 2020, devant rassembler 20 000 personnes et constituer, pour les Ivoiriens, une occasion de sensibiliser leurs compatriotes à la paix. L’objectif de cette marche était de se rassembler à la place de la République pour ensuite converger vers la cathédrale St Paul-du-Plateau où l’archevêque d’Abidjan devrait célébrer une messe en faveur de la paix et de la réconciliation nationale. Il n’en fallait pas plus pour que la polémique enfle au point que certains ont même proféré des menaces à l’égard de la communauté catholique. Finalement, la procession dénommée «Allons à la paix» a été annulée parce que quelques jours avant, les Evêques de Côte d’Ivoire, réunis en assemblée plénière avaient tiré la sonnette d’alarme relativement à la situation politique qui prévaut dans le pays en ce début d’année électorale. Une déclaration à laquelle le camp présidentiel et la presse proche du pouvoir avaient assigné des connotations purement politiques. «Face aux dangers d’infiltrations et soucieux de la sécurité de ses fidèles, son Eminence Jean Pierre cardinal Kutwa demande que cette journée de prières se tienne exclusivement au sein de la cathédrale St- Paul », a indiqué l’abbé Augustin Obrou, chargé de communication de l’Église catholique, qui a ajouté que « pour la paix, l’évêque ne va pas jeter des jeunes à la pâture devant des gens inconscients et incontrôlés ».
A voir de près, la situation politique ivoirienne prend des proportions inquiétantes au regard des positions qui deviennent de plus en plus inconciliables. Sinon, quel mal y a-t-il à organiser une marche pour inviter les différents acteurs à cultiver la paix et le vivre-ensemble, si l’on sait que ces types de manifestation sont des pratiques ? Dans son rôle de veille et de vigilance, l’Eglise a plusieurs fois été prise à partie par les hommes politiques comme en République démocratique du Congo, au Togo et même au Burkina Faso à la suite de la crise de 1998. Généralement victimes de leur « franc-parler », les évêques sont des pasteurs et ils failliraient à leur mission s’ils jouent à la politique de l’autruche face aux graves menaces qui pèsent sur la paix dans la communauté où ils officient. La classe politique ivoirienne ne doit pas se tromper d’adversaire en utilisant la fibre religieuse car, les fidèles catholiques qui devaient participer à cette marche sont issus de tous les partis politiques. Mieux que quiconque, les évêques savent que l’Eglise ne saurait être la caisse de résonance d’associations ou de groupes de quelques natures que ce soient et ce n’est pas en Côte d’Ivoire que cela va commencer.
Il revient donc à chaque acteur de la scène sociopolitique ivoirienne de lire et d’agir avec discernement pour éviter de mettre le feu aux poudres. Les nombreuses crises que le pays a vécues lors du dernier quart de siècle ont suffisamment endeuillé la Côte d’Ivoire et il n’est dans l’intérêt de personne de revivre les affres d’une crise qu’on aurait pu éviter. La menace terroriste est assez sérieuse sur l’ensemble de la sous-région et le pays de Houphouët-Boigny gagnerait à préserver sa paix et sa sécurité, parce qu’une nouvelle crise armée créerait le lit pour une installation durable des groupes terroristes.

Jean-Marie TOE

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