Faible engouement

Les élections présidentielle et législatives ont bel et bien eu lieu le 22 novembre 2020. Si pour des raisons sécuritaires, plus de 300 mille électeurs n’ont pas pu accomplir leur devoir civique dans certaines localités du pays, il faut toutefois saluer l’ensemble de la classe politique burkinabè qui, grâce au cadre de concertation, a réussi le pari d’accorder ses violons pour la tenue de ce double scrutin. Maintenant, il va falloir s’interroger sur le faible engouement des Burkinabè dans les bureaux de vote à ce rendez-vous électoral. Même si les chiffres officiels et définitifs ne sont pas encore disponibles, les quelques statistiques publiées ici et là indiquent clairement que le taux de participation à ces élections sera faible par rapport à celles de 2015. Ce phénomène sera encore
plus frappant dans les
grandes agglomérations comme Ouagadougou au regard des résultats de quelques bureaux de vote. Qu’est-ce qui pourrait expliquer une telle situation ? La première raison, somme toute relative, pourrait être liée à un simple désaveu d’une bonne partie de la population vis-à-vis de la classe politique pour son incurie. A force d’attendre vainement des leaders politiques, des hommes et femmes censés être épris de patriotisme et d’engagement au service de leur pays, de nombreux Burkinabè sont, sans doute, parvenus, à la conclusion selon laquelle le vote est inutile. Pour cette catégorie de citoyens, certains « politiciens » n’ont aucune conscience de ce que représente l’engagement politique. En outre, la pléthore de partis politiques que compte, à l’heure actuelle, le pays des hommes intègres, traduit, point n’est besoin de le dire, l’incapacité de ces leaders politiques à fédérer leurs intelligences et leurs énergies au sein d’un ensemble plus cohérent et plus structuré. Une preuve qu’au Burkina Faso, la primauté de l’égo sur l’intérêt général semble être malheureusement la chose la mieux partagée au sein de la classe politique. La morale ayant foutu le camp de la scène politique, ces « déçus » évitent, par conséquent, de cautionner ce qu’ils considèrent comme une foire de dupes. La seconde raison peut s’appréhender sur le plan des propositions faites par les différents candidats lors de ce scrutin couplé. Certains de ces challengers du président-candidat ont préféré briller par des invectives à l’encontre du parti au pouvoir que de présenter au peuple burkinabè un projet viable ; tandis que d’autres ont littéralement distrait les potentiels électeurs à travers des propositions fantaisistes, voire utopiques sans aucune prise avec la réalité sur le terrain. L’autre explication de ce morne engouement dans les urnes est à mettre aussi au compte du déficit organisationnel constaté dans de nombreux bureaux de vote. De nombreux électeurs ont, en effet, éprouvé de la peine à trouver leur bureau de vote. En plus, le début tardif des opérations électorales dû à l’indisponibilité de certain matériel a fini par décourager des électeurs. Par ailleurs, la question de l’insécurité a définitivement dissuadé la majorité d’entre eux, de se rendre aux urnes pour accomplir leur devoir civique. En tout état de cause, il sied de prendre en compte ce désintérêt qui caractérise, aujourd’hui, bon nombre de Burkinabè. Cette désaffection du vote envoie un message fort à toute la classe politique, toutes tendances confondues.
Le tir doit être impérativement rectifié. Pour les futurs tenants du pouvoir, il devient indispensable d’améliorer la qualité de la gouvernance à travers le choix des hommes qui assumeront des responsabilités étatiques, et la gestion des biens publics. Renouer avec une gouvernance plus vertueuse au service de tous
est désormais l’alternative incontournable pour redonner confiance à ces Burkinabè qui boudent les urnes. Du côté de la classe politique, il est temps que les uns et les autres sortent des postures solitaires pour unir leurs forces et apporter conséquemment leur contribution à l’animation de la vie politique. Car, le pluralisme politique ne rime pas forcément avec une multiplicité de partis politiques. Ces Burkinabè qui se sont abstenus d’accomplir leur devoir civique doivent également comprendre, qu’en dépit de la pertinence de leur position, s’abstenir de voter
ne saurait être l’idéal dans la construction d’un régime démocratique.

Karim BADOLO

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