A l’initiative de la Chambre des mines du Burkina (CMB), organisations de la société civile, sociétés minières, représentants des collectivités territoriales, de l’administration publique centrale et déconcentrée, des populations ont planché, les 10 et 11 mai 2021, à Ouagadougou sur le bilan des quatre premières années de mise en œuvre du Fonds minier de développement (FMDL). L’objectif était d’évaluer les acquis et les insuffisances et de dégager des pistes d’actions pour un meilleur impact du fonds sur le développement local.
Depuis son entrée en vigueur en 2017 et de son opérationnalisation à partir de 2019, le Fonds minier de développement local (FMDL) a été alimenté à plus de 71 milliards FCFA. Financée par les sociétés minières à hauteur de 1% de leurs chiffres d’affaires et à 20% des redevances proportionnelles recouvrées par l’Etat, cette manne financière a été répartie entre les 351 communes et les 13 conseils régionaux du Burkina Faso, en raison de 20% pour les régions et 80% pour les communes. 13,9 milliards F CFA sont allés aux régions, 23,1 milliards F CFA aux communes minières et 57,6 milliards F CFA aux communes non minières. Trois communes (Houndé, Falagountou, Gorom-Gorom) ont reçu chacune plus de trois milliards FCFA, deux (Bagassi, Partiaga) ont encaissé individuellement plus de deux milliards FCFA. Au niveau des conseils régionaux, le Sahel a perçu 2,1 milliards FCFA , la Boucle du Mouhoun, les Hauts-Bassins, le Centre-Nord, l’Est ont empoché chacun plus du milliard.
Quel bilan peut-on faire de la gestion de ces ressources ? Quels résultats ont été atteints sur le terrain ? Quelles insuffisances peut-on relever en ce début de mise en route du FMDL, tant attendu ? Quelles actions correctives pour plus de performance et d’impact du Fonds sur le développement local dans l’intérêt supérieur des populations ?
Pour répondre à ces préoccupations, la Chambre des mines du Burkina (CMB), en collaboration avec le Laboratoire Citoyenneté, a convié plus de 150 participants issus de la société civile, des sociétés minières, des collectivités territoriales, de l’administration publique centrale et déconcentrée, des populations à un atelier de réflexion sur le thème : « Pour un Fonds minier de développement local performant et au service du développement communautaire : quels engagements des acteurs ? », les 10 et 11 mai 2021, à Ouagadougou.
Des acquis, des insuffisances
A l’unanimité, les participants ont reconnu que si le FMDL n’existait pas, il fallait le créer au regard des ressources financières qu’il apporte aux collectivités territoriales pour le financement du développement local. Il constitue un instrument d’autonomisation de l’économie locale, un moyen de stabilisation sociale ; car il permet d’améliorer l’offre de services sociaux de base, d’apaiser le climat social entre mines et populations, a précisé le président du Réseau des maires des communes minières du Burkina, Issaka Yaméogo. Sur le terrain, des infrastructures de développement ont déjà été réalisées dans de nombreuses communes et d’autres sont en cours de réalisation, a-t-il indiqué.
Autres points de satisfaction, il y a l’engagement des différentes parties pour une mise en œuvre réussie du fonds, son alimentation continue par l’Etat et les sociétés minières, l’existence d’une veille citoyenne à travers la société civile.
L’arbre de ce satisfecit ne doit cependant pas cacher la forêt des insuffisances constatées dans l’opérationnalisation du Fonds. Il s’agit, entre autres, du transfert tardif des ressources du fonds minier aux communes, les difficultés d’absorption des ressources pour certaines collectivités par manque de ressources humaines, la non mise en place des comités locaux de suivi du fonds dans certaines communes, les problèmes de fonctionnement de ces comités là où ils existent. « Sur 12 communes bénéficiaires du FMDL, quatre ont mis en place un comité de suivi du FMDL et deux des quatre ont pu tenir une seule session du comité », a relevé le directeur exécutif de la CMB, Toussaint Bamouni. A cela s’ajoute l’exécution des dépenses sur les ressources du FMDL par certains maires avant l’installation du comité local, en violation des textes régissant le Fonds minier de développement local.
Face à ces contraintes qui minent l’efficacité du Fonds, les 48 heures d’échanges ont permis aux différents acteurs de dégager des pistes de solutions pour un FMDL performant, jouant pleinement son rôle de véritable outil de développement socioéconomique local.
Les mines étant des ressources tarissables, le fonds devrait, au-delà du financement des investissements sociaux de base (santé, éducation), permettre de stimuler les économies locales afin de garantir aux collectivités leur autonomie financière. Cela peut se faire, à travers le financement des infrastructures économiques, des activités génératrices de revenus, des PME locales, qui sont sources de création d’emplois, de richesses, de recettes fiscales pour les collectivités.
La CMB a mis en débat la question de la pérennité du FMDL en proposant qu’au niveau de chaque commune, il y ait un prélèvement d’une partie des ressources allouées en vue des placements financiers sécurisés, éventuellement au niveau de la Caisse des dépôts et consignations. Ce mécanisme a le triple avantage de permettre de résoudre le problème de la faible absorption des ressources, de prendre en compte les générations futures, d’offrir aux collectivités locales des moyens durables, dans la perspective de l’après-mine.
Des alternatives pour plus d’impact
L’atelier a également fait de la gouvernance vertueuse des ressources du fonds un point d’honneur. Les municipalités et les conseils régionaux ont été formellement appelés à un exercice permanent de transparence et de redevabilité dans la gestion de la manne minière vis-à-vis des populations. En tout état de cause, la Cour des comptes, par la voix de son représentant, a rappelé qu’elle va s’intéresser à la gestion du FMDL par les collectivités.
Si l’importance du fonds n’est plus à démontrer, l’Etat central et l’administration décentralisée doivent faire un effort supplémentaire en matière de communication afin de changer la perception négative de l’opinion sur les sociétés minières, ont suggéré les participants. Car, comme l’a souligné le représentant de la société civile, Jonas Hien, l’un des objectifs du Fonds est de créer la sérénité sur les sites miniers en rendant visible et transparente la contribution des sociétés minières et des carrières au bien-être des communautés impactées et de réduire considérablement les critiques ou la perception des communautés ou des populations, en général, sur les sociétés minières.
Le renforcement des capacités des communes, leur dotation en ressources humaines suffisantes et de qualité, l’affectation d’un pourcentage du fonds à leur fonctionnement, l’arrimage de répartition du fonds au calendrier budgétaire des collectivités, l’évaluation périodique du FMDL (tous les 3 ou 5 ans) assorties de recommandations et de mesures correctives constituent également des propositions qui ont été faites par les acteurs de mise en œuvre du fonds minier de développement local. Des propositions de solutions ont aussi porté sur la mise à disposition des collectivités d’un guide des projets éligibles au fonds, des critères et indicateurs de performance dans l’utilisation des ressources du Fonds, la prise en charge du fonctionnement des comités communaux de suivi, la révision de la clé de répartition du fonds pour plus d’équité.
Pour une meilleure prise en charge de toutes ces questions, toutes les parties prenantes convergent pour dire que la révision du décret d’application relatif au FMDL s’avère nécessaire. Les départements en charge des mines et des finances ont marqué leur disponibilité à aller dans le sens des réformes nécessaires au renforcement de la performance et de l’efficience du fonds. En tout état de cause, il est de la responsabilité majeure de l’Etat de veiller et de créer les conditions nécessaires pour : réaliser les objectifs du Fonds minier ; éviter des situations de conflits entre les communautés et les sociétés minières liées à la question d’accompagnement des communautés pour l’amélioration de leurs conditions de vie ; consolider le développement local, a conclu Jonas Hien.
Au final, l’initiative de ce cadre de concertation entre tous ceux qui interviennent dans la mise en œuvre du fonds minier de développement local a été unanimement saluée. « Cet atelier a été une opportunité pour les acteurs d’échanger sur les mécanismes d’utilisation rationnelle et durable du fonds minier du développement local », s’est réjoui le secrétaire permanent de la Commission nationale des mines, Kuilga Emmanuel Yaméogo.
Mahamadi SEBOGO