France : Macron en zone de turbulence

Le chef de l’Etat français, Emmanuel Macron, traverse des moments très difficiles. Après la percée historique de l’extrême droite, le Rassemblement national (RN), aux récentes élections européennes face à la coalition présidentielle ensemble, il avait cru bon de dissoudre l’Assemblée nationale et d’organiser des législatives anticipées pour
« clarifier » le jeu politique. Ce scrutin à deux tours, censé avoir lieu en principe en 2027, a été organisé en juin-juillet 2024, mais les résultats n’étaient pas totalement à la hauteur des attentes de Macron.
Même si le RN, qui était en pole position pour prendre les devants au Parlement, a échoué à cause de l’inébranlable Front républicain, ces législatives n’ont pas profité à la coalition présidentielle. Bien au contraire, elles ont occasionné un recul de la famille présidentielle, qui a perdu sa majorité relative à l’hémicycle.

Au sortir des urnes, le Nouveau front populaire (NFP), qui comprend, entre autres, La France insoumise (LFI) de Jean-Luc Mélenchon, les écologistes et les socialistes, est devenu la force politique la plus représentée à l’Assemblée nationale. Cette formation politique, qui dispose également d’une majorité relative, est arrivée en tête des législatives avec 182 députés élus, contre 168 pour le clan Macron et 143 pour le RN. Le reste des 577 sièges est partagé par d’autres entités politiques. Au vu de l’échec de la coalition présidentielle aux législatives, une alliance gouvernementale s’imposait à Macron. Au lieu de respecter la logique démocratique, qui commande que le poste de Premier ministre revienne au NFP, le chef de l’Etat français a préféré opéré un coup de force, en nommant le républicain Michel Barnier à Matignon. Au terme de deux mois de tractations, Macron a purement et simplement snobé la candidate proposée de plein droit par NFP, Lucie Castets. La volonté des urnes n’a pa été suivie, comme cela est de rigueur en de pareilles circonstances et de surcroît dans une démocratie établie. Michel Barnier, plusieurs fois ministre, ex-commissaire européen et négociateur en chef pour le Brexit (retrait du Royaume uni de l’Union européenne), est-il le moindre mal pour l’Elysée ? Tout semble l’indiquer, mais la promotion de cet opposant de droite « raisonnable » à la primature a mis le feu aux poudres. En témoigne, la marche de la semaine dernière contre Macron, à qui des manifestants ont demandé de démissionner. Le NFP, qui dénonce un « deal » avec le RN à propos de la nomination de Barnier, ne décolère pas et entend d’ailleurs demander la censure de son gouvernement.

De toute évidence, le président français a manifestement du mal à intégrer la notion de cohabitation, coexistence institutionnelle entre un chef de l’Etat et un chef de
gouvernement issu de la majorité parlementaire politiquement antagoniste. Son entourage ne préfère-t-il pas éviter ce vocable, en parlant plutôt de «coexistence exigeante » avec Michel Barnier ? La cohabitation est pourtant une tradition dans l’hexagone, qui en connut trois. La dernière personnalité à l’avoir douloureusement expérimentée sur la période 1997-2002, c’est son prédécesseur, le défunt Jacques Chirac. La convocation de législatives anticipées en cours de mandat comporte indéniablement de gros risques, qu’un
dirigeant n’ignore pas.

En se livrant à cet exercice pour le moins périlleux, le Président Macron, élu en 2017 et réélu en 2022 pour un second mandat, en sort plus que jamais fragilisé. Le chef de l’Etat français a joué comme dans un casino et il a perdu. Il lui reste maintenant à affronter les conséquences de la cohabitation. Ce qui augure d’un déroulement compliqué pour le reste de son second et dernier mandat. Dures, dures, les réalités du pouvoir…

Kader Patrick KARANTAO

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