Journée des coutumes et des traditions : « Une éclatante manifestation d’une justice immanente au Burkina Faso », Anatole Gomtirbou-Noma Tiendrebéogo

Demain 15 mai 2024 marque la Ire édition de la Journée des coutumes et des traditions instituée par le gouverne￾ment. Dans cette déclaration, l’ancien ambassadeur (en République fédérale d’Allemagne de 1981 à 1986) et ancien ministre de l’Environnement et du Tourisme (1992-1995), Anatole Gomtirbou-Noma Tiendrebéogo, considère cette
initiative comme une « éclatante manifestation d’une justice immanente au Burkina Faso et en Afrique Noire ».

Qu’à cela ne tienne ! Ni erreur, ni omission, a sonné le début de la fin de la fameuse
sentence dictatoriale et multiséculaire imposant au monde la malheureuse vision erronée : « les anges sont blancs et les diables sont noirs ». Cette décision
des autorités compétentes de la Transition sur la Journée des coutumes et des traditions est un acte fort qui consolide le choix et l’action politique pour la renaissance et la souveraineté complète de notre pays et de l’Afrique Noire entière à y voir de près.
En effet, cette décision historique nous renvoie à l’existence de nos communautés
et Peuples africains au cours des cinq derniers siècles écoulés, tout au long des￾quels nos parents, arrières parents, aïeux ont enduré des moments et traitements
douloureux innommables :

La traite des Noirs, l’esclavage des Noirs, la colonisation dite civilisatrice des
Noirs, etc. En sus, retenons toujours que ces souffrances physiques de nos aïeux ne représentaient pas grand chose au regard de leur douleur
morale et spirituelle lorsqu’ils comprirent qu’en réalité leurs tortionnaires d’époque, théoriciens et pra￾ticiens confondus cherchaient à leur nier le moindre statut d’êtres humains : ils n’auraient pas d’âme, pas d’esprit ascendantal, pas de dignité humaine, donc sont et demeurent des animaux maniables et corvéables à volonté.

De ce point de vue, comment imaginer l’acceptation d’une religion traditionnelle, endogène, africaine ? D’où la persécution systématique de nos croyances ancestrales, de nos coutumes et traditions. La chappe fatale s’abattit alors sur nos pays et sur nos
communautés à partir du 20e siècle : la matérialisation-terrain du partage du
continent tel qu’opéré par la Conférence de Berlin (1885) se dessine et se fortifie.
L’invasion et l’occupation de nos pays et communautés obéirent alors à quelque chose près, au même mode operandi ci-après :
– d’abord les forces militaires pour anéantir toutes velléités de résistance quelconque
endogènes ;
– ensuite les forces d’intérêt économiques et financières pour asseoir les bases de l’exploitation et de la corruption systématique ;
– puis les forces administra￾tives et politiques pour la gestion du nouveau butin bien balisé ;
– enfin les forces spirituelles et religieuses pour répandre l’idée de soumission ou nouvel ordre établi mais aussi et  pour imposer leur revendication capitale : dépositaire-monopoliste de Dieu.

En clair il fallait nous amener à croire et à accepter l’inexistence du lien ombilical entre
les vivants et les ancêtres.

NB : Cette dernière catégorie de forces d’invasions est la
plus pernicieuse. Elle a la prétention de détenir le monopole de Dieu le Tout Puissant. Elle revendique que toute communauté de tout peuple voulant aller à
Dieu passe par elle pour le droit de passage, le choix de l’intercesseur, les modalités
de la démarche vers Dieu etc.

Manifestement, ces gesticulations doivent s’arrêter ou être recentrées car nul ne
peut détenir le monopole de Dieu qui est le même pour tous les êtres humains, pour
toutes les communautés organisées pour tous les peuples de la terre. Cela est valable unanime et indiscutable au Burkina Faso malgré la soixantaine d’ethnies ou de
communautés ; il en est de même sur le continent africain en dépit de sa cinquantaine de peuples ou de nationalités.

Cette croyance fondamentale des Africains (surtout noirs) s’est mue en réalité vivante
gravée dans leurs us et coutumes et traditions qui ne s’altèrent nullement malgré
les nombreux relâchements socio-générationnels observés çà et là au contact des civilisation étrangères non maîtrisées ou mal régulées.

Evidemment, après des centaines d’années de persécutions diverses, nos coutumes
et traditions n’ont plus leurs lustres d’antan. Leur pratique souvent exercée dans une
sorte de clandestinité n’a pas permis un transfert de connaissances identiques de
génération en génération. Dès lors, il n’est pas superflu de
faire un rappel succinct de la quadrature de nos coutumes et traditions. Appartenant à
l’une des dernières générations ayant bénéficié de ces us et coutumes encore immaculés. Nous pensons pouvoir
livrer les informations qui suivent.

Nos coutumes constituent les produits dynamiques de notre cosmogonie africaine et
burkinabé. Ils sont l’expansion vivante de notre spiritualité africaine dont la charpente présente un Dieu unique Tout Puissant entouré de la communauté de nos ancêtres, eux-mêmes ayant un lien ombilical avec nos communautés des vivants. Il est remarquable que dans cette trilogie vivifiante les ancêtres occupent un rôle prépondérant. Ils constituent
le point d’ancrage entre Dieu et les humains. Les prières et
les offrandes des vivants sur terre remontent à Dieu à travers ce passage obligé. Les
Mosse traduisent bien cette situation dans leur adage
bien connu : Nous sommes infiniment petits et insignifiants pour oser nous adresser directement à Dieu.

Notre premier intermédiaire est donc l’immense cortège des mânes de nos ancêtres, aïeux et parents siègent au paradis avec ceux des autres peuples et communautés. Ainsi, le sang du poulet immolé par le
patriarche pour la santé ou la prospérité de la famille est adressé à l’âme de l’ancêtre
qui, séjournant déjà au paradis, assurera la transmission
à Dieu, selon le protocole divin le plus efficace. A n’en point douter, ce sang de poulet est le même que celui du bélier d’Abraham et de la tabaski tout comme celui de
l’agneau divin des tabernacles. Mais attention ! Cela ne fonc-tionne pas mécaniquement
comme par magie ou par sorcellerie. Il s’agit d’un culte
humano-divin. Les célébrants sont astreints à la pureté du cœur, à une vie conduite dans la crainte de Dieu.

Ils ne sont plus légion comme jadis, mais il en existe toujours. Les grandes
familles dans les grandes communautés y veillent constamment dans les plus
grandes discrétions. Il y va de l’intérêt communautaire, même national. Les résultats
sont probants, visibles et vérifiables. Des démonstrations concrètes les plus fiables se retrouvent dans l’émission télévisée « yelsolma » de la RTB, malheureusement suspendue à la demande et sous la pression de certaines religions dites révélées, selon le brave animateur de l’émission très suivie et très appréciée. Il est temps de remettre tout cela
en marche vers la conquête de notre entière souveraineté nationale. Il n’y aura pas de véritable indépendance politique, économique et autre,
sans l’indépendance spirituelle. Nous devons nous libérer de l’esclavage spirituel et réfuter tout lavage de cerveau avilissant.

Tout ce qui précède nous autorise à sublimer la création de la journée des coutumes et des traditions qui impulsera la lutte contre le monopole de Dieu, contre le
commerce de Dieu et pour la résurrection du Dieu de nos Aïeux et de nos pères, notre Dieu, unique, omnipotent,
omniprésent et omniscient depuis des siècles et des siècles, « Naaba Zidwende » ou
simplement « Wende », « Wennam ». Qu’il bénisse le Burkina Faso et toute l’Afrique.
Amen.

De ce point de vue bien sincère, il convient de féliciter les autorités de la Transition nonobstant leurs graves insuffisances et déviances non nécessaires. Toutefois, il
est impérieux d’éviter la tentation de chercher à s’immiscer dans l’exercice concrète
de l’organisation et des célébrations rituelles de nos coutumes et traditions. Il s’agit
de notre religion traditionnelle. Les faitières de nos
communautés coutumières en sont pleinement compétentes et bien disponibles.

Chaque communauté et même chaque grande famille
connaissent leurs propres personnels compétents, habilités en matière de célébrations coutumières, rituelles, culturelles qui sont officiées la plupart du temps
dans la plus grande discrétion. Dans le domaine des coutumes, il n’y a point la moindre place pour les tricheries, la corruption ou les
« affaires ». Par contre, la pratique de nos traditions réserve une place
importante aux aspects festifs populaires qui viennent agrémenter l’élan communautaire vers le rassemblement, l’union, la solidarité et l’épanouissement des membres de la société humaine concernée.

A ce niveau, toute action bienveillante de l’Etat est la bienvenue dans le respect
des conduits protocolaires du milieu concerné. De même, chaque composante de la société nationale y compris les intellectuels, les chercheurs et autres en toute humilité, doivent apporter leur contribution constructive. Dans le même ordre d’idée, la religion traditionnelle reste aimante, tolérante, dépourvue de rancœur
et de toute idée de compétition religieuse.

Cela est suffisamment démontré dans le présent dialogue interreligieux tout
comme dans la période d’avant l’arrivée des religions étrangères dans notre pays et sur le sol du continent africain. Par conséquent, que nul ne perçoive une menace quelconque à son existence en raison de l’avènement heureux de la journée du 15 mai qui consacre la délivrance et la purification des consciences des filles et fils du Burkina et de l’Afrique. Dans la recherche continue de la cohésion sociale, l’Etat pourrait souligner fermement dans les textes d’application de la journée du 15 mai, le vibrant appel à toutes les religions reconnues à éviter autant que possible dans leurs prêches, les dénigrements et les allusions à une autre confession religieuse quel que soit le thème développé par les célébrants.

Chaque religion confesse ses propres concepts et préceptes et respecte ne seraitce que par le silence, les autres religions et leurs concepts et préceptes à elles. Vraiment, soyons suffisamment éclairés pour ne pas tomber dans la bêtise de nous disputer le « Bon Dieu »
seul et unique en dépit de la différence des noms qui lui
sont attribués par nous les pauvres humains.

Mais encore faut-il, au dessus de tout, que les filles et fils du Burkina obéissent
pleinement à leurs propres lois et règlements et à commencer par leurs dirigeants eux-mêmes qui doivent donner le bon exemple.

Gloire à nos peuples, victoire à nos ancêtres et adoration profonde à Dieu, l’Eternel que nous appelons « Naaba Zid wende » ou « Wennam ».

PS : Grandement merci aux patriotes de la Transition et du pays

Anatole Gomtirbou-Noma
TIENDREBEOGO

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