La mort politique de Guillaume Soro ?

L’ex-Premier ministre et Président de l’Assemblée nationale ivoirienne, Guillaume Soro, a été condamné à la prison à vie par le tribunal criminel d’Abidjan, hier mercredi 23 juin 2021. Guillaume Soro et 19 de ses proches étaient poursuivis pour tentative d’atteinte à l’autorité de l’Etat et complot, diffusion de fausses nouvelles et troubles à l’ordre public, dans un procès qui a débuté le 19 mai dernier. Guillaume Soro et cinq autres accusés étant exilés (jugés par contumace), ce sont 14 personnes qui étaient dans le box des accusés. Au verdict, Guillaume Soro a écopé de la prison à vie et son avocate Affoussiata Bamba Lamine, exilée également, de 20 ans.

Souleymane Kagamaté dit « Soul to Soul », son directeur de protocole et les militaires de sa garde rapprochée ont également été condamnés à 20 ans chacun, pour tentative d’atteinte à l’autorité de l’État et complot. L’ancien ministre et ex-député, Alain Lobognon, de même que les deux frères Simon et Rigobert Soro qui ont déjà fait 18 mois de détention provisoire, ont été condamnés à 17 mois de prison pour troubles à l’ordre public, pour avoir tenu une conférence de presse le 23 décembre 2019, au moment où l’avion de Guillaume Soro s’apprêtait à atterrir à Abidjan. Les autorités avaient basé leurs accusations sur ce qu’elles présentaient comme des enregistrements téléphoniques, dans lesquels Guillaume Soro évoquait ses soutiens au sein de l’armée, se disait «positionné un peu partout » et indiquait avoir la « télécommande» pour passer à l’action. Des perquisitions auraient aussi permis de saisir une cinquantaine de fusils d’assaut Kalachnikov et des
lance-roquettes.

Au regard de la sentence de ce procès, on est tout de suite tenté de se demander s’il s’agit d’un procès politique ou d’une décision de justice. Si l’on sait que le tribunal a ordonné la dissolution de Générations et peuples solidaires (GPS), le mouvement politique lancé par Guillaume Soro en juillet 2019 et solidairement condamnés les coupables à payer un milliard F CFA de dommages et intérêts, la réponse à cette question est évidente : le procès vise simplement à mettre hors d’état de nuire, un adversaire politique. Cela, parce qu’un fidèle parmi les plus fidèles d’Alassane Ouattara s’est opposé à la création du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) à partir de 2018, parce qu’ayant lui aussi des ambitions présidentielles.

La suite est connue. En avril 2020, l’ancien président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro avait déjà été condamné à 20 ans de prison fermes, 4,5 milliards F CFA d’amende et à la privation de ses droits civiques pour une période de cinq ans après avoir été reconnu coupable de recel de deniers publics détournés et de blanchiment de capitaux, du fait de l’acquisition d’une villa à Marcory résidentiel, un quartier huppé d’Abidjan, alors qu’il était Premier ministre, grâce à des fonds du trésor public ivoirien. C’est dire donc qu’à moins que le vent de la réconciliation n’emporte avec lui toutes ces peines, Guillaume Soro est définitivement écarté du jeu politique ivoirien et donc politiquement mort en théorie.

Mais pour qui connaît ce virevoltant homme politique et ex-rebelle, il faut s’attendre à des rebondissements ou à tout le moins, à des évolutions significatives de sa situation. Dans ce sens, il a déjà donné le ton sur les réseaux sociaux en réaction à sa condamnation : « Ces verdicts viennent renforcer ma conviction qu’il faut se battre courageusement et sans faiblesse contre la captation de l’État ivoirien et la mise sous tutelle de toutes ses
institutions. Je ne renoncerai pas à ce combat ».

 Jean-Marie TOE

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