Les réseaux sociaux à but asocial

Je me demande souvent quel temps un citoyen normal peut-il avoir à se pavaner sur les réseaux sociaux entre commentaires et débats parfois stériles. Je me demande quel temps ils ont à surfer sur Facebook pendant que la nation a besoin de leur force de travail. Les réseaux sociaux ne sont plus des réseaux ou des liens entre les hommes ; ce sont plutôt des isoloirs asociaux qui effritent le tissu social au profit d’un individualisme chronique. On ne peut plus se parler et se tapoter ; on préfère papoter sur la toile sur des sujets parfois futiles que puériles ; on ne peut plus discuter de questions sérieuses ; on étale ses carences avec une suffisance qui frise la nuisance.

Si seulement ces immatures internautes savaient que leurs bêtises font l’objet d’études minutieuses, d’enquêtes et de recherches. Parfois, je tombe des nues en voyant un quidam à la tronche hideuse se faire des selfies dans un avion, calfeutré au hublot avec la mention : « en partance pour la France… toujours entre deux avions… l’aventure continue… hier à terre, aujourd’hui dans les airs, etc. ». Prenez cet autre rustre qui immortalise son infantilisme au volant d’un tacot avec la mention : « la réussite, ah la réussite ! » J’ai de la peine à évoquer ce pauvre ignare des temps modernes qui nous publie le corps de son défunt père et qui se laisse déverser des tas de « j’aime » de la part de ses impolis amis. Et que dire de ce fougueux « animal social » qui expose sa vie privée en plusieurs tomes et albums sur la poubelle du net ? Si la fascination pour les technologies de l’information et de la communication doit nous éloigner de nous-même et de la société, alors, que l’on nous coupe tout ce câblage qui nous étouffe. Si être connecté signifie se déconnecter de la réalité, du bon sens et de la morale, alors, repartons à l’état de nature.

En ce temps d’insécurité, il y a des gens qui tiennent des propos tendancieux et mal à-propos sur les réseaux sociaux. Il y en a même qui, par leur exubérance, finissent par donner les positions de nos vaillants défenseurs. N’oublions pas ces incultes « experts » colporteurs de sensationnel et de rumeurs. Sans formation ni initiation au journalisme, ils jouent les connaisseurs sur un terrain glissant où ils n’ont aucun rudiment pour se faire respecter. Sans la moindre béquille, on balance n’importe quoi n’importe comment comme si les réseaux sociaux étaient dévolus à n’importe qui. J’en veux aussi au soldat qui nous éclabousse d’images atroces du terrain comme pour dire que les gars ont bien fait leur boulot. Je ne suis pas tendre envers l’autorité et son entourage qui laissent parfois filer l’information stratégique pour légitimer ses efforts et engranger de potentielles voix. Il y a des fois où il faut faire un blackout sur certaines informations. Il y a des fois où il faut dire aux renifleurs et fouineurs de primeurs d’ « aller voir ailleurs » ; parfois même, il faut tout couper pour déjouer la tactique de l’autre. Malheureusement, entre la communication politique parfois éthylique et soporifique et la « réal militaire », il y a un grand fossé que seule la raison peut combler.

Les réseaux sociaux ne sont pas que des poubelles sociales. Il y a encore des êtres lucides qui en usent à bon escient à travers des leçons, des conseils et des avis réfléchis. C’est pour ces grands esprits, que je m’y aventure souvent en enjambant les menus fretins en état de putréfaction. C’est pour ces bâtisseurs de l’ombre que j’ose pointer le nez dans la « merde » en volant plus haut que le vers de terre qui s’englue en merdoyant dans son propre merdique merdier. Après tout, le monde est ainsi fait : il y a ceux qui vivent inutilement sur terre et ceux qui se battent nuit et jour pour se tailler une place dans l’histoire. La meilleure façon d’exister ne consiste pas à se bomber le torse nu sur Facebook ou à y proférer des insanités dignes de mioche. La meilleure façon de marquer son existence, c’est d’être pondéré et modéré dans la vie. Parce qu’avant qu’Internet ne nous prenne la tête nous n’étions pas moins nets. Drôles de réseaux sociaux pour cas sociaux ! Haro aux réseaux sociaux à but asocial !

 

Clément ZONGO
clmentzongo@yahoo.fr

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