Lu pour vous « Tout savoir sur la Sorcellerie » : l’éclairage du Pr Bali NEBIE

Voulez-vous « Tout savoir sur la sorcellerie en Afrique subsaharienne ? » Si oui, l’écrivain burkinabè Pr Bali NEBIE vient de publier aux Editions IKS (Juillet 2025) un Essai de 126 pages qui répond  « Sans  détour ni tabou » à votre préoccupation. L’auteur qui s’est beaucoup investi dans des recherches approfondies sur la sorcellerie apporte dans son ouvrage « Sa Contribution à l’éclairage de ce phénomène » considéré à tort ou à raison comme une pratique sociale mystique et mythique.

 Selon que l’on est du monde des profanes ou du cercle des initiés, la sorcellerie est un phénomène social qui ne s’appréhende pas du tout de la même façon. Si pour les premiers, la tendance majoritaire est réduite « aux rôles de marionnettes », sujette à manipulation à outrance, pour les seconds, sous l’abri de sociétés sécrètes, se révèlent être « les tireurs de ficelles » qui exercent leur autorité par le biais de la sorcellerie sous l’angle organisationnel des confréries des sorciers. Dans le contexte de vie communautaire en Afrique subsaharienne, ces confréries sont certes animées par quelques individus mais dont la suprématie sur la grande majorité des populations est quasi certaine. Ces populations profanes qui ne sont pas familières à l’univers des initiés n’ont alors d’autres choix que de se laisser gagner par deux hantises : la peur et la méfiance.

Cette attitude des profanes fertilise et conforte naturellement les confréries des sorciers dans leurs pratiques et agissements à forger et à forcer une sorte de crainte savamment entretenue : crainte de la mort ou des mauvais sorts. Le constat que fait alors l’auteur de l’œuvre, Pr Bali NEBIE, du trône de sa cinquantaine d’années de recherche sur la sorcellerie et tout le mystère qui l’entoure est d’importance révélatrice : « La pratique de la sorcellerie constitue aujourd’hui un obstacle majeur au développement du continent ». Comme argument pour étayer son affirmation, il fait observer que les confréries des sorciers « qui s’étaient donné pour mission de réguler la vie communautaire » en termes de maintien de l’ordre, la discipline, la justice, la sécurité, garants de la paix, sont tombées ou en passe de tomber dans l’abime des abus condamnables voire maléfiques. Et même si ces confréries des sorciers font quelquefois le ménage en leur sein, il n’en demeure pas moins que « des brebis galeuses » aux agissements incontrôlés subsistent et dont les pratiques ternissent l’image de ces confréries.

« Nécessité de juridictions spéciales pour suivre tous les cas de sorcellerie »

Le comble, c’est que pour des allégations ou accusations de sorcellerie, « des drames d’exclusion sociale » sont observés dans nos communautés. Pour faire face à la situation, Pr Bali NEBIE propose aux autorités compétentes de prendre des mesures fortes à même de dissuader les auteurs de ces drames, de ces crimes. Entre autres mesures, il suggère « la révision de la législation sur la sorcellerie pour la rendre véritablement répressive, l’application de la rigueur de la loi à tous les acteurs sans exception impliqués dans les procès de sorcellerie organisés en dehors des juridictions officielles, le rétablissement dans leurs droits de tous les citoyens et citoyennes bannis de leur communauté pour allégations de sorcellerie, le suivi des mesures de protection des citoyens rétablis dans leurs droits, la création de juridictions spéciales chargées de suivre tous les cas de sorcellerie, l’implication des médias dans les campagnes de sensibilisation et d’information à l’endroit des populations, etc. »

Pr Bali NEBIE et son œuvre (Photos lefaso.net)

L’ouvrage du Pr Bali NEBIE donne également à explorer la sorcellerie et l’univers des sorciers en Afrique subsaharienne, une zone ancrée dans les traditions ancestrales. L’auteur a maitrisé son sujet à telle enseigne qu’on le prendrait pour un initié ou pour le moins un adepte ou un disciple d’une confrérie des sorciers. Mais ce n’est pas son cas. Toutefois sa fin connaissance du phénomène n’est pas non plus le fruit du hasard. En effet, il a bénéficié, sur la base de la confiance, de l’encadrement et des enseignements discrets de son cousin et de son oncle paternels, deux vieux sages du cercle des initiés. Ces derniers ont accepté volontiers d’aiguiser sa curiosité de cerner au mieux l’univers des sorciers que « tout le monde redoute et auquel sont attribués tous les malheurs des communautés ». Sans l’encadrement de ce cousin et cet oncle, Pr Bali NEBIE n’aurait certainement pas pu ‘’infiltrer’’ les sociétés sécrètes et les confréries des sorciers pour percer certains de leurs mystères. Car étant inscrit à l’école du Blanc, il était d’office exclut d’appartenance à ces sociétés et confréries. Mais le voilà solidement imprégné du phénomène de la sorcellerie dans tous ses aspects même les plus enfouis dans les tréfonds du secret. Pour ce scientifique familier aux lois de la nature et de la physique « qui limitent objectivement les pouvoirs des sorciers, leurs actions relèvent du mythe et de la mystification. » Par des arguments solides tirés de son bagage scientifique, le Professeur certifié des Sciences de la Vie et de la Terre (SVT) déconstruit l’architecture mythique de la sorcellerie, mettant ainsi en lumière « les contradictions internes du système et l’avenir à se corriger pour mieux accomplir sa mission dans la nouvelle société d’aujourd’hui. »

A ce titre, l’ouvrage du Pr Bali NEBIE assume « une grande fonction pédagogique » déclinée sous forme de dialogue entre lui et un de ses disciples du pseudonyme de FORAS, dialogue bâti en 168 questions –réponses portant sur la pratique de la sorcellerie en Afrique subsaharienne. L’exercice n’est pas aisé car il a fallu au Professeur de justifier la pertinence « des fondations de l’édifice communautaire qui a été conçu et réalisé essentiellement par les confréries des sorciers » et de mettre aux bancs des accusés « les colonisations arabo-musulmanes et européennes subies par le continent africain et qui ont ébranlé, sinon détruit » l’harmonie sociale ancestrale. D’où « ce désordre social indescriptible qui a fait perdre aux populations tout repère. »

Pour remédier à ce drame que vivent les populations, Pr Bali NEBIE  interpelle l’élite africaine à « une tâche d’appropriation de la mission de reconstitution de la véritable Histoire du continent en vue de connaître et de comprendre ses traditions et coutumes. » En ce sens on peut affirmer sans risque de se tromper que Pr Bali NEBIE a déjà  cette posture de Grand Maître.

Sita TARBAGDO (Collaborateur)

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