Alors que l’émoi provoqué à la suite de l’attaque du convoi de la mine d’or de Boungou n’est pas encore retombé, des critiques, parfois acerbes, s’élèvent contre l’une des mesures volontaristes annoncées par le chef de l’Etat après le drame notamment, le recrutement de volontaires pour défendre le pays. Pendant que des observateurs avisés saluent une mesure nécessaire impulsée du sommet, certains n’y ont vu qu’un aveu d’impuissance face à l’hydre terroriste. On peut tout au plus reprocher à l’exécutif le fait que ses bras opérationnels (défense, sécurité, administration territoriale, communication) ne se soient pas immédiatement mobilisés dans la foulée de cette annonce majeure pour donner un contenu clair et des modalités précises avant la machine à rumeurs. A l’analyse, le pays pourrait-il continuer à utiliser les mêmes stratégies face à une situation qui se dégrade à une vitesse V, en espérant tout autre résultat ? La réponse ne souffre d’aucune ambiguïté, à l’exception bien comprise des questions de légalité dont les réponses sont données par la loi fondamentale. En effet, l’article 10 de la Constitution burkinabè stipule que «Tout citoyen burkinabè a le devoir de concourir à la défense et au maintien de l’intégrité territoriale. Il est tenu de s’acquitter du service national lorsqu’il en est requis». On peut donc être conforté que cet appel au patriotisme des Burkinabè pour défendre l’intégrité du territoire, plus que jamais menacée, se fait dans l’encadrement de la loi. Mieux, le président du Faso n’en fait pas une obligation comme le veut la Loi fondamentale, mais veut plutôt des engagements volontaires. Cette extrême violence terroriste ne peut en effet être annihilée par la seule canonnade, mais à travers, une véritable résistance populaire. S’il est un peu trop tôt pour juger de l’efficacité des mesures, les nouvelles du front sont plutôt encourageantes ces derniers jours où la collaboration entre les Forces de défense et de sécurité et les populations commence à porter fruit. C’est le cas notamment à Bourzanga où les assaillants ont laissé le 16 novembre 2019, et des plumes et du matériel… Qui mieux que les populations locales elles-mêmes pour assurer leur propre sécurité ? Qui mieux que ceux qui, comme dans le secteur Nord-Ouest du pays, sont obligés de partager les mêmes points d’eau, espaces champêtres, sentiers et même leurs marchés avec les GAT (Groupes armés terroristes), pour assurer leur propre sécurité.
L’appel d’air suscité par l’initiative présidentielle est aussi peut-être la preuve que les Burkinabè ont, enfin, compris collectivement ou individuellement, les enjeux de la lutte contre cette chape de plomb terroriste. Au moment où les GAT ont, eux-mêmes violé «la charte» qui leur garantissait le silence ou la complicité de certaines populations locales, il semble donc à présent que l’ensemble des Burkinabè sont égaux devant la menace. Du reste, ils ne sont mêmes pas nombreux à prendre le risque mortel à s’engager, pour le succès de la «guerre totale» contre les hordes terroristes.
L’un dans l’autre, et n’en déplaise aux stratèges militaires de salon ou de comptoir, cette mesure présidentielle est à même d’apporter une réponse appropriée à cette violence aveugle dont les fondements sont à la fois déstabilisateurs, prédateurs que du banditisme de grands chemins. Il reste à l’Etat d’avoir une vision prospective et anticipatrice face aux implications de cet engagement populaire et aux populations, à cerner tous les enjeux de ce conflit qui, à terme, menace l’intégrité territoriale, pour y apporter la réponse idoine de concert avec les forces de défense et de sécurité.
Mahamadi TIEGNA