Maladie thrombo-embolique veineuse : « On peut en guérir, mais à condition… », Dr Armel Nana, cardiologue

Dr Armel Nana, cardiologue à la polyclinique internationale de Ouagadougou : « l’embolie pulmonaire est grave et nécessite une prise en charge conséquente ».

Méconnue, la maladie thrombo-embolique veineuse est une maladie qui touche plusieurs personnes. Dans cette interview, Dr Armel Nana, cardiologue à la polyclinique internationale de Ouagadougou nous donne plus d’éclairages sur les causes, conséquences, mais surtout le protocole pour une meilleure prise en charge des patients.

Sidwaya : Qu’est-ce que c’est que la thrombose ?

Armel Nana (A.N.) : Lorsqu’on parle de thrombose, il faut voir un concept un peu plus large. Ce concept, c’est la maladie thrombo-embolique veineuse. Et, cette maladie regroupe trois entités. La première est la thrombose veineuse profonde, généralement des membres inférieurs ou thombophlébites. Ensuite, il y a l’embolie pulmonaire qui est pratiquement indissociable de la thrombose veineuse profonde.

C’est une des complications potentiellement mortelles de celle-ci et enfin, la troisième entité qui est une complication un peu plus dans le long terme qui rentre aussi dans le cadre de la maladie thrombo-embolique veineuse qui s’appelle la maladie post phlébitique. Donc, ces trois entités sont regroupées sous le terme de maladie thrombo-embolique veineuse.

S : Quelles sont les causes de la maladie thrombo-embolique veineuse ?

A.N. : la maladie thrombo-embolique veineuse est fréquente, mais très souvent, la prévalence ou l’incidence sont sous-évaluées. Le diagnostic de l’embolie pulmonaire par exemple est très difficile du fait que les signes sont communs à plusieurs autres maladies, ce qui explique cette sous évaluation, mais il faut toujours y penser dans certaines situations.

Il y a trois conditions qui doivent être réunies pour qu’apparaisse la maladie thrombo-embolique veineuse. Il y a d’abord la stase qui est un ralentissement du flux sanguin. Ensuite, la lésion qui est une effraction veineuse. Enfin, le troisième élément, ce sont les troubles de la coagulation, notamment l’hyper coagulabilité. Chacune de ces conditions, à une implication plus ou moins grande va favoriser la survenue de la maladie thrombo-embolique veineuse.

Ces conditions vont être observées dans certaines situations ou facteurs favorisants qui vont engendrer la survenue de la maladie. Ces facteurs ou causes sont notamment les situations de chirurgie. Par exemple, un malade qui vient d’être opéré peut être un facteur qui va favoriser la thrombose veineuse profonde et l’embolie pulmonaire qui est sa complication la plus grave.

Les causes peuvent être aussi certaines infections, l’hormonothérapie, les cancers, l’alitement prolongé, les déficits en certains facteurs de la coagulation… peuvent favoriser la survenue de la maladie thrombo-embolique veineuse.

S : La maladie thrombo-embolique veineuse est-elle grave ?

A.N. : Sa complication immédiate est une urgence médicale qui peut mettre en jeu le pronostic vital du patient, notamment la survenue de l’embolie pulmonaire. Et elle nécessite une prise en charge urgente.

S : Alors quelles sont ses manifestations ?

A.N. : Pour la thrombose veineuse profonde des membres inférieurs, le malade peut se plaindre en général de douleurs de la jambe, d’une simple gène, d’une fatigabilité, de crampes au niveau du mollet. Il peut faire aussi de la fièvre et quelques temps après, le membre peut commencer à prendre un peu de volume.

Donc, c’est l’œdème au niveau du membre inférieur. Très souvent, c’est unilatéral, sur une jambe. Une impotence aussi va apparaître. Et cela amène le médecin après l’examen clinique à demander un certain nombre d’examens notamment ce qu’on appelle les D dimères, c’est un examen de sang et après une échographie Doppler veineuse des membres inférieurs pour faire le diagnostic.

S : Pour le cas de l’embolie pulmonaire, quelles sont les manifestations ?

A.N. : Pour l’embolie pulmonaire, le malade peut se plaindre de difficultés respiratoires (une dyspnée), ou bien de douleurs à la poitrine. Très souvent, ce sont des douleurs à type de point de côté ou une toux. Le malade peut faire ce qu’on appelle l’hémoptysie, c’est-à-dire une toux qui ramène des crachats où il y a du sang.

Il peut faire aussi de la fièvre. Lorsque le malade consulte, l’examen clinique va rechercher un défaut d’oxygénation et orienter vers la réalisation d’un angio-scanner des artères pulmonaires. Ce qui permettra de mettre en évidence la formation de caillots au niveau de ses artères pulmonaires et de faire le diagnostic de l’embolie pulmonaire.

S : Est-ce une maladie grave ?

A.N. : Oui. Dans sa composante embolie pulmonaire, c’est une urgence médicale. Il peut mettre immédiatement en danger la vie du patient. Dans ces conditions, cela nécessite une hospitalisation avec un traitement en urgence. C’est un traitement anti-coagulant qui est appliqué. Il permet de dissoudre progressivement les caillots et d’éviter la formation de nouveaux caillots.

Dans l’urgence absolue, il y a des médicaments qui permettent de dissoudre rapidement les caillots qu’on appelle thrombolytiques. Classiquement, ce sont les traitements anti-coagulants injectables qui sont appliqués à base d’Enoxaparine surtout dans notre contexte. Progressivement, on fait un relais avec des médicaments anti- coagulants oraux. En plus, si le malade a une mauvaise oxygénation, on peut faire ce qu’on appelle l’oxygénothérapie. Il y’a aussi d’autres traitements adjuvants.

S : Peut-on en guérir ?

A.N. : Oui. On guérit d’une embolie pulmonaire, d’une thrombose veineuse profonde mais à condition que le traitement soit bien conduit, qu’on soit bien pris en charge. Donc il faut déjà que le malade aille en consultation et assez rapidement. Le traitement peut aller de trois mois à un an voire même à vie. Il y a des examens qu’on pourrait compléter plus tard pour rechercher des anomalies génétiques qui auraient favorisé la survenue de cette embolie, si on n’a pas de facteurs évidents au départ.

Cela permet d’envisager un peu la durée du traitement. Sinon, on guérit bien d’une embolie pulmonaire, d’une thrombose veineuse profonde des membres inférieurs. Le risque, si le traitement n’est pas bien conduit, cela peut conduire à la mort. Car, l’embolie pulmonaire est grave et nécessite une prise en charge conséquente.

Pour la thrombose veineuse profonde, on peut aussi être totalement guéri, mais il y a un risque de récidive. Ce n’est pas exclu que quelques années plus tard, la récidive survienne et nécessite d’autres explorations complémentaires pour mettre en évidence le facteur qui l’a entrainé. Dans ce cas, le traitement est prolongé.

Abdel Aziz NABALOUM

emirathe@yahoo.fr

Laisser un commentaire