Comme c’est fou de voir tous ces fous partout, comme des poux, fouiner les égouts pour des menus sans goût. Comme c’est fou de voir tous ces fous déambuler dans une société où l’on se fout de ceux qui sont fous. Ça rend vraiment fou de voir ces hommes et femmes marcher nus et pieds nus, sous le regard indifférent des passants. Ces fous se moquent du Code de la route, ils marchent sans feuille de route, ils déroutent les usagers qui redoutent le danger, il y en a qui marchent avec le sourire jaune du délire entre les grimaces étriquées de la souffrance en transe.
Il y a ceux qui déambulent en trimballant tout sur leur tête avec parfois des
projectiles et une sébile en main. Entre leurs invectives sans tête ni queue, ils racontent des vérités, ils accusent la société et pointe du doigt notre animosité cachée. Ils ont perdu le sens de l’utile, du juste, du bien et du mal. De jour comme de nuit, ils marchent sous le soleil et la pluie, dans le froid et la poussière. Ils n’appartiennent à personne, personne ne les reconnaît ou ne les réclame, ils sont tombés du ciel, ils ont perdu l’essentiel.
Loin de la raison, ils regardent le monde sur des tas d’immondices à l’envers avec le revers des yeux. Ils voient tout de travers et le revers, c’est que de pervers sicaires s’en délectent la nuit venue, pour assouvir leurs bassesses. Voilà pourquoi la malade mentale se balade avec un « problème » prénatal ou un banal fruit vivant conçu de façon brutale par un mâle bien-pensant, sans la moindre fibre sentimentale. Fantasme et orgasme de miasme !
Seuls les bourreaux peuvent répondre. Que fait la société pour tous ces rejetés hébétés ? Etre fou, c’est vraiment perdre tout, même les siens. Parfois nous sommes sévères envers ces hères qui errent dans les airs et vivent dans les fers. Ils ne peuvent même pas s’acheter à
manger avec l’argent de la générosité. Ils ne peuvent boire à la source des dignes qui les guignent avec un bâton à la main. Le soir venu, ils se confient aux étoiles dans un sommeil sans rêve, sous les ponts infestés de moustiques et de venimeux bestioles en attendant de se réveiller sans tête.
Lui était élève ou étudiant, aujourd’hui il est mendiant après avoir fait tonneau sous le poids du « Boileau ». C’est l’avenir qui navigue à vau-l’eau, sans bouée de
sauvetage ! Lui, il était le plus beau, il frimait dans les vapes entre drogues et tabac ; il vit dans la poubelle aux abats et est obligé de se battre avec les vautours et les chiens errants pour arracher sa pitance ; Elle, était belle comme une étincelle, elle s’est brûlée les ailes sur les passerelles mortelles de son propre zèle. Il n’y avait pas mieux qu’elle, aujourd’hui, elle marche dans les ruelles de la ville cruelle avec une gamelle sans le moindre
ermicelle.
Quant à cette jeune mère, elle a été abandonnée par son mari, chassée de chez elle pour des raisons qui font perdre la raison. Son histoire porte les coups du sort et du mauvais œil qui hante et accule. Elle vit dans la rue avec un enfant qui a presque l’âge d’aller à l’école. N’oublions pas tous ces hommes et femmes qui croupissent chez eux entre les quatre murs d’un asile familial, parfois ligotés, souvent bombardés de tranquillisants qui
finissent par rendre amorphe et veule. Il faut faire quelque chose. Soyons plus humains, solidaires et aimants.
Eduquons nos enfants, nos jeunes à vivre sans drogue ; aidons nos femmes et nos maris à vivre en paix, dans l’amour, sans rancune ni culpabilité.
Trop de fous à Ouaga, trop de gens qui gesticulent en pleine circulation et se
perdent en conjectures sous le poids de la conjoncture. C’est dur, c’est vrai, mais il faut tenir et même se tenir bien pour ne pas disjoncter. Aimons-nous vivants ! Nous sommes déjà en guerre, ne nous faisons pas la guerre pour une méprise passagère et pardonnable ; ne nous jetons pas la pierre pour un échec aussi cuisant soit-il ; Oui, parfois ça passe ou ça casse, mais arrêtons de nous briser entre les chaînes de la psychose qui réclame sans pause sa dose jusqu’à la surdose !
C’est inconséquent ! Quant à nous autres « fous bien portants », sans dose ni surdose, ne soyons pas moroses pour un cœur brisé ou une poche trouée ; diluons nos névroses avec la gratitude d’être en vie et l’espoir que demain sera mieux. A tous ceux qui traversent les averses sans têtes ; à tous ceux qui ont un proche qui cherche sa tête, ne faites pas la tête ; gardez la tête froide et sur les épaules, malgré le poids de l’épreuve qui s’entête à vous faire perdre la tête. A la société qui nous rend parfois fou, l’homme est « un animal social ». Arrête de le persécuter ! Prenons soin de nos malades mentaux !
Clément ZONGO
clmentzongo@yahoo.fr






