
Domêzag Jean-Jacques Dabiré est Ingénieur en agrométéorologie et responsable du service Agrométéorologie à l’Agence Nationale de la Météorologie (ANAM). Dans cette interview, il présente les prévisions pluviométriques au Burkina Faso pour la saison des pluies 2025 en csours. Il y donne également les précautions ou mesures à prendre pour se prémunir contre les risques et/ou saisir saisir les opportunités liées à ces prévisions agro-hydro-climatiques.
Sidwaya (S) : Pour cette saison, quelles sont les prévisions saisonnières attendues au Burkina Faso, en termes de quantité d’eau de pluies, pour la saison pluvieuse à venir ? A quoi les producteurs doivent-ils s’attendre ?
Domêzag Jean-Jacques Dabiré (D.J.J.D) : Pour ce qui est du Burkina Faso, il est attendu pour la saison des pluies 2025 des quantités de pluie globalement supérieures à ce qu’on a l’habitude d’observer (moyenne sur 30 ans) même si l’on peut s’attendre pour certaines localités à des quantités équivalentes à la moyenne de référence. Des phénomènes extrêmes (pluie et vents) sont également très probables notamment en début de saison.
S : Les différentes régions du pays seront-elles logées à la même enseigne ?
Il y a au moins trois zones homogènes sur le pays en ce qui concerne les quantités de pluies attendues. Plus en détail, les quantités attendues pour la période juin-juillet-août pourrait être supérieures à ce qu’on a l’habitude d’observer dans les régions des Hauts-Bassins, des Cascades et du Sud-Ouest. Dans la région de l’Est et dans la partie est de la région du Centre-Est, des quantités de pluie inférieures à ce qu’on a l’habitude d’observer sont attendues, avec la possibilité d’avoir des quantités équivalentes à ce qu’on a l’habitude d’observer sur certaines localités de ces régions pour les mois de juin-juillet-août. Quant aux autres régions (Sahel, Nord, Centre-Nord, Boucle du Mouhoun, Centre-Ouest, Centre-Sud et la partie ouest de la région du Centre-Est, Centre, Plateau Central) il est attendu des quantités de pluie équivalentes à ce qu’on a l’habitude d’observer pour les mois de juin-juillet-août.
Pour les mois de juillet-août-septembre, une pluviométrie supérieure à ce qu’on a l’habitude d’observer (moyenne sur 30 ans) est attendue sur l’ensemble du territoire avec des localités qui pourraient recevoir des quantités équivalentes à ce que l’on a l’habitude d’observer.
S : En ce qui concerne le début et la fin de la saison des pluies au Burkina Faso, seront-ils tardifs, précoces ou normaux ?
D.J.J.D : Le début de la saison est prévu normale à tendance précoce sur les régions du Sud-Ouest, des Cascades et des Hauts-Bassins. En d’autres termes, le début de la saison est attendu commencer comme on a l’habitude de l’observer dans ces régions (moyenne sur 30 ans) à savoir entre le 25 avril et le 19 mai. Pour le reste du pays le début pourrait être tardif c’est-à-dire après les dates qu’on a l’habitude d’observer. Pour la région du Sahel, un début de saison tardif se situe après le 28 juin ; pour les régions du Centre-Nord, du Nord, de l’Est, du Centre-Est, du Centre-Ouest, du Centre, du Plateau Central, de la Boucle du Mouhoun c’est après le 07 juin ; pour la région du Centre-Sud c’est après le 19 mai.
La fin de saison est attendu tardive sur l’ensemble du pays c’est-à-dire après les dates auxquelles l’on a l’habitude de voir la saison se terminer (moyenne sur 30 ans). Pour la région du Sahel c’est après le 28 septembre ; pour les régions du Centre-Nord, du Nord, de l’Est, du Centre-Est, du Centre-Ouest, du Centre, du Plateau Central, de la Boucle du Mouhoun c’est après le 07 octobre ; pour les régions des Hauts-Bassins, des Cascades, du Centre-Sud et du Sud-Ouest c’est après le 19 octobre.
S : Notre pays va-t-il connaitre des périodes sèches au cours de la saison hivernale à venir ?
D.J.J.D : En début de saison, la situation est assez optimiste en ce qui concerne les longues périodes sèches c’est-à-dire les longues périodes de jours consécutifs sans pluie qui devrait être inférieures à ce que l’on a l’habitude d’observer et ce sur la majeure partie du territoire. Cependant, dans la région du Sahel, du Centre-Nord et la partie nord de la région de l’Est, les périodes sèches pourraient être longues c’est-à-dire supérieure à 10 jours au Sahel et à 9 jours dans les régions du Centre-Nord et de l’Est.
En fin de saison, les séquences sèches pourraient être longues dans les régions du Sud-Ouest, des Hauts-Bassins, des Cascades où elles pourraient être supérieures à 9 jours ; dans les régions de l’Est, du Centre-Est et la moitié sud-ouest de la région de la Boucle du Mouhoun elles pourraient dépasser 10 jours. Ailleurs, les séquences sèches devraient être courtes en fin de saison.
S : Quels sont les éventuels risques ou opportunités hydro-climatiques auxquels les agriculteurs burkinabè doivent-ils s’attendre au cours de cette saison pluvieuse ?
D.J.J.D : Vous me donnez là l’opportunité de m’exprimer sur le processus d’élaboration des prévisions saisonnières 2025. Le processus commence par les analyses et la production des tendances pour les cumuls pluviométriques, les dates de débuts et de fin de saison ainsi que des séquences sèches en début et fin de saison. Cette année une innovation a été inscrite, il s’agit de l’atelier de coproduction qui a réuni les acteurs des cinq secteurs clés du Cadre National pour les Services Climatologiques (CNSC) que sont : le secteur agriculture et sécurité alimentaire, le secteur gestion des catastrophes, le secteur santé, le secteur ressource en eau et le secteur transport, BTP et énergie.
Des représentants des 13 gouvernorats de régions ont également pris part à cette rencontre. L’un des objectifs de cette rencontre était justement d’identifier les risques potentiels pour chaque région de notre pays et de formuler des recommandations en lien avec les prévisions saisonnière 2025. C’est donc dire que ces risques sont le fruit d’un

travail collectif. Pour ce qui est des risques identifiés pour le compte du secteur agriculture et sécurité alimentaire nous pouvons citer le risque de voir baisser la production agricole végétale pour les cultures non-tolérantes à l’excès d’eau et aux longues séquences sèches. Nous pouvons aussi énumérer la baisse probable de la production animale, voire des pertes de bétail liées au début tardif de la saison et aux probables inondations.
Il y a également l’exposition aux ruissellements érosifs et la possible perte de surfaces cultivables dues aux inondations ; l’enherbement des cultures ; la perte probable de produits post-récolte à cause de la fin tardive attendue pour la saison. Enfin, les conditions pourraient être assez favorables au développement des maladies zoo sanitaires et des ravageurs de cultures.
En termes d’opportunité il y a surtout les possibilités offertes par une saison assez abondante pour maîtriser l’eau afin de l’utiliser pour juguler les problèmes posés par les séquences sèches longues mais aussi pour les travaux de saison sèche.
S : Ces différentes prévisions saisonnières sont-elles définitives ou peuvent-elles évoluer ?
D.J.J.D : Ces prévisions saisonnières peuvent évoluer. Les conditions climatiques et météorologiques suivent une certaine dynamique qui méritent un suivi régulier. C’est pourquoi l’ANAM procède à des mises à jour régulières de ces produits. Des mises à jour sont prévues en juin et en août pour les caractéristiques de fin de saison. Vous êtes donc invités à rester à l’écoute des communications de l’ANAM par rapport à une éventuelle évolutions des prévisions saisonnières 2025.
S : Face à ces prévisions agro-hydro-climatiques, quelles précautions les producteurs doivent-ils prendre ?
D.J.J.D : Plusieurs recommandations ont été formulées à l’endroits des producteurs. Il s’agit notamment de semer seulement après avoir observé 2 pluies d’au moins 20 mm chacune, espacées de moins de 14 jours après la date probable de début de saison indiquée plus haut pour chaque région; de respecter des bandes de servitudes des cours d’eau ; de mettre en place des bassins de collectes des eaux de ruissellements ; de mettre en place des systèmes de drainage sur les parcelles agricoles, et aussi d’opter pour des espèces/variétés tolérantes à l’inondation ; d’utiliser des variétés de culture adaptées à la sècheresse et tolérantes à l’excès d’eau ; d’utiliser les bonnes pratiques culturales (zaï, demi-lune, cordons pierreux) sur les terrains favorables à cette pratique notamment dans les régions du Nord, du Centre-Nord et du Sahel.
S : Quelles mesures les pouvoirs publics doivent-ils prendre pour une meilleure gestion de ces prévisions ?
D.J.J.D : Des recommandations ont également été formulées à l’endroit des décideurs par les participants à l’atelier de coproduction. Les participants recommandent d’intensifier la sensibilisation des populations sur les résultats de la prévision saisonnière 2025 et les risques liés ; de sensibiliser les producteurs sur la souscription à l’assurance agricole ; de faire respecter des bandes de servitudes des cours d’eau ; de disponibiliser les quantités nécessaires de produits phytosanitaires pour d’éventuels traitements (pesticides et autres) ; de disponibiliser des variétés de culture adaptées à la sècheresse et tolérantes à l’excès d’eau ; d’intensifier la surveillance des maladies zoo-sanitaires et les campagnes de vaccination ; d’intensifier la sensibilisation des producteurs sur l’utilisation des produits phytosanitaires afin d’éviter la contamination des retenues d’eau.
S : Au niveau de l’ANAM, qu’est-ce qui est fait pour que ces prévisions pluviométriques parviennent aux principaux destinateurs que sont les agriculteurs ?
D.J.J.D : L’ANAM dispose d’un plan de communication pour ces prévisions saisonnières 2025. Il s’agit d’abord d’organiser une conférence de presse à Ouagadougou avec les médias dont la plupart a une envergure nationale. Cet exercice s’est déroulé le mardi 06 mai dans la salle de conférence de l’Agence Nationale de la Météorologie. Ensuite, nous avons diffuser les prévisions dans notre dispositif classique qui comprend un mailing list de partenaires, une page Facebook, une chaîne WhatsApp, et une chaine YouTube. Je rappelle que cette année, en plus de la version papier des prévisions saisonnière en langue française (communiqué et bulletin) des capsules vidéo ont été réalisées en mooré et en dioula pour une large diffusion.
Des émissions radios et télévisuelles sont également prévues pour porter au plus loin le message. Des ateliers de communication des prévisions saisonnières dans certaines communes du pays avec l’accompagnement de certains partenaires sont également au programme. Enfin, des communiqués sur les prévisions saisonnières ont été élaborés pour chaque région du pays afin d’orienter les chefs de circonscription administratives et leurs collaborateurs dans la prise de décision mais aussi de les aider à communiquer ces prévisions aux populations de leurs ressorts territoriales. Je terminerai en disant que la communication de l’information climatique est capitale mais aussi a un coût. Avec plus d’accompagnements, l’ANAM pourrait porter le message sur l’ensemble des contrées du Burkina Faso.
Interview réalisée par
Mahamadi SEBOGO