Ouakara, village situé dans la région du Bankui, province du Mouhoun était un havre de paix. Les 28 et 29 mai 2023, elle a subi des attaques ayant occasionné des déplacés. Une année après, grâce aux efforts des Forces combattantes, les populations de Ouakara sont de retour sur leurs terres où elles se reconstruisent jour après jour. Reportage.
Dimanche 16 novembre 2025, le temps est ensoleillé à Ouakara. Jour de repos et de marché, il est 11 heures lorsque nous franchissions les emprises du village. Les populations endimanchées vaquent à leurs occupations. Quelques stigmates et les ruines d’habitations témoignent des évènements malheureux. Plus loin sur la place centrale, le marché reprend ses couleurs d’antan. Les étals improvisés en bois, en paille et des nattes s’étirent sous l’ombre légère des neemiers.
D’un côté, les femmes parées de pagnes en cotonnade soigneusement noués, disposent des céréales, des condiments, des fruits, et légumes, fraîchement récoltées. De l’autre côté, des hommes se désaltèrent avec des calebasses de bière locale (dolo). Les voix se mêlent, parfois hautes, parfois rieuses. On se reconnaît, on s’interpelle, on s’étreint. Ici, chaque salut a le goût d’un retour à la vie. Les enfants, eux, courent entre les étals, surfant dans une liberté retrouvée. Dans cette ambiance faite de rires, de chuchotements et d’espoir, Ouakara se réaffirme.
Le village revit, peu à peu, porté par la détermination de ses habitants. Les écoles, le dispensaire, le commerce, le marché ont tous réouvert. Les populations composées d’agriculteurs, éleveurs et autres vaquent librement à leurs occupations. Pour le

commandant, chef de corps du 51e Régiment d’infanterie commando (RIC) par ailleurs, coordonnateur régional chargé de la formation des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) dans la Boucle du Mouhoun, Ambroise Belemkoabga. Cette paix retrouvée résulte des efforts du chef de l’Etat, le capitaine Ibrahim Traoré, qui a entrepris des opérations d’envergure pour la reconquête du territoire national.
De son avis, ces actions étaient en cours lorsque Ouakara a été attaqué. Les jeunes du village ont compris qu’il fallait s’organiser pour participer activement à la défense de leur commune. Le coordonnateur régional chargé de la formation des VDP dans la Boucle du Mouhoun affirme que le cas du village de Ouakara est un exemple de réussite. « Les jeunes étaient engagés aux côtés des FDS dans le cadre de la reconquête et de la consolidation des acquis », se réjouit-il. L’enseignant de lycée, Seydou Zongo, natif de Ouakara a temporairement quitté les classes pour enfiler la tenue des VDP. Il est le chef d’équipe des VDP de Ouakara. Il est un acteur important dans le dispositif de reconquête et de consolidation de Ouakara et des villages environnants.
La voix des notables
Arme à la main, le chef VDP revient sur les circonstances de l’attaque du dimanche 28 mai 2023. « Aux environs de 16 heures pendant que la population ne se doutait de rien, les terroristes ont fait irruption des quatre côtés du village. Ils ont attaqué l’église et plusieurs endroits en tirant sur tous les passants », confie-t-il. Il précise que les assaillants ont sommé les populations de quitter le village. Selon Seydou Zongo, deux faits majeurs ont permis de déclencher l’engagement de la jeunesse pour la reconquête et la consolidation.
Il s’agit de l’invite de la diaspora, des filles et fils de Ouakara à la mobilisation pour la reconquête du village et le Timboni ou le tambour de la guerre depuis la cité de Bankuy qui

fait preuve d’engagement exemplaire ».
a sonné la mobilisation de la jeunesse pour le combat. « En tant que jeune, j’estime que la meilleure manière de lutter contre le terrorisme et venger la mémoire de mes défunts parents, c’est de m’enrôler VDP pour défendre la patrie », déclare Seydou Zongo. Autour du cercle des sages, les notabilités coutumières garants des us et coutumes ont aussi joué un rôle discret mais crucial pour le retour de la cohésion sociale.
« Sur initiative de la diaspora à Ouagadougou, Bobo-Dioulasso et Dédougou, nous avons tenu plusieurs rencontres sur notre retour au village. Ainsi, il a été décidé que les notabilités et les vieux soient les premiers à retourner au village afin de consacrer des rites coutumiers et traditionnels », explique le représentant des notabilités, Alain Kohoun.
« La vie reprend »
Pour M. Kohoun, ce retour a été organisé de concert avec les FDS qui étaient en première ligne. « Nous sommes venus trouver un village sécurisé et tout s’est bien passé. Nous sommes contents de retrouver nos terres ancestrales. Nous continuons à solliciter auprès des mânes de nos ancêtres pour que la paix, la cohésion sociale et la quiétude soit notre partage et dans tout notre pays », soutient-t-il. Après les évènements douloureux, Ouakara amorce une dynamique de reconstruction de son tissu social et de ses infrastructures afin de redonner au village un fonctionnement normal.
Le président du Comité villageois de développement (CVD) de Ouakara, Vincent de Paul Tibiri Bicaba, fait savoir que tout le village est au travail. Loin de leurs terres, les Ouakarois pensaient à la réorganisation de leur village et au renforcement de la résilience. A cet effet un Comité de relance socio-économique et culturelle de Ouakara (CRESCO) a été porté sur les fonts baptismaux. Le président Laurent Kadeba a affirmé : « nous sommes chargés d’impulser le renouveau, les initiatives en cours pour restaurer l’économie locale et raviver la vie communautaire », relève-t-il.
Selon lui, cette résilience en consolidation a bénéficié de l’appui de l’Etat à travers la SONAGES, les contributions de la diaspora au niveau national et international, en vivres, non vivres et en espèce, précise-t-il. A la paroisse Saint-Joseph de l’Apparition de Ouakara,

l’engagement.
l’église et les autres bâtiments portent encore les stigmates de la barbarie du 28 mai 2023. Toutefois, le curé Modeste Priva Bicaba invite à la paix et la cohésion dans la communauté. Même son de cloche du côté de la communauté musulmane.
L’imam de la mosquée de Ouakara, Idrissa Kassa, souligne l’importance du pardon et du vivre-ensemble. « Je rends grâce à Allah le miséricordieux qui nous a permis de revenir auprès des nôtres. Mais elle a renforcé notre foi en la protection divine et en la capa-cité de résilience de notre village ». Puis de laisser entendre que l’Islam est une religion qui prône la paix, le pardon et la cohésion sociale.
Le retour à la vie
A l’infirmerie, l’agent de santé décrit le quotidien d’un service qui renaît avec une volonté forte d’assurer les soins essentiels. Pour l’infirmier en poste à Ouakara, Kouholi Amombawé, les urgences sanitaires récurrentes sont, entre autres, le paludisme, la diarrhée, les intoxications… « Les gens sont revenus, il y a un besoin d’accompagnement sanitaire », explique-t-il. Ouakara compte 2 écoles primaires publiques, un lycée et un collège privé. Dans ces établissements, les enseignants ne ménagent aucun effort pour offrir aux élèves une éducation de qualité. 100% de réussite au Certificat d’études primaires, session 2024-2025.
Les enseignants de Ouakara ont contribué à la résilience du village. Seydou Coulibaly qui est professeur de français/anglais au lycée de Ouakara raconte avec émotion le retour.
« De nos attributions d’éducateur, nous donnons de l’assurance, du réconfort et de la motivation à ces enfants. Chaque jour avant de commencer le cours nous faisons de l’animation pour les mettre en confiance.
La psychose a disparu pour faire place à l’assurance », se réjouit-il. Les associations des femmes du village ont aussi joué un rôle important dans la relance économique du village à travers les activités génératrices de revenus. La présidente de la fédération des associations féminines de Ouakara, Séni Madeleine Bicaba. Elle soutient que lorsqu’elles étaient loin du village, elles ont bénéficié de plusieurs formations dont le jardinage, la couture, les techniques d’élevage, la production de soumbala, du savon solide et liquide, des croquettes…

Puis de poursuivre qu’après leur réinstallation, leurs priorités se résument aux activités de subsistance notamment l’agriculture, l’élevage et le commerce. Membre du CRESCO et chargée de la mobilisation des femmes, Giselle Bicaba, a souligné qu’elle œuvre à conduire à bon port les nouvelles initiatives visant la relance des activités économiques et culturelles. « Nos priorités ce sont les activités auxquelles nous tirons notre subsistance notamment l’agriculture, l’élevage, le commerce et autres », dit-elle.
Bâtir à nouveau
A Ouakara, l’agriculture occupe la première place suivie de l’élevage. Gabriel Bicaba est à cheval entre les deux secteurs. Selon ses dires, les récoltes, cette année, seront excédentaires malgré la pluviométrie capricieuse.
Pour la commerçante, Salimata Zonou, les acteurs du secteur économique participent à l’animation et à la reconstruction du village. D’après Salimata Zonou, plus de temps à perdre ; chacun s’occupe du mieux qu’il peut pour éviter l’anxiété. La sécurité retrouvée, le village revit et se reconstruit de plus belle. Janvier Bicaba, cultivateur : « Pour moi, rien ne vaut la vie. Désormais le courage et l’espoir restent notre point commun pour rebâtir notre cher village ». Le président de l’association des ressortissants de Ouakara résidant à Ouaga-dougou est Paulin Bicaba.

Selon lui, tous les habitants ont regagné leur domicile et la vie a repris ses droits à Ouakara. « Les secteurs sociaux de base comme les écoles et la santé sont opérationnels. Les différentes communautés coutumières et religieuses mènent leurs activités. Les acteurs du commerce se consacrent paisiblement à leurs acti-vités. Autant de réalités qui prouvent que Ouakara renait de plus belle », se réjouit-il.
Pour accompa-gner cette dynamique de renaissance, poursuit-il, « nous avons procédé à la mise en place en juin 2024 d’un comité de relance des activités socio-économiques et culturelles de Ouakara ». Il précise que la force de résilience des populations de Ouakara, réside d’une part dans l’élan de solida-rité, de cohésion sociale, la contribution de autorités militaires qui ont été très attentives aux sollicitations, et d’autre part la jeunesse qui s’est inscrite dans la dynamique des plus hautes autorités… ».
Une solidarité communautaire exemplaire
Dédougou la cité de Bankuy abritait le plus grand bastion militaro-civile de la reconquête de Ouakara. Natif de Ouakara, Elie Tamini est le président du comité de crise section de Dédougou. Il est heureux que la paix revienne dans son village. Informe Elie Tamini de concert avec les comités de Ouagadougou et Bobo Dioulasso nous avons élaboré trois plaidoyers. Un plaidoyer pour la réponse immédiate à nos besoins. Un plaidoyer auprès des autorités militaire et politique et enfin un plaidoyer pour l’inscription de nos écoliers, élèves et étudiants.
De même, la région du Guiriko a également accueilli un nombre important de déplacés internes de Ouakara à Bobo-Dioulasso. Basile Bicaba était le point focal du comité de crise à Sya. « C’est une population traumatisée et très épuisée qui se déportait sur Bobo-Dioulasso », a confié Basile Bicaba. Et de préciser que les premiers jours, la préoccupation c’était d’abord les loger, ensuite, voir les questions de santé et d’alimentation.
Quelle leçon en tire-t -on ?
Selon le curé Modeste Priva Bicaba, si Dieu a permis le retour, il est important de tirer des enseignements de ce passé récent. A l’en croire, dans l’ancien temps, des personnes étaient chargées d’alerter le village d’une éventuelle menace ou de personnage étranger douteux. On les appelait des “guetteurs”.

« Puisons dans le tréfonds de l’histoire pour construire nos villages », plaide-
t-il. Paulin Bicaba abordant la question de la gestion post crise suggère qu’au niveau du village et des familles, des efforts soient faits pour se connaitre. « Lorsque vous vivez dans une communauté et qu’un étranger vient à vous. Il doit être présenté et connu de tous.
La cohésion sociale et la communication intercommunautaire permettent d’assurer plus de foisonnement, de fraternité et la symbiose », assure-t-il.
Au-delà de la reconquête militaire, estime-t-il, c’est surtout la victoire du courage et de la dignité des habitants qui marque les esprits. Des salles de classe à nouveau animées, un centre de santé qui rallume l’espoir, des champs cultivés, le commerce « bourgeonne », des troupeaux de petite taille regagnent les pistes des prières qui rassemblent et apaisent. Chaque geste, chaque initiative raconte la même histoire : celle d’un village debout. Pour Elie Tamini, c’est l’engagement, la capacité organisationnelle, la solidarité agissante et la collaboration des autorités militaires qui ont permis la maitrise de la gestion de la crise et parvenir à la réinstallation des populations de Ouakara.
Emmanuel BICABA
Lieutenant-colonel, Sosthène Coulibaly, commandant de la 5e région militaire
« Beaucoup d’efforts ont été consentis par le Président du Faso »
Selon le lieutenant-colonel Sosthène Coulibaly, la reconquête de Ouakara s’inscrit dans le cadre de l’opération globale de reconquête essentiellement pour les communes de Bondoukuy et de Ouakara. « En octobre 2023, nous avons eu dans la région l’installation du 10e Bataillon d’intervention rapide. Toute chose qui a permis de conduire de grandes opérations, Bondoukuy 1 et Bondoukuy 2 respectivement en novembre et décembre dans la zone. Ce qui a permis de créer les conditions de retour à la normale », explique-t-il. De ses dires, c’est à la faveur de ces opérations que les mois qui ont suivi avec les forces sur place, notamment le détachement militaire qui était à Bondoukuy, le bataillon mixte et les VDP de Ouakara ont procédé à la réinstallation de Ouakara en janvier 2024.
« Il faut dire qu’à cette date, nous pouvons, sans risque de nous tromper, que la consolidation qui a commencé depuis janvier 2024 est à un stade très avancé », a confié le lieutenant-colonel Sosthène Coulibaly. Il a fait savoir que dès lors qu’une localité est abandonnée, la reconquête devient une difficulté majeure. Mais, selon lui, avec le déploiement des bataillons d’intervention rapide la donne a complètement changé. « Les VDP de Ouakara et les forces ont mené des actions de sécurisation conjointes avec les VDP de Yaho, afin de ramener la sérénité pour le retour des populations », confirme-t-il. Avec les autorités administratives, dit-il, la vie a repris son cours normal. « Beaucoup d’efforts ont été consentis à travers la vision du Président du Faso, le capitaine Ibrahim Traoré qui entend faire en sorte qu’aucun village du Burkina ne soit délaissé. Tôt ou tard, la situation va se régulariser », lance-t-il confiant.
B.I






