Salam du Ramadan : les relations Médecin-patient

Au nom d’Allah,
Clément et Miséricordieux.
Louanges à Allah en toute circonstance. Il éprouve le croyant, non pour le rabaisser mais pour tester sa foi afin de le rendre digne d’une proximité avec Lui. Que Sa paix et Ses bénédictions soient en abondance sur le Messager de miséricorde, envoyé à
l’univers comme tel et sur l’ensemble des croyants de tous les temps.
Le Prophète, face à un malade, disait : « Ô Allah ! Seigneur des hommes, fais partir le mal. Guéris-le, car c’est Toi le Guérisseur. Il n’y a point de guérison si ce n’est la Tienne. Accorde-lui une guérison qui ne laisse aucune maladie après elle ». Il disait,
également, : « Je demande à Allah l’Immense, le Seigneur de l’immense Trône de te
guérir ». Ces deux invocations posent la base des rapports entre le Médecin et le patient. Elles nous enseignent les fondamentaux de la foi à savoir que c’est Allah qui est le véritable Guérisseur, Détenteur de toute guérison. Tout le reste n’est que sabab (moyen) par lequel Il guérit ou ne guérit pas. Combien de fois à-t-on penser que quelqu’un ne se lèvera pas de son lit de malade et la personne s’est levée et a eu une longue vie après cela ? Combien de fois a-t-on prévu libérer un patient parce que tout le donnait pour guéri et il est mort l’instant qui a suivi ? Combien de fois, des patients ont pris l’avion pour rencontrer de meilleurs de leurs spécialités avec les meilleurs plateaux techniques et sont revenus dans des cercueils ? Tout cela nous enseigne que seul Allah a le dernier mot.

Toutefois, il nous faut remarquer que cela ne signifie aucunement que lorsque nous tombons malades, nous ne devons pas aller en consultation et chercher les produits par lesquels nous espérons la guérison d’Allah. La confiance en Allah, le fait de se confier à Lui suppose que le serviteur met tout en œuvre dans la limite de sa capacité humaine et se remet, ensuite, à Allah pour Lui demander l’atteinte de l’objectif. C’est en cela qu’il est dit que l’homme propose et Dieu dispose. Ainsi dit, lorsque le musulman est malade, il va consulter un agent de santé. Entre les deux, s’établit une relation. L’un éprouvé par la maladie et l’autre formé pour porter une solution. Le Médecin voit, en son patient, un frère, quelle que soit sa religion. S’il n’est son frère de sang, il est frère de foi ou son frère en humanité. Pour lui, il doit être une miséricorde. Rappelons que le sourire est déjà une aumône, donc, une miséricorde qui pourrait bien l’aider. L’affection que reçoit le malade de son Médecin est déjà une partie de la guérison dont il en a besoin. Le Médecin doit chercher à être le plus utile possible parce que selon le Prophète, « Le meilleur d’entre vous, c’est celui qui est utile aux autres ».

Il faut, malheureusement, souligner que, dans beaucoup de nos centres de santé, le patient n’est pas perçu ainsi. Il n’est plus le frère qu’il faut aider autant que possible. Le patient devient un client auprès de qui il faut se faire le plus d’argent. Du coup, pour avoir un rendez-vous (RDV), souvent, dans nos centres publics, pour une consultation ou une intervention, il faudrait trainer avec son mal espérant être reçu quelques mois après si ton mal ne t’emporte pas. Alors qu’avec le même intervenant, tu seras reçu dans une clinique privée dans la même journée mais à un coût exorbitant. Les coûts n’étant pas à la portée de tous, certains parents sont dans l’obligation de vendre tout ce qu’ils peuvent pour pouvoir apporter les soins à leur malade. Aussi, parce que le patient est devenu un client, dans d’autres cliniques, plus le Médecin traitant prescrit d’examen à ce dernier, plus il a de ristournes auprès des promoteurs.

L’avidité conduit certains, dans de pareilles circonstances, même quand il n’y a pas le besoin, à prescrire beaucoup d’examens au client afin de se faire beaucoup d’argent. Il n’est donc pas étonnant, de voir certains Burkinabè retourner à la maison avec leurs malades malgré le fait qu’ils souffrent toujours. Ce n’est pas parce qu’ils ne souhaitent pas leur guérison mais c’est peut-être dû au fait que, financièrement, ils ne tiennent plus. Ces agissements des centres de santé et médecins traitants nous amènent à nous interroger sur une partie du serment d’Hippocrate que prononcent ces derniers avant d’être reçus : « Je donnerai mes soins à l’indigent et à quiconque me les demande. Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire. (…) Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément ». En plus, cela jette le discrédit, malgré tous les efforts de sensibilisation, sur la fonction et sur les centres de santé. Ce qui conduit d’autres Burkinabè à privilégier l’automédication ou certains traitements informels et ne sont conduits dans les centres de santé que souvent tardivement.

On se souvient tous de ce cas de Tenkodogo qui a été largement relayé par la presse nationale. Un vieux d’un certain âge dont le médecin traitant aurait déconseillé une intervention chirurgicale qu’il ne pourrait, du fait de son âge, supporter. D’autres agents de santé l’ont détourné, à cause de ce qu’ils pouvaient gagner comme argent, pour faire l’intervention chirurgicale dans une clinique privée de la place. Malheureusement, le vieux en est décédé. Alors qu’ils se sont engagés à ne pas provoquer la mort, on ne sait quelle analyse faire de leur serment par rapport au cas cité. L’avidité de certains conduit
inéluctablement à la mort d’autres.

Enfin, le Médecin, par rapport à son patient, doit travailler en respectant son engagement, sa déontologie. Il doit être le plus professionnel. Connaissant les réalités économiques du pays, il doit viser le résultat en minimisant les coûts au profit des patients. Le secret professionnel doit être respecté parce que comme le dit le Prophète : « Le cœur du croyant est le cimetière des secrets ». Il appartient au patient d’écouter, de suivre et respecter les conseils du médecin. On se rappelle, aussi, ce vieux qui a refusé les conseils de son Médecin traitant de ne pas observer le jeûne de Ramadan parce qu’il ne pourrait pas supporter.

Il a refusé mais il a failli laisser la vie. Heureusement, Allah en a décidé autrement. N’oublions pas que : « Allah veut, pour vous, la facilité. Il ne veut pas, pour vous, la difficulté » et Il interdit, ainsi, de se donner la mort. Je profite de l’occasion pour saluer tous ces vaillants agents de santé, qui malgré les conditions difficiles, se battent comme ils peuvent, jour et nuit, pour apporter le sourire aux patients à qui nous demandons à Allah, le véritable Guérisseur, de leur accorder la guérison sans séquelles et de faire de cette épreuve, un moyen de rémission de péchés et d’acquisition de proximité avec l’Unique. Dans cette relation entre Médecin et patient, ce qui est important en fin de comptes, c’est la préservation de la vie. Et pour la réussir, il faut soi-même aimer la vie et savoir qu’auprès d’Allah, celui qui sauve une vie est comme celui qui a sauvé toute
l’humanité et celui qui ôte injustement une vie est comparable à celui qui ôté la vie à toute l’humanité.
Seigneur Allah, accorde la guérison sans séquelles à tous nos malades et récompense de la belle manière ceux qui se battent sans relâche pour cela.
Seigneur Allah, donne-nous la clairvoyance de mettre la quête de Ton amour au-dessus de tout autre.

NB : La foi musulmane est une foi active qui impose un devoir de présence.

Dr Inoussa COMPAORE
Imam à l’AEEMB et au CERFI

Laisser un commentaire