Sankara, l’immortel

La statue du président Thomas Sankara et de ses 12 compagnons d’infortune du 15 octobre 1987 a été inaugurée, le samedi 2 mars 2019 sur le site de l’ex-siège du Conseil de l’Entente à Ouagadougou, où ils ont été abattus 32 ans plus tôt. En pleine célébration du cinquantenaire du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO), cet hommage au père de la Révolution burkinabè magnifie la dimension culturelle d’un homme enraciné et visionnaire dont le passage, bien que «météorique», à la tête de l’Etat, aura marqué à jamais son temps.

Même si l’expérience a tourné court, c’est Thomas Sankara qui a bataillé et obtenu le premier financement d’un film africain par une banque. Il a apporté une contribution décisive à la mise en place d’une politique culturelle nationale, avec la conviction que toute indépendance politique a besoin de se consolider d’une identité réelle du terroir. Car, le Burkina Faso de l’époque était considéré comme une mosaïque culturelle, qu’il fallait façonner pour donner une envergure nationale.

Ce qui a permis au pouvoir révolutionnaire de porter sur les fonts baptismaux, la Semaine nationale de la culture (SNC) et le Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO), comme les bases d’une culture nationale à travers la production artistique. L’assassinat de l’instigateur de la Révolution d’août 1983, toujours non élucidé, aura aussi été une veine tentative d’interrompre cette nouvelle façon de gouverner et de penser qui rende aux Burkinabè et partant, aux Africains, leur fierté. Trente-deux ans se sont écoulés, mais ils n’ont pas eu raison de la détermination des défenseurs des idéaux de Thomas Sankara.

Le mémorial, au-delà de la polémique artistique indissociable des querelles de chiffonniers entre ses héritiers, fait partie des nombreux monuments qui rendent hommage à l’illustre disparu, à cette exception près que le joyau a été implanté dans la capitale du pays qui l’a vu naître, permettant à ses compatriotes de rompre avec une absurdité. Jusqu’à une date récente, c’est à l’extérieur du Burkina Faso qu’on pouvait véritablement se rendre compte de la popularité du président Thomas Sankara par qui, il était nettement plus aisé de s’identifier.

Il était temps que les Burkinabè se donnent le courage de remettre les choses à l’endroit. Il est surtout primordial qu’ils s’approprient au quotidien l’héritage de Thoma Sankara. Cet héritage est bien d’actualité, car les maux que Sankara a combattus jusqu’au jour fatidique de son assassinat, les valeurs qu’il a incarnées et défendues le sont également. C’est tout le sens du message du chef de l’Etat, Roch Marc Christian Kaboré, a lancé au cours de la cérémonie inaugurale.

«Nous devons être fiers que partout en Afrique et dans le monde, les idées de Thomas Sankara demeurent… Nous devons nous atteler à une introspection profonde. Au-delà de l’homme, ce qui est important ce sont les idées qu’on développe. Nous devons, à travers l’ensemble de ses œuvres, du travail qu’il a fait pour ce pays, de l’engagement personnel au-delà de sa vie, tirer des leçons pour nous-mêmes et pour les générations à venir. Il est important de mettre en exergue l’humilité, le courage, le travail, le sacrifice qui sont fondamentaux pour toute réussite», a interpellé le président du Faso à l’issue du dévoilement de la statue et du dépôt de gerbe de fleurs sur le site de l’assassinat du capitaine Sankara.

Cette initiative, pilotée par la société civile dans le cadre du Comité international du mémorial Thomas-Sankara (CIM TS), devrait permettre d’ériger un mausolée, un musée, une salle de conférence, une salle de projection et un espace sportif. Elle ne marque pas seulement le début d’une vraie réhabilitation de l’idéal sankariste mais porte aussi l’espoir de nombreux compatriotes que le mémorial de l’un des rares hommes d’Etat consensuel du pays sera le ciment de l’unité et de la cohésion nationale.

Par Mahamadi TIEGNA

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