Simone Zoundi : une icône de la transformation locale des produits alimentaires

Fondatrice de la Société de d’exploitation de produits alimentaires (SODEPAL), spécialisée dans la production des aliments infantiles, Simone Zoundi a passé plus de cinq décennies à défendre le secteur agroalimentaire pour en faire un levier stratégique du développement socioéconomique de son pays. Une vie d’engagement au service d’un patriotisme économie fondé sur la transformation et la consommation locales.

Simone Zoundi ! Un leadership féminin avéré, engagé pour le patriotisme économique. Son nom restera gravé dans la mémoire du secteur privé burkinabè. Elle a passé plus de cinq décennies à mener le combat pour la structuration et la reconnaissance du secteur privé comme acteur clé du développement au côté des pouvoirs publics, surtout à offrir une âme au secteur de la transformation agroalimentaire. « Nous ne pouvons développer nos pays sans la transformation agroalimentaire. La valorisation de nos ressources locales est essentielle », martèle-t-elle. Son intérêt et son engagement pour l’entrepreneuriat date de sa tendre enfance pendant laquelle ses vacances étaient mises à profit pour mener des activités de petit commerce. « Très tôt, ma mère m’a inculquée l’esprit entrepreneurial », confie-t-elle. Très tôt, elle a pris a exercé des responsabilités dans la vie scolaire et dans les mouvements associatifs de jeunesse.

Sa passion pour la transformation agroalimentaire commence sur les bancs de l’Université en France. Après l’obtention de son baccalauréat, c’est à l’Ecole supérieure de commerce de Montpellier où elle est inscrite pour des études en administration d’entreprises, que le déclic va naitre. Et tout est parti d’un commentaire de son professeur de géographie économie. « Il a dit que c’est grâce à l’agro-alimentaire que la France, les pays européens ont développé l’industrie. Il ajoute que même sans être agricole. Cela a fait clic dans ma tête. Mon pays est agricole, il faut faire quelque chose », raconte-t-elle. La jeune demoiselle à l’époque veut se donner les moyens de faire bouger les lignes dans l’agroalimentaire de son pays quand elle y retournera à la fin de ses études. Elle multiplie alors les visites d’entreprises, de laboratoires, à Montpellier, à Marseille, et s’intéresse aux travaux qui s’y mènent. « Tout cela était des opportunités de renforcement des capacités pour avoir une meilleure compréhension de ce qu’est l’agroalimentaire. Car, il y a toute une discipline à respecter », confie-t-elle.

En 1968, le diplôme de commerce et administration d’entreprises en poche, c’est le retour au pays pour le réinvestissement utile des connaissances acquises afin de contribuer au développement socioéconomique de la mère patrie, surtout dans le domaine de l’agroalimentaire. Simone Zoundi ne commencera cependant pas sa carrière dans ce secteur, mais à la Chambre de commerce. « Quand le président a vu son background, il a dit, toi tu ne dois pas aller à la Fonction publique, mais pour le secteur privé », rapporte-t-elle.

« La transformation agroalimentaire locale, un vaste chantier »

Malgré le poids de l’âge, du haut de ces 80 ans, elle refuse de déposer ses armes pour la défense du secteur agroalimentaire. « Les gens me disent Mme Zoundi, vous êtes fatiguées, il faut vous reposer maintenant. Je réponds toujours en disant que quand Dieu voudrais voudra que je me couche, je me coucherai définitivement », rigole-t-elle.

En tant adjointe du directeur général de la Chambre de commerce, elle participe à la création de la Transafricaine, une compagnie de transport reliant le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Deux ans plus tard, suite à un appel à candidature, elle appelée à faire valoir ses compétences dans le domaine du cinéma, où elle devrait travailler à restructurer la gestion des salles de ciné après leur rachat par l’Etat. Sa mission, assoir les bases d’une société mixte pour la gestion des salles de ciné Rialé, Oubri, de Ouahigouya, Bobo-Dioulasso et de Banfora. Après cette mission bien réussie, c’est en 1973 que celle qui ne jure que par le développement du secteur de l’agroalimentaire aura à travailler dans ce secteur. Elle est appelée à diriger une chaine d’entreprises agroalimentaires, la bonbonnerie de Gounghin. Une année après, à la suite de la réorganisation de l’entreprise, elle prend la direction de la Boulangerie de Gounghin en gérance libre. Commencent ses premières expériences de transformation locale avec ses biscuits à base de petit mil.

A la question des clients de pourquoi des biscuits à base de petit mil, sa réponse ne pas tarde. « Il faut valoriser nos ressources locales, nos femmes ont besoin de travailler, la transformation agroalimentaire locale est un vaste chantier », assène-t-elle. Parallèlement à cette gestion en gérance libre, Mme Zoundi crée sa propre pâtisserie : la boulangerie du levant, situé au quartier Zognona. Il s’y investit pleinement dans la transformation des produits locaux.

Au-delà du gain, la bonne dame a une vision : se servir de la transformation industrielle locale des produits alimentaires pour lutter contre la malnutrition, surtout infantile. « Je ne supporte pas de voir les enfants affamés, malnutris », confie-t-elle. Elle décide alors dans les années 1980 de créer une unité de produits alimentaires infantiles : la société industrielle de bons et de biscuits de la Haute Volta (SIBB) à Kossodo.  Mais l’entreprise n’aura pas longue vie, ou du moins pas sous la propriété de sa fondatrice, car elle tombe sous le coup de la nationalisation des entreprises privées par la révolution de 1983. « Du regard d’enfants, nous avons subi cette situation très difficile. Mais ce qui nous a touché, c’est son sa capacité de résilience, son refus de baisser les bras. Elle a dit se remobiliser avec l’aide de ses amis pour se reconstruire à partir de la Boulangerie du levant », se souvient sa fille ainée, Yolande Zoundi

La SODEPAL, une référence

Toujours fidèle à son idéal et à sa vision de se liguer contre la malnutrition infantile, Simone Zoudi va mettre créer en 1991, la Société d’exploitation de produits alimentaires (SODEPAL). Mais, elle devrait faire face à un défi de taille : la résistance dans l’imaginaire collectif des Burkinabè vis-à-vis des produits alimentaires made in Faso. « Les gens me disaient, ce que vous faites n’est pas bon, ce n’est pas joli. Un jour, je suis restée pensive : si l’on prend tout son temps pour contribuer à améliorer les conditions de vie des populations, et c’est ainsi, il faudrait peut-être tout abandonner. Mais je ne pouvais pas ! De 1991 à 1997, une préoccupation me taraudait l’esprit : comment faire pour changer cette mauvaise perception des produits alimentaires transformés localement. C’est ainsi qu’une nuit l’idée de créer les journées agroalimentaires (JAAL) est née », relate-t-elle. Aujourd’hui véritable cadre de promotion des produits agroalimentaires, la 13e édition des JAAL s’est tenue du 28 novembre au 5 décembre 2025, à Ouagadougou, sous le thème : « Transformation agroalimentaire et souveraineté alimentaire au Burkina Faso : enjeux, défis et perspectives ».

Un matin de 1991, un appel venu du CILSS dont les agents sont tombés sur ces biscuits sur ses biscuits à base de farine de petit mil, va lui donner du réconfort. Ils demandent à passer visiter l’unité. Séance tenante, la fondatrice de la SODEPAL est invitée à prendre part à une réunion internationale prévue le lendemain au CILSS. Elle est présentée à l’assistance comme qui fabrique les aliments pour enfants à partir de céréales locales.

« Ils m’ont demandé d’expliquer comment je procède. J’ai encore insisté sur la nécessité de valoriser nos ressources locales. Le chef d’appui de la mission française au CILSS, m’a demandé comment j’ai appris tout cela. Je lui ai dit que pendant mes études en France, j’ai visité des entreprises et j’étais convaincu que nous pouvons aussi faire des aliments modernes à partir de nos produis locaux », a soutenu Mme Zoundi. Sur place le coopérant français prend l’engagement de la mettre en contact avec une entreprise française qui livre des aliments infantiles au Burkina Faso. « Si la collaboration marche, nous te confions ce marché, m’a-t-il dit », se rappelle -t-elle. Commence une assistance technique, puis l’entrée du partenaire français dans le capital de la SODEPAL de 23 millions F CFA, à hauteur de 15%. Cinq ans après, elle reprend le plein contrôle de son entreprise. Aujourd’hui, la SODEPAL, avec un capital d’un milliard F CFA, est une référence dans la production de produits alimentaires infantiles.

Mahamadi SEBOGO

Windmad76@gmail.com

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