Une polémique utile

Le résultat est palpable. L’image du chef d’état-major général des armées, le général de brigade, Moïse Miningou, regardant sa montre, le 31 janvier dernier, à son installation, comme pour signifier qu’il a hâte d’en découdre avec les forces du mal, prend tout son sens. Quelques semaines après, en effet, les Forces de défense et de sécurité (FDS) ont signalé leur présence au Nord dans les localités de Kain-Ouro, Bahn et Bomboro, par la «neutralisation de 146 terroristes». Les 19 et 20 février, une première opération de sécurisation à l’Est a mis hors d’état de nuire 29 terroristes et permis la saisie de nombreux matériels de guerre. Le fait récent le plus marquant est la supposée arrestation, la semaine dernière, du chef terroriste de l’Est lors de l’opération «Otapuanu» (foudre en français), information à confirmer par la hiérarchie militaire. Du nom de Oumarou Diallo, alias Diaw Oumarou, ce dernier aurait été arrêté alors qu’il tentait de franchir la frontière togolaise. Mais au-delà de son arrestation, un aspect a certainement retenu l’attention de plus d’un Burkinabè : l’homme serait originaire de la commune de Matiacoali, à une centaine de kilomètres à l’Est de Fada N’Gourma. Alors, tout comme Ibrahim Malam Dicko, tué en fin avril 2018 lors d’une manœuvre conjointe FDS-Barkhane, ce chef terroriste qui sème la terreur dans le Gulmu depuis quelques mois est aussi un Burkinabè.

Un autre compatriote qui se retourne contre ses frères sans état d’âme, sommes-nous tentés d’affirmer. Ce détail, loin d’être anodin, révèle encore une fois, la complexité de la lutte car, nul besoin d’aller dans une école de guerre pour savoir qu’il est difficile de combattre l’ennemi sur un terrain qu’il maîtrise mieux que soi. Par ailleurs, cette promiscuité entre terroristes et populations, en plus de ne pas faciliter la tâche aux FDS, peut être source de polémiques et d’incompréhensions, parce que dans certaines conditions, il est parfois difficile de faire la part entre l’ivraie et le bon grain. Autrement dit, comment atteindre la cible sans toucher ses ramifications nichées au sein de la population ? C’est d’ailleurs ce qui est à la base de la récente polémique, causée par un rapport d’enquête du Mouvement burkinabè des droits de l’Homme et des peuples (MBDHP) sur la «neutralisation des 146 terroristes» évoquée plus haut.

Ce qui a amené l’Etat burkinabè à réagir. Le MBDHP a estimé qu’il y a eu des exécutions sommaires et extrajudiciaires d’innocentes personnes. Constat à propos duquel l’exécutif a émis des réserves, en attendant les résultats de l’enquête ouverte à cet effet. Cette polémique, bien que ne pouvant pas briser l’élan amorcé par nos FDS, n’est pas négative sur tous les plans. Elle est, dans une certaine mesure, la preuve d’une vitalité démocratique au Burkina Faso et d’une liberté d’expression. Sous d’autres cieux, il n’est pas question de telles investigations, à plus forte raison les résultats portés à la connaissance de l’opinion. Cette controverse a aussi le mérite d’alerter sur les possibilités de dérapages dans un combat auquel les soldats burkinabè n’étaient pas assez préparés. Ils vont apprendre à réagir en fonction des nouvelles menaces au fil du temps. Il nous paraît important que chacun joue son rôle afin qu’on évite, comme le dit l’adage, de «se battre quand la pluie nous bat déjà».

Les populations doivent surtout continuer à coopérer franchement avec les FDS. L’espoir de venir à bout de l’hydre terroriste est permis. Ce, d’autant plus que nous sommes persuadés que nous circulons, mangeons et dormons avec notre adversaire. Il ne reste qu’à continuer à garantir la protection des patriotes qui osent dénoncer dans l’intérêt supérieur de la nation.

Par Mahamadi TIEGNA

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