5e conférence ministérielle UA-UE : La société civile africaine appelle à une transition agroécologique

La société civile africaine appelle à une transition vers des systèmes alimentaires agroécologiques, assortis de financement conséquents.

En prélude à la 5e conférence ministérielle Union Africaine-Union Européenne (UA-UE) sur l’agriculture, prévue pour le 30 juin 2023 à Rome en Italie, les plus grands mouvements populaires et organisations de la société civile d’Afrique ont animé une conférence de presse virtuelle le mardi 27 octobre 2023, pour réclamer une transition vers des systèmes alimentaires africains basés sur l’agroécologie, loin du contrôle des entreprises multinationales.

A la prochaine 5e conférence ministérielle Union Africaine-Union Européenne (UA-UE) sur l’agriculture qui se tiendra le 30 juin 2023, l’Afrique doit défendre une position commune : celle de revendiquer une transition de ses systèmes alimentaires vers l’agroécologie, loin du contrôle des entreprises multinationales, indispensable pour assurer la souveraineté alimentaire du continent.

C’est le message fort que les grands mouvements populaires et organisations de la société du continent ont livré lors d’une conférence de presse en ligne qu’ils ont animée le mardi 27 juin 2023, sous la modération de la directrice de l’Association kenyane pour la biodiversité et la biosécurité, Anne Maina.

Les animateurs de ce point de presse international sont revenus sur les maux qui minent le développement du secteur agricole et qui l’empêchent d’avoir des systèmes alimentaires autonomes basés des ressources et des savoirs endogènes.

Le président de l’AFSA, Hakim Baliraine (gauche) : « nos ministres doivent savoir que le financement des monocultures, des intrants chimiques détruisent nos écosystèmes »

Parmi ces problèmes, figure la mauvaise gouvernance foncière se caractérisant par l’accaparement des terres cultivables par des industriels au détriment des petits producteurs, a relevé d’entrée le porte-parole de la Convergence mondiale des luttes pour la terre et l’eau en Afrique de l’Ouest (CGLTE), Massa Koné.

« Il n’y a pas d’agriculture sans foncier. Quel que soit le modèle agricole, l’accès à la terre est l’épicentre de la production », a-t-il martelé.

L’accès au foncier constitue donc une condition première pour la souveraineté alimentaire de l’Afrique. C’est pourquoi M. Koné appelle les gouvernements africains à élaborer et à mettre en œuvre des politiques foncières protectrices des communautés de base, des petits producteurs et à inscrire cette question foncière, non sous l’angle marchand, au centre des négociations UA-UE.

Le deuxième frein à l’indépendance des systèmes alimentaires africains réside dans le contrôle des semences par les multinationales.

Là aussi, il est urgent pour les Etats africains de disposer de politiques publiques semencières qui préservent le patrimoine semencier du continent, garantissent l’indépendance du monde paysan vis-à-vis de l’extérieur et qui lui permettent de mettre sur les marchés locaux des produits alimentaires sains et diversifiés, ajoute-t-il.

Débarrasser l’Afrique du modèle agricole industriel

Pour ce faire, l’Afrique doit mettre l’agroécologie paysanne au centre de la lutte contre le changement climatique, a insisté Massa Koné.

La coordonnatrice Caritas Afrique, Sœur Regina Ignatia Aflah, a invité les ministres africains à cette conférence UA-UE à prendre au sérieux les recommandations de la société civile du contient.

Dans la même veine, le porte-parole du Forum des paysans ougandais et président de l’Alliance pour la souveraineté alimentaire en Afrique (AFSA), Hakim Baliraine, a indiqué que cette coalition de la société civile et des mouvements populaires vise à transformer l’agriculture africaine, en l’orientant vers la transition agroécologique, des systèmes alimentaires résilients et en débarrassant le continent du modèle agricole industriel qui est destructeur de l’environnement.

M. Baliraine a insisté sur la nécessité d’inscrire le financement de la transition agroécologique en Afrique au centre de la conférence UE-UA, afin d’éviter la dépendance des paysans des intrants chimiques.

Pour lui, pour impulser les changements essentiels sur le continent, il urge de se départir des approches qui protègent les corporations internationales, tout en promouvant celles qui protègent les droits des paysans, les produits biologiques et qui ne sont pas néfastes pour les sols.

La Sœur Regina Ignatia Aflah, Coordinatrice (Droits de l’Homme et Justice) de Caritas Afrique, a fait savoir que si la protection des droits des femmes est essentiel pour le développement, les violences à leur égard restent préoccupantes. Pour elle, les négociations UA-UE doivent permettre de résoudre les conflits et les questions migratoires.

Les systèmes agricoles industriels ayant dévasté l’Afrique, il y a lieu aujourd’hui de faire la promotion des fermes familiales qui sont le socle du développement de l’Afrique, a souligné la religieuse. Et cela passe par des politiques publiques cohérentes qui incluent les femmes et les jeunes.

La Sœur Regina a appelé à bâtir un partenariat solide respectueux des valeurs africaines, à un engagement pour la mise en œuvre des recommandations contenues dans la déclaration des organisations de la société civile africaine relative à la 5e conférence UA-UE.

Tout en saluant la mise en place de cette plateforme sociale africaine, le secrétaire permanent de la Coordination des politiques sectorielles agricoles au ministère burkinabè de l’agriculture, Yassia Kindo, a fait savoir que le Burkina Faso travaille avec tous les acteurs, y compris la société civile ; ce qui a permis d’avoir une feuille de route nationale en matière de systèmes alimentaires.

L’impérieuse transition vers l’agroécologie

Pour lui, les pratiques agricoles actuelles au pays des hommes intègres, qui absorbent 4100 tonnes de pesticides et 11 millions de litres d’herbicides avec, à la clé, 400 mille hectares de terres cultivables perdues chaque année, ne sont pas durables.

Selon le secrétaire permanent de la Coordination des politiques sectorielles agricoles du Burkina Faso, Yassia Kindo, la question de l’origine de nos semences est essentielle pour adresser une réponse efficace à l’insécurité alimentaire et nutritionnelle.

Pour inverser la donne, le Burkina Faso s’est doté d’une stratégie nationale de développement de l’agroécologie sur la période 2023-2027, avec pour ambition à termes de consacrer 30% des superficies agricoles aux pratiques agroécologiques.

Citant les actions du gouvernement burkinabè en matière de lutte contre l’insécurité alimentaire et nutritionnelle, M. Kindo a cité, entre autres, le projet de production d’un million de tonnes de riz par an, l’initiative présidentielle visant à assurer à chaque enfant un repas équilibré par jour, le projet de transformation des phosphates naturels en engrais, le projet d’agriculture contractuelle et de transition agroécologique, sans oublier son système semencier national qui met l’accent sur les semences locales et qui est d’ailleurs le meilleur d’Afrique de l’Ouest.

La question de l’origine de nos semences est essentielle pour adresser une réponse efficace à l’insécurité alimentaire et nutritionnelle, a souligné Yassia Kindo, c’est pour cette raison, a-t-il ajouté, que le gouvernement burkinabè s’est engagé, avec l’appui de la recherche, à mettre en place des banques de semences locales.

Les conférenciers du jour ont terminé ce point de presse par l’appel aux ministres africains à défendre, à cette conférence UA-UE la transition vers l’agroécologie et son financement conséquent, mais aussi les droits des jeunes et des femmes à accéder à la terre, qui sont des actions indispensables pour bâtir des systèmes alimentaires résilients en Afrique.

Car, l’agroécologie paysanne, basée sur des savoirs endogènes des acteurs locaux, a besoin d’un accompagnement politique.

Mahamadi SEBOGO

Windmad76@gmail.com

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