Attention, cette chronique n’est pas dégoupillée !

Nous aurions bien voulu toucher où ça fait mal, mais nous avons déjà mal, tout le monde a mal. Nous aurions bien voulu dire notre vérité avec rage, mais restons sages, parce que la page est trop noire. De toute façon, qu’est-ce qu’un pauvre chroniqueur sans talent sécuritaire peut apporter de plus au capharnaüm suicidaire ? Non, nous ne sommes pas dignes de pointer du doigt et cracher à bout portant sur qui a fait quoi, qui aurait dû faire quoi, quand, comment, avec quel moyen. Nous ne dirons rien !
Mais nous sommes convaincus que seule une introspection sans complaisance nous permettra de nous élever au-dessus de tout ego et reconnaître que nous marchions pied-bot. Depuis le 15 janvier 2016, nous nous sommes rendu compte que nous n’étions pas aussi bénis des dieux. Diantre, où était Dieu le 15 janvier 2016 ? Pourquoi nous a-t-il abandonnés ? Pourquoi nous ? En quoi avons-nous péché ? Même le « Bataclan » ne peut pas répondre, « Radison Blue » n’arrive toujours pas à comprendre. Le « Splendid » était si candide pour mériter un sort si sordide. Que de bobos au Cappuccino ! Finalement, le bouclier tant vanté n’était qu’une passoire maquillée, truffée de mailles et de failles. Le 15 janvier, nous avons subi la furie de la fratrie de l’incurie au cœur même de nos bastions. Ça n’arrive pas qu’aux autres !
II faudra surtout garder la tête sur les épaules sans hâtivement jeter la pierre à Paul, sans bomber non plus le torse ou tomber dans l’amalgame identitaire, politique ou religieux. Aucune récupération n’est décente, parce qu’aucune raison ne doit dépasser celle de la Nation. Oui, nous avons été frappés peut-être par surprise, peut-être par méprise, peut-être même par traitrise. Pour certains, nous avons manqué de maîtrise, faute de marquise. Pourtant, le ciel était assez gris ! Le parapluie a pris du temps pour s’ouvrir. Et il a plu des cordes sur Ouagadougou ! Pour d’autres, il n’y a pas de risque zéro. Même si nous sommes des héros, nous avons servi de terreau aux bourreaux. Comptez ! Combien sont restés sur le carreau ?
Nous avons intérêt à nous tenir à carreau au lieu de jouer au tarot en faisant le faraud ! Il faut savoir lire entre les barreaux, il y a des taureaux au regard de moineau tapis sous le boisseau, attendant de faire le dernier saut. A chacun sa vérité, à chacun sa version, la nôtre n’aura peut-être pas d’apôtre, elle reste la nôtre. Il faudra surtout éviter un recto verso et pour ce faire, il faudra aller au-delà de l’écho de nos «micro-égo-perso». Il faudra endiguer les déboires de cette histoire noire et passer vite de la rhétorique à la pratique sans mimiques politiques. Si malgré tout, certains voient en cette chronique éthylique une réplique maléfique aux relents politiques, alors puissions-nous être pardonnés pour toutes les idées mal données.
Nous sommes Burkinabè et personne ne nous traitera au rabais dans notre havre de paix. Mais que faisons-nous chaque jour pour tendre toujours vers cette paix ? Sommes-nous assez alertes pour être en faction contre les sentinelles de la désolation ? Combien sommes-nous à être attentifs au moindre geste indigeste, à fouiner et à flairer comme le blaireau ? Combien sommes-nous à dénoncer le voisin suspect au comportement louche ? Comme toujours, « ce n’est pas notre boulot», « de quoi je me mêle ? », « que la police fasse son travail ! ». Nous manquons de culture du danger, parce que nous sommes dans un «pays d’intègres».
Nous n’avons pas toujours les bons réflexes, nous sommes rarement perplexes et quand on nous vexe, on crie à tue-tête : « il faut les feuilleter ! ». On ne fouillette pas un djihadiste les mains nues comme on s’insurge. Un terroriste n’est pas un enfant de chœur et il faut vite se réviser. On ne défie pas un « cadavre vivant » qui n’a plus rien à perdre. La curiosité est un défaut, mais dans la nuit du 15 janvier, il y avait des badauds essaimés autour de l’épicentre des feux, juste pour voir le sensationnel « film d’action » aux dépens de leur naïve vie.
Le couvre-feu a été ramené  de 1h à 4h du matin, mais il y a toujours des noctambules sans scrupule en divagation qui déambulent en murmurant le long de nos murs. Force doit rester à la loi, parce que nul n’est censé ignorer la loi. Enfin, il faudra que nous soyons moins bavards et moins suffisants face à la situation. Du politique qui use de tiques pour rassurer au média sans scoop qui augure sans être sûr, n’oubliez pas que celui qui écoute apprend plus que celui qui parle. Puissent nos morts reposer en paix et nos blessés se rétablir.
Clément ZONGO
clmentzongo@yahoo.fr

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