Ethiopie : Privilégier l’intérêt général

Après plusieurs mois de conflits fratricides et meurtriers, le gouvernement éthiopien semble résolument être engagé à réconcilier son peuple. C’est du moins ce que laissent transparaitre les dernières évolutions de la situation politique du pays, suite à la récente sortie du Premier ministre, Abiy Ahmed, lors de son discours de fin d’année. Dans son adresse à la Nation en décembre 2021, Abiy Ahmed avait lancé un appel à la réconciliation nationale. En effet, la guerre entre l’armée fédérale éthiopienne et les forces du Front populaire de libération du Tigré (TPLF), enclenchée depuis plus d’un an, a entraîné la mort de dizaines de milliers de personnes et le déplacement de millions d’autres. Autant dire que l’ambition du Prix Nobel de la paix n’est rien d’autre que de sortir son pays du bourbier dans lequel il se trouve et l’engager résolument sur la voie de la paix. C’est dans ce sens qu’il faut analyser l’amnistie, de plusieurs opposants éthiopiens, intervenue le vendredi 7 janvier 2022, à la surprise générale de maints observateurs.

De ce qui se dit, il s’agit des principales figures d’opposition qui étaient derrière les barreaux, et accusées par les autorités éthiopiennes de terrorisme. Parmi ceux- ci, il y a des figures de proue du TPLF dont Abadi Zemu, Kidusan Nega, Sibhar Nega et Abay Woldu, etc. Alors que cette guerre vient de prendre un tournant décisif, l’on est enclin à se demander ce que peuvent être les véritables mobiles de ces grâces et de cet appel à la réconciliation. Les rebelles du Tigré ayant opéré, on le sait, un « repli tactique » à la suite d’un assaut lancé par les forces gouvernementales sur leurs positions. Vu sous cet angle, l’appel du Premier ministre n’est-il pas une simple déclaration d’intention ? Difficile d’y répondre. Le moins que l’on puisse dire est que cette grâce coïncide avec le projet de dialogue national et de réconciliation du gouvernement. Même, si de telles initiatives peuvent paraitre aux yeux de certains comme des gages de bonne volonté de Abiy Ahmed à donner plus de crédibilité à son intention manifeste de concilier le peuple éthiopien, il reste à souhaiter que les dissidents du Tigré s’inscrivent dans sa dynamique pour parvenir à l’objectif escompté. C’est pourquoi, les Tigréens doivent « tirer profit de la mesure de confiance » en convenant d’une cessation des hostilités et en lançant un dialogue national crédible et inclusif. Mais, dans ce jeu politique, qui peut varier au gré des intérêts, l’on ne peut jurer de rien à l’avance.

Car, les professions de foi d’une majorité de l’élite dirigeante sous nos cieux, n’engagent que ceux qui y croient. En la matière, des exemples n’en manquent pas. De ce fait, espérons que cet appel soit entendu par les protagonistes de la crise pour peu qu’ils veuillent fumer le calumet de la paix. Car, disons le, tout de go, la clé de cette unité durable ne peut passer que par le dialogue entre les acteurs éthiopiens. Par voie de conséquence, sans faux fuyants, ceux-ci devraient consentir tous les sacrifices nécessaires pour parvenir à cette fin. Nul doute que si cette volonté d’aller à la paix se réalisait, c’est toute la Corne de l’Afrique, fracturée par la polarisation ethnique et politique, qui sera épargnée d’un éventuel embrasement, tant les risques étaient palpables. Par ailleurs, c’est aussi toute la population civile éthiopienne, première victime de cette guerre sécessionniste, qui s’en réjouira. C’est pourquoi, autant que faire se peut, les belligérants de la crise gagneraient à faire table rase de toutes autres considérations et privilégier l’intérêt général. Dans cette dynamique, il reviendra à la communauté internationale de jouer le rôle qui est le sien : celui d’apporter tout son appui nécessaire au processus de réconciliation annoncé par Abiy Ahmed, déjà très attendue du coté de Addis-Abeba.

Soumaïla BONKOUNGOU

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