M’Ba Bouanga: Le «Louis de Funès» burkinabè

Comique talentueux, bien connu des burkinabè, Hyppolite Ouangrawa dit M’Ba Bouanga est devenu, en l’espace de près de quatre décennies, une figure majeure du 6e art du «pays des hommes intègres». Il est le directeur du Théâtre de l’espoir. Portrait.

Transfuge de l’Atelier théâtre Burkinabè (ATB), Hyppolite Ouangrawa alias M’Ba Bouanga a foulé pour la première fois les planches à la fin des années 70. Au fil des ans, son jeu et son image ont séduit une génération de burkinabè. Maîtrise, voix, gestuelle, l’homme représente à lui seul tout un spectacle. Loin de tout sacrilège, M’Ba Bouanga est sans conteste l’incarnation même du théâtre. Chaleureux, gai, spontané et communicatif (excusez du peu !), Hyppolite vit, respire et parle théâtre. «Tout jeune, j’aimais raconter des histoires drôles. On a fini par me surnommer le «menteur», se souvient-il, tout sourire.

Sa rencontre avec le directeur de l’ATB, Prosper Kompaoré sera décisive. Le jeune homme y voit l’occasion de déployer ses immenses talents de comédien. Sur scène, il enchaîne de mémorables pièces de théâtre, «Le Malaise», «Œdipe-Roi», etc. Le public est conquis. «Je ne savais pas que faire le théâtre était aussi un métier comme les autres», s’étonne-t-il encore aujourd’hui. Mais, peu à peu, M’Ba Bouanga alterne théâtre conventionnel et théâtre-forum. Ce dernier type de théâtre finira par conquérir le cœur de la «bête de scène». «Véritable outil de sensibilisation, le théâtre-forum permet de mettre à nu les problèmes de la société et donc de changer les mentalités», soutient-il. Ambitieux, Hyppolite décide de voler de ses propres ailes.

En 1995, il fonde le «Théâtre de l’Espoir». Commencent alors, les années suivantes, de nombreuses tournées à l’intérieur et à l’extérieur du Burkina Faso. De retour du Canada, en 1988, où il est allé peaufiner son jeu d’acteur, le désormais directeur du «Théâtre de l’Espoir» s’adonne à la formation de troupes théâtrales et au partage d’expériences aux quatre coins du pays (Ouahigouya, Diapaga, Bobo-Dioulasso, etc).

La richesse des idées

Grâce à son abnégation au travail et à une quasi-présence sur la scène théâtrale, il est sollicité de toutes parts pour des activités de sensibilisation (planning familial, incivisme fiscal, conflits éleveurs-agriculteurs, etc.) à travers le théâtre-forum. Conscient  de l’impact de celui-ci sur le changement de comportement, en comparaison à ses premières amours, Hyppolite, infatigable, travaille actuellement sur une pièce de théâtre avec le civisme pour thème. Contexte national oblige. «C’est très triste de voir des élèves brûler le drapeau de leur pays. Des usagers, au grand mépris de leur vie et celle des autres, foulent au pied les règles élémentaires du code de la route», s’indigne-t-il.

Le théâtre-forum permet d’aller au contact des populations, rappelle-t-il à nouveau. Toutefois, il déplore la léthargie qui caractérise le 6e art burkinabè avec en toile de fond, le faible engouement des populations à fréquenter les salles de spectacles. «A cela, s’ajoute une absence criante de salles de théâtre. Quelque chose doit être fait dans ce sens. Cela passe également par l’éducation des populations», estime le comédien, âgé de 62 ans.

Comme pour joindre l’acte à la parole, une bibliothèque a été installée au sein de son espace théâtral. «La lecture est la voie royale pour acquérir des connaissances et parvenir à une transformation personnelle», souligne-t-il, «Le crépuscule des temps anciens» (de Nazi Boni) en main. Hyppolite Ouangrawa est-il un homme riche? «Je suis riche en idées», s’empresse-t-il de nous répondre. Et de nuancer ses propos, (s’inspirant du livre des Proverbes), en arguant que tout travail procure l’abondance. «Il faut travailler sans relâche pour atteindre la réalisation de soi et prendre soin des siens», conseille Hyppolite Ouangrawa, marié et père de trois enfants.

 

Aubin W. NANA

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