Médias d’État : La mutation en question

Dans le débat qui se mène actuellement sur la mutation juridique des médias d’État, les calculs d’épiciers et les comptes d’apothicaire semblent l’emporter sur l’enjeu majeur même de ladite mutation, à savoir le rôle que l’on veut assigner à ces médias dans un avenir proche afin qu’ils jouent plus efficacement leur rôle ,et surtout contribuent davantage au rayonnement international du Burkina Faso.

A ce stade de la réflexion, l’honnêteté commande de dire que le rattachement institutionnel même de ces médias est un frein à l’atteinte de l’efficacité et de l’efficience, les curricula dispensés dans les écoles de formation étant le second. Sur le premier point, est-il besoin de rappeler que, qui dit médias d’État, dit expression de la souveraineté et affirmation de la puissance publique d’un État?

Si on répond par l’affirmative, la tutelle technique évidente de la RTB et des éditions Sidwaya est le ministère des Affaires étrangères et de la coopération qui porte la voix et la grandeur du Burkina Faso et qui, conséquemment, doit partager celle-ci avec les relais puissants que sont lesdits médias.

Nous voyons d’ici les thuriféraires de la liberté d’expression et de pensée nous traiter de porte-voix des liberticides de tous poils, mais ce serait- là un jugement de tartufe si tant est que l’Occident, qu’ils aiment si bien prendre en exemple, a, dans la grande majorité des États, opté pour cet “assujettissement “ sans que personne ne crie au scandale et, mieux ou pire, a su ainsi imposer son modèle de pensée et d’action à nos populations qui sont grandes consommatrices de ces médias .

Plus que la kalach ou le canon, la plume et le micro sont des armes redoutables qui, mises au service d’une cause peuvent atteindre des résultats remarquables dans un sens comme dans l’autre. Et, si malgré les arguments que nous venons d’avancer, ils s’en trouvent des personnes pour nous traiter d’adeptes de la pensée unique qu’il leur plaise de se rappeler que l’espace médiatique est ouvert ici comme partout et qu’il existe des médias privés chargés de véhiculer les idées et thèses libres, ce que du reste, les médias publics font pour peu que ceux-ci ont de la “moelle” et concourent à la défense des intérêts du pays.

Car oui, média public ne veut pas non plus dire média gouvernemental ou de “béni oui oui” et ne devrait, de ce fait, guère cautionner des actions fussent-elles étatiques qui mettent en péril l’intérêt général. Média d’État oui, mais caisse de résonance non ; ce que, du reste, les politiques comprennent à leur corps défendant quand celui-ci porte la voix du peuple, souverain premier.

La frontière peut être tenue entre ceux qui se disent élus au suffrage universel et le peuple, mais elle existe, et c’est ce que les journalistes doivent avoir à l’esprit dans l’exercice de leur sacerdoce quotidien. Cela pose en filigrane le deuxième problème auquel sont confrontés les hommes de médias, à savoir la vacuité des programmes dispensés dans les écoles de formation et qui, pour l’essentiel, tournent autour du respect de de l’éthique et la déontologie sans que certaines grandes problématiques politiques et culturelles ne viennent compléter cet enseignement.

Quel positionnement géostratégique pour nos États à l’heure de la mondialisation ; Quels enjeux philosophiques et politiques ont sous-tendu la création de l’OUA puis plus tard de l’UA ; Qu’elle matrice culturelle adopter pour faire face victorieusement à celle gréco-romaine qui nous empêche d’être nous-mêmes ? Autant de problématiques parmi tant d’autres qui nous paraissent traitées “superficiellement “ dans nos universités et instituts de formation.

Il y a là aussi un autre saut à faire comme disait Joseph Ki Zerbo pour redonner aux médias et plus généralement à nos corps de métiers pour éviter ou circonscrire ces conflits sociaux à répétition qui gangrènent les seconds et la flagornerie ou le “criticisme “exagéré qui peuplent les pages et les programmes des premiers. L’éducation, matière première du développement, l’assertion n’a jamais été aussi vraie que dans ce débat.

Boubakar SY

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