Ne pas se tromper d’adversaire

L’onde de choc continue de provoquer des répliques, plus d’une semaine après l’attaque terroriste du détachement de gendarmerie d’Inata qui a officiellement fait 53 morts et des dizaines de blessés, principalement dans les rangs des Forces de défense et de sécurité (FDS) burkinabè.

Cet énième assaut meurtrier de l’ennemi, mais surtout les conditions humainement « inacceptables » dans lesquelles ces attaques se sont déroulées ont attisé la fronde populaire. Accusée d’apathie et même « d’incompétence » face à la crise sécuritaire par une partie de la classe politique et de l’opinion, notre Armée et son chef suprême, Roch Marc Christian Kaboré, sont sur la sellette après le drame d’Inata.

L’heure est maintenant à l’action responsable et citoyenne contre le terrorisme à tous les niveaux de la société, du citoyen lambda au premier chef. Car, l’honnêteté commande de dire que, quelque part, ce mouvement de colère était un exutoire face aux dysfonctionnements qui ont coûté très cher à notre Armée et à toute la Nation, au point de distendre le tissu social.

Mettre chacun face à ses responsabilités et sanctionner sans haine ni passion les brebis galeuses, tel semble être le leitmotiv du Président du Faso, dans l’adresse solennelle à ses concitoyens empreinte de fermeté, après le drame d’Inata : « …un conseil supérieur de la défense nationale sera convoqué pour faire le point de ces dysfonctionnements et prendre les dispositions qui s’imposent.

D’ores et déjà, nous avons pris un certain nombre de mesures, et je le dis et je répète qu’au terme de l’enquête, l’ensemble des personnes qui seront concernées dans cette question relative à Inata feront l’objet de sanctions disciplinaires sans exception. Je le précise très bien, sans exception ».

Action responsable et citoyenne, disions-nous, car la lutte contre le terrorisme est une lutte collective qui fait autant appel aux populations qu’aux partenaires du pays, y compris la France, ancienne puissance coloniale et premier partenaire du pays en la matière. L’épisode du blocus du convoi militaire français en partance pour Gao au Mali stoppé net à Kaya, interpelle, à ce titre, la conscience de chaque Burkinabè.

Si le rôle de l’armée française aux côtés de ses partenaires du Sahel en général et du Burkina Faso en particulier peut ne pas être à la hauteur des attentes, la menace terroriste n’a jamais été aussi prégnante que depuis le déclenchement de l’opération Serval puis de Barkhane, il va sans dire que cet engagement reste décisif pour notre pays dans ses opérations militaires, au quotidien, et ce, depuis le début de la crise sécuritaire.

C’est un fait. Ironie du sort, c’est au moment où la France, à la demande du Burkina Faso, s’évertue, avec le concours des Forces armées nationales, à reprendre en main la position d’Inata, que les manifestants ont bloqué le passage du convoi de son armée à Kaya, l’accablant d’un supposé double jeu entre les Etats et les organisations terroristes, demandant le départ pur et simple des forces françaises du pays.

Ne sommes-nous pas en train de nous tromper d’adversaires ? Ne sommes-nous pas en train de perdre des partenaires au moment même où nous en avons le plus besoin ? Qu’on ne se voile pas la face. Toute chose étant égale par ailleurs, il en va aujourd’hui pour le Burkina Faso de la lutte contre le terrorisme comme des autres pays ayant déjà fait face au phénomène depuis des années.

Une victoire solitaire est difficilement envisageable pour un phénomène mondial et aussi ondoyant aux ramifications insoupçonnées. Dans cette atmosphère délétère que d’aucuns qualifient à tort ou à raison de sentiment antifrançais, il y a lieu d’éviter de jeter le bébé avec l’eau du bain.

Au contraire, il nous faut travailler fondamentalement à ce que l’aide et le soutien importants dont nous bénéficions aujourd’hui puissent nous permettre de nous en passer un jour.

Par Mahamadi TIEGNA

mahamaditiegna@yahoo.fr

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