Ceci est une contribution de Sidzabda Damien OUEDRAOGO sur le conflit qui oppose le gouvernement aux syndicats dans l’affaire de l’application de l’IUTS sur les primes et indemnités des agents de la Fonction publique. Il appelle les députés, qui ont voté cette loi, à se saisir de la question afin de trouver une solution à la crise qui secoue le pays.
A l’occasion de son Discours sur la situation de la nation (SDN) prononcé le 19 mai dernier devant la représentation nationale, le premier ministre Christophe DABIRE est revenu sur le conflit qui oppose les syndicats et le gouvernement au sujet de l’IUTS. Si la lutte contre le coronavirus est venue mettre ce différend entre parenthèses, il faut se souvenir que l’application de l’IUTS sur les indemnités et les primes des travailleurs du secteur public avait été à l’origine d’une brusque montée d’adrénaline sur le front social. Qu’en sera-t-il à la reprise, si entre temps on n’a pas trouvé une formule de règlement à cet épineux dossier?
Après trois mois d’arrêt forcé ou de fonctionnement partiel, l’administration publique burkinabè s’apprête à reprendre pleinement du service. Du moins si rien d’autre après la pandémie COVID-19 ne vient mettre des bâtons dans les rouages de l’Etat. C’est pourquoi il faut tout mettre en œuvre, pour trouver une solution aux différents conflits sociaux latents ; principalement celui lié à l’application de la loi sur l’IUTS. Au regard de la détermination affichée par les syndicats pour faire échec à cette mesure gouvernementale, il parait en effet nécessaire d’agir en amont, si l’on veut s’assurer une reprise administrative et institutionnelle apaisée.
L’adage dit que celui qui veut séparer la bagarre ne cherche pas à savoir qui a raison ou qui a tort. En ces périodes troubles, particulièrement difficiles pour notre pays en proie depuis longtemps à la gangrène terroriste et maintenant à cette crise sanitaire aigüe, le gouvernement et les acteurs sociaux doivent savoir, se dire et admettre avec courage et lucidité que nul ne saurait sortir vraiment gagnant d’un bras de fer persistant sur cette affaire d’IUTS. Mieux vaut dès lors s’employer, chacun acceptant mettre un peu d’eau dans son vin comme on dit, à éteindre le feu qui couve, avant que l’incendie ne reprenne, avec toutes les conséquences dommageables que l’on peut imaginer sur la vie d’une nation déjà tant éprouvée.
Dans cet esprit de sortie d’impasse, il est intéressant de se saisir et d’analyser les propos du Premier ministre devant l’Assemblée nationale. En substance, Christophe DABIRE a déclaré que son gouvernement n’a imposé l’IUTS à personne, mais juste fait qu’appliquer la loi. Par de tels propos, les esprits malins trouveront une façon pour le chef de l’exécutif de rejeter la balle et la responsabilité du conflit dans le camp de ceux qui ont voté la loi ; c’est-à-dire les députés.
Certains, plus pernicieux, y verront une manière politiquement peu élégante de sa part, de refiler une patate chaude à Alassane Balla SAKANDE, son jeune frère président de l’Assemblée nationale. L’importance du sujet commande cependant que le niveau du débat soit élevé au-dessus de petites entourloupes politiciennes du genre.
Plus prosaïquement, il y a dans les propos du Premier ministre, d’une part l’expression d’une main tendue au dialogue; d’autre part comme un aveu d’impuissance et un appel au secours.
Une main tendue aux syndicats, qui trahit en quelque sorte la pleine conscience du chef de l’exécutif que le passage en force opéré risque fort de revenir, tel un boomerang, en pleine figure de son gouvernement. Raison pour laquelle, il n’a pas cherché à masquer une envie pressante et une entière disponibilité à retourner sur la table de discussion avec les syndicats, pour peu que ces derniers y soient consentants, en vue de prospecter ensemble une issue négociée à cette crise.
L’aveu d’impuissance et l’appel au secours, pour leur part, ont été on ne peut plus clairement lancés à l’Assemblée Nationale en ces termes : « …honorables députés, si la loi est mauvaise vous avez la responsabilité de la corriger… ». Autrement dit, s’il s’avère, comme le laissent sous-entendre ces propos, que les difficultés d’application de l’IUTS sont liées à des dispositions imparfaites de la loi, Christophe Joseph Marie DABIRE interpelle les élus nationaux, afin qu’ils lèvent les points de contestation qui constituent des obstacles, pour permettre une application acceptable pour tous.
Sortir du tête-à-tête gouvernement/syndicats
Une question fondamentale qui sous-tend le conflit entre gouvernement et syndicats au sujet de l’IUTS, reste celle du civisme fiscal, dont est largement tributaire la souveraineté financière et économique de notre pays. Dans les grandes nations, tout le monde sans exception ou presque, paye l’impôt,principale source de la richesse nationale et nerf du développement pour de nombreux Etats.
Or, une amélioration continue des recettes intérieures suppose et passe principalement par un élargissement de l’assiette fiscale, ajustée à la création de richesses et à l’augmentation des revenus. Vis-à-vis des partenaires techniques et financiers internationaux, la collecte de l’impôt représente un indice important de crédibilité pour le Burkina Faso, qui donne accès ou non à certains guichets de financement.
Pourquoi nos vaillants leaders syndicaux et leurs militants du secteur public ne semblent rien vouloir entendre d’un pareil argumentaire teinté de patriotisme ? Ils préfèrent pointer du doigt le train de vie de l’Etat, arguant au passage que, par le truchement de l’IUTS sur leurs indemnités et primes, le gouvernement tente cyniquement de leur reprendre ce qu’ils ont pu lui arracher de hautes luttes pour une amélioration de leurs conditions de vie. Et quand on leur parle d’équité et de justice fiscale vis-à-vis de leurs homologues du privé, ils rétorquent, sans rire, que l’Etat n’a qu’à supprimer purement et simplement cet impôt pour l’ensemble des travailleurs.
Tant pis alors pour le manque-à-gagner dans les caisses de l’Etat. Pire encore, pour l’image de laxisme d’Etat et le discrédit vis-à-vis des institutions et partenaires financiers et économiques internationaux ?
Pour rompre avec cette sorte de dialogue de sourds, l’Assemblée Nationale interpellée par le Premier ministre se doit donc de se saisir en urgence de ce dossier, ô combien brûlant mais si important pour l’avenir de la nation. Même hors l’appel au secours de Christophe DABIRE, Balla SAKANDE eut pu se saisir de la question, comme il s’est vaillamment saisi,en tant que président de l’Assemblée Nationale, et investi contre la pandémie à coronavirus à travers le CORONATHON bien accueilli et salué par tous.
A supposer que les travailleurs daignent répondre à la main tendue du Premier ministre en retournant à la table de discussions, le risque est grand, sans une modération à la hauteur des enjeux, d’assister à un face à face méfiant, source presque certaine d’échanges byzantins, interminables et infructueux.
Ni censeur ni donneur de leçons.
Qui mieux que la Représentation nationale dès lors, pour tempérer les exigences et les ardeurs des uns et des autres dans cette affaire, au nom du peuple et de l’intérêt supérieur de la nation ?
Au besoin, les parlementaires désignés pourront s’associer le plaidoyer d’autres forces ou composantes sociales telles que la société civile ou les représentants de certaines faîtières professionnelles. L’hétérogénéité de la modération, dans ce cas de figure, vise à bien montrer et faire comprendre aux protagonistes, que la cause ici en présence transcende largement toute forme de corporatisme, pour en appeler à l’engagement citoyen de toute une nation et de l’ensemble de ses fils aux sacrifices nécessaires et indispensables pour le développement de notre cher Faso.
En tant que citoyen lambda, je prête juste ici ma voix et ma plume pour une recherche de solution de sortie de crise. Je le fais et je prends le risque de le dire (tant pis pour les injures publiques !), parce que je suis de ceux qui pensent qu’aucun pays, aucune nation, aucun peuple au monde ne devrait s’illusionner de vouloir et pouvoir se développer avec l’argent des autres.
L’Aide publique au développement (APD) que nous recevons des autres provient en grande partie des impôts payés par les citoyens des pays donateurs. La décolonisation et les indépendances sont venues certes défaire les masses paysannes de l’impôt de capitation.
Nos pauvres et braves parents des villages les plus reculés n’en continuent pas moins de contribuer à l’effort de recettes intérieures en faveur du Trésor public, à travers les taxes diverses sur les différentes marchandises et biens de consommation.
Est-il alors concevable et acceptable, que des salariés (parmi les privilégiés de la société qu’on le veuille ou non) rechignent tant pour apporter une part supplémentaire de dîme patriotique pour l’œuvre de construction nationale ?
Il faut trouver un juste milieu, afin qu’on quitte dans cette histoire qui ne fait honneur à personne ; en même temps qu’elle manque cruellement de réalisme. Un Etat qui ne peut pas compter sur ses propres ressources et richesses n’est pas un Etat fiable.
L’emploi public et les traitements qui vont avec ne peuvent exister durablement, sans l’existence d’un Etat fiable et crédible. Si le Burkina Faso doit compter uniquement sur la dette internationale, la mendicité bilatérale de ses dirigeants ou l’aide multilatérale de ses partenaires, demain n’est définitivement pas la veille de la fin pour notre sous-développement.
Chaque salarié à hauteur de ses revenus aussi « maigres » pense-t-il) doit donc pouvoir faire l’effort du sacrifice commun citoyen pour la nation. C’est de ce point de vue que le sujet de l’IUTS relève d’un débat national et non d’un conflit d’avantages et d’intérêts entre le gouvernement et les salariés du secteur public. Que Dieu bénisse à jamais le Burkina Faso.
Sidzabda Damien OUEDRAOGO