Coronavirus : Rood Wooko ne grouille plus de monde

Les commerçantes ont déserté le marché des fruits et légumes de Zabr Daga.

La fermeture des grands marchés et yaars de la capitale est entrée en vigueur hier, 26 mars 2020. Une mesure bien suivie, mais qui continue de faire des gorges chaudes. Constat.

L’affluence n’est pas au rendez-vous, le jeudi 26 mars 2020 au grand marché de Ouagadougou. Après avoir fait la ronde de ce haut lieu de commerce de la capitale, le constat est sans équivoque : les magasins, boutiques et toutes les portes d’entrée et de sortie sont hermétiquement fermés. Des commerçants assis devant des boutiques ouvertes et riveraines du marché ne cachent pas leur ras-le-bol.

encontré au parking du marché en face de la librairie Diacfa, Zoungrana Souleymane, boucher, tente d’écouler le restant de sa carcasse de bœuf. Après des échanges avec un client, il se prête à nos questions. La fermeture du marché n’a pas été décidée de gaieté et de cœur par les autorités, mais cette nouvelle donne privera des familles de nombreux commerçants de repas quotidien, fulmine-t-il. Même si, cette mesure des autorités communales et régionales vise à préserver la santé publique, son souhait est qu’elle trouve des stratégies pour sauver le secteur du commerce.

«Un mois, ce n’est pas beaucoup pour une affaire de santé, mais, il faut songer à la survie des familles », lance-t-il. Contrairement à Souleymane Zoungrana, d’autres commerçants sont venus à Rood Wooko non pas pour commercer, mais pour s’assurer que le marché est réellement fermé. Assis sur des motos, des bancs…ils ne cessent d’alimenter la polémique sur cette mesure. Si certains sont pour, d’autres sont farouchement opposés.

Qu’à cela ne tienne, El hadj Inoussa Kaboré, coordonnateur des structures syndicales et associatives des commerçants de Rood Wooko, est présent depuis le début de la journée pour veiller au respect de la mesure. En tant que responsable des commerçants, son devoir était de venir constater le respect de la mesure, affirme-t-il, son cache-nez bien « scotché » à ses oreilles. « Pour le premier jour, la mesure est respectée, aucun commerçant n’est dans le marché.

Elle a été subite et on devait se sensibiliser entre responsables avant de venir vers les commerçants pour leur expliquer », estime-t-il. Il ajoute : « Le COVID 19 tue, mais un commerçant qui va passer trois jours sans manger, cela tue également ». Face à cette situation, le coordonnateur des structures syndicales et associatives des commerçants de Rood Wooko propose qu’il faut donc mener la réflexion pour trouver d’autres pistes de solutions. « Nous sommes en train d’appeler l’administration de revenir, on va s’asseoir ensemble pour faire des propositions.

La décision des autorités est normale, c’est pour sauver nos vies. Nous les félicitons pour cela », affirme-t-il. Les boutiques qui sont ouvertes aux alentours du grand marché ne sont-elles pas concernées par la mesure ? De son avis, le communiqué de fermeture touche les occupants du marché, mais pas les riverains.

D’énormes pertes

A Rood Wooko, la mesure de fermeture des marchés est respectée par les occupants.

Lors des échanges, M. Kaboré confie qu’au premier jour de fermeture des marchés et yaars, des légumiers auraient été « violentés » par les forces de l’ordre à Toésin Yaar, dans le quartier Tampouy. « Je n’ai pas vu la scène, mais on m’a appelé pour me dire que des élements des forces de l’ordre ont frappé des légumiers ce matin. Si cela est avéré, j’invite la police à plus sensibiliser que de passer à la répression», prévient-il.

Comme à Rood Wooko, le marché de fruits et légumes, des boutiques de vente d’appareils électroniques, d’articles divers, des lunetteries…sont fermés. Les mots manquent au Directeur général (DG) de Will Télécom, Sayouba Zidwemba, pour s’exprimer sur la situation. Le « gouverneur » de Zabr Daga, comme on le surnomme, avoue qu’avec cette fermeture de 25 jours de Zabr Daga, ce sera difficile de payer les salaires des employés, mais surtout d’honorer ses engagements financiers auprès des banques et des partenaires internationaux, en l’occurrence les fournisseurs.

A combien estimez-vous vos pertes pour cette période ? « A Zabr Daga, c’est énorme. Il y a des gens qui vivent au jour le jour, qui gagnent quotidiennement à manger pour eux et leur famille grâce aux ristournes, mais avec la fermeture, ce sont des milliards de pertes pour nous tous», déplore le DG Zidwemba. Quelle est la stratégie mise en place pour continuer vos activités économiques ?

Le DG de Will Télécom propose de développer le e-commerce à l’instar des pays développés à cause de la décision des autorités sanitaires de limiter les sorties et les contacts. « Pour cela, je donne raison à 1000% à l’Etat. Il faut qu’il nous aide », estime-t-il. Il souhaite par exemple, la réduction des charges fiscales, des taxes…pour leur permettre de faire vivre leurs entreprises. « Par exemple, je dois à un fournisseur en France et chaque mois, il faut que je lui fasse son virement.

Pour ce mois, je ne pourrai pas vendre. Donc, il va me fichier comme un mauvais payeur. C’est vrai qu’il comprendra qu’il y a le coronavirus, mais ce n’est pas sa faute aussi de me considérer comme tel», regrette M. Zidwemba. Avant la prise de la décision de fermer les marchés, il aurait préféré des échanges avec les commerçants des marchés et yaars pour trouver une solution meilleure que celle-ci.

Abdel Aziz NABALOUM
emirathe@yahoo.fr

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