Enlèvement tardif du coton des marchés : Le lit des poids manquants

Des marchés de coton sont parfois à proximité de zones submersibles.

Les retards dans l’enlèvement du coton graine des silos constitue une épine au pied des producteurs. Cette lenteur entraîne parfois des incendies et des incohérences de poids à l’achat et au pesage à l’usine.

Un Groupement de producteurs coton (GPC) ne peut trouver un sommeil tranquille que lorsque son coton est évacué dans une usine d’égrainage.
Malheureusement cette année encore et comme plusieurs années, l’or blanc est resté en décrépitude sur des sites autogérés de la zone cotonnière de la SOFITEX sous les effets néfastes de la canicule, de l’harmattan etc. En effet, ces récoltes soigneusement gardées par les producteurs se consument dans les champs au contact des feux de brousse. Dans les départements de Dissin dans la région du Sud-Ouest, de Tchériba dans la Boucle du Mouhoun, des incendies de coton ont ravagé des dizaines de tonnes entre le mois de mars et avril. Malheureusement, ce vieux problème perdure et les paysans sont impuissants de trouver une alternative salutaire pour sauver le produit de leur labeur.

A Dédougou, précisément dans les départements de Tchériba et de Safané, les derniers silos ont été vidés de leur contenu dans la dernière quinzaine du mois d’avril. Evitant de très peu les premières précipitations annonciatrices de la saison humide. Las de vivre, année après année, les mêmes difficultés, des producteurs de l’Ouest s’étaient organisés pour manifester leur mécontentement vis-à-vis de la SOFITEX. En effet, dans plusieurs localités de la zone SOFITEX, le coton graine vendu, pesé et stocké dans les marchés à l’air libre a échappé de peu aux premières pluies qui se sont abattues dans la province le 27 avril 2021.

Pour la campagne cotonnière 2021-2022 en cours, si les producteurs se sont réjouis de l’augmentation-record du prix d’achat du coton graine, il n’en demeure pas moins qu’ils soient inquiets du volet enlèvement.
« Nous allons emblaver des milliers d’hectares cette année. Peut-être que les récoltes seront très bonnes mais Dieu seul sait comment la SOFITEX va organiser et planifier le processus de ramassage », a déclaré Issouf Touré du Groupement de producteurs coton (GPC) de Tikan. Mais en quoi cela vous inquiète-t-il ? A cette question, le producteur explique toute une batterie de travail d’après-vente que les groupements doivent mettre en place en attendant le ramassage.

« Il faut un gardien de jour comme de nuit pour surveiller le coton, il faut le débarrasser régulièrement des feuilles mortes et des herbes
sèches… », a-t-il cité entre autres. Karim Koné, un autre producteur de coton basé à Tchiériba craint que le ramassage tardif du coton ne décourage à la longue les producteurs car selon lui, le gardiennage et l’entretien du coton post-récolte posent d’énormes problèmes aux GPC.

Incompétence des opérateurs privés

Selon le président du GPC « Sénimi » (entraide en bwamou), Lassina Boni, chaque année, les producteurs de coton font face au même problème d’enlèvement. De son analyse le phénomène dérange aussi bien les producteurs que des sociétés cotonnières elles-mêmes, notamment à cause de la cadence d’enlèvement du coton dans les champs et des marchés de coton vers les unités d’égrainage. Selon lui, plusieurs raisons peuvent expliquer ces situations. Il s’agit entre autres, a-t-il précisé, de la contre-performance de certains opérateurs. « Les marchés sont parfois attribués à des opérateurs incompétents ou qui ne disposent pas de flotte assez étoffée pour ramasser le coton des silos.

C’est ce qui entraîne les retards et les sociétés cotonnières doivent savoir faire le choix pour la passation de marchés d’enlèvement de coton », a indiqué M. Boni. Cependant, pour ne pas rester sous l’emprise des opérateurs privés, les cotonculteurs pensent que chacune des sociétés cotonnières, doit constituer sa propre flotte pour l’évacuation à temps du coton graine vers les différentes usines d’égrenages. Car selon M. Boni, certains prestataires de la SOFITEX accusent à tort ou à raison le mauvais état des pistes rurales qui desservent les marchés de coton.

Et ce, malgré l’opérationnalisation du Projet de pistes rurales (PPR) défini pour contribuer à relever le défi de l’accessibilité rurale et en particulier le désenclavement des zones de production agricole.
Pour ces producteurs, la qualité des politiques de voirie et de l’enlèvement du coton ne leur incombe pas et la SOFITEX doit prendre toutes ses responsabilités si elle est véritablement dans une dynamique de relance durable de la production cotonnière au Burkina Faso.

Indemnisation en cas d’incendies de coton

Plus le coton reste dormant dans les marchés, plus il est exposé aux risques d’incendies. Ainsi, raisonnent les producteurs. Motif premier de leur empressement de se débarrasser du coton après les ventes. Sur la question, le directeur général de la SOFITEX, Wilfried Yaméogo, a reconnu que ces dernières années, sa structure a assisté dans certaines localités à des incendies de coton.

Selon lui, il urge de prendre des dispositions en vue de limiter ces dégâts aussi bien dans les champs de coton, que dans les marchés. « Devant ces situations malheureuses, nous interpellons les producteurs depuis toujours à éloigner les cotons de tous risques d’incendies. Pour ce faire, un certain nombre de dispositions ont été prises. Le coton entreposé sur le marché est assuré de sorte qu’en cas d’incendie, des dispositions sont prises pour indemnisation, après constat de l’assureur », a fait savoir le DG Yaméogo. Quant au changement climatique qui peut être sources de précipitation précoces, les autorités cotonnières rassurent que des outils de collecte d’informations sur ces changements existent et permettent de prendre de l’avance sur le temps.

« Nous utilisons nos informations à bon escient, afin d’éviter les désagréments », a dit le DG. L’un dans l’autre, les sociétés cotonnières cherchent les moyens adéquats et appropriés pour convoyer, en temps réel, la production cotonnière qui, de plus en plus, est à la hausse. On annonce d’ailleurs plus de 680 mille tonnes pour la présente campagne contre 492.000 tonnes la campagne cotonnière précédente. Pour le président de l’Union nationale des producteurs de coton (UNPCB) Bambou Bihoun, le mal est pernicieux certes, mais cela ne doit pas décourager les producteurs de coton. Jouant au médiateur, il a exhorté ses pairs à savoir raison garder et à redoubler d’efforts dans la production de coton.

Mieux, a-t-il souhaité, que les producteurs prennent à leur niveau toutes les mesures nécessaires pour une bonne protection de leur récolte. Bambou Bihoun a invité par ailleurs les égreneurs à prendre à bras-le-corps le problème de l’enlèvement du coton et à comprendre l’amertume de certains producteurs qui peinent à contenir leur déception.

Wanlé Gérard COULIBALY

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