Femme enceinte et COVID-19 «Aucune étude n’a montré la transmission de la mère à l’enfant», Dr Evelyne Komboigo

Dans cette interview, le Dr Evelyne Komboigo, gynécologue obstétricienne   au centre hospitalier universitaire Yalgado-Ouédraogo, donne des éclairages sur la situation de la femme enceinte par rapport au COVID-19.

 Sidwaya (S) : En cette période de COVID-19, quels sont les dangers que court la femme enceinte ?

Evelyne Komboigo (E.K.) : La pandémie du COVID-19 concerne toute la population. Comme tout le monde, la femme enceinte est exposée à l’infection du coronavirus. Les mesures sanitaires doivent être respectées pour qu’elle ne contracte pas la maladie. Du moment où la grossesse constitue un état d’immunodépression. Ce qui signifie que si cette femme contracte le Covid-19, l’infection peut s’aggraver et donner des signes de gravité comme chez les sujets diabétiques et hypertendus.

S : Quelles sont les dispositions que la femme enceinte doit prendre pour se protéger contre cette pandémie ?

K. : De façon générale, ce sont les mêmes dispositions dictées par les autorités sanitaires. Il s’agit du lavage de mains, du port obligatoire de masques et de la limitation maximum des déplacements. Mais de façon spécifique, elle peut contacter son médecin gynécologue par téléphone pour expliquer ses difficultés. Et lorsqu’elle va en consultation, elle doit veiller à respecter la distanciation sociale avec sa voisine.

S : N’y a-t-il pas de dispositions spécifiques qui concernent la femme enceinte au regard de son état spécifique ?

K. : En plus des mesures édictées, la femme enceinte doit respecter ses pesées, continuer sa prophylaxie anti-anémie et anti-paludisme. Il n’y a pas de mesures barrières spécifiques qui s’appliquent à la femme enceinte.

 S : Est-ce que le virus peut être transmis au fœtus pendant la grossesse ?K. : Pour le moment, aucune étude spécifique n’a montré cette transmission de la mère à l’enfant. Mais pendant l’accouchement, il faut veiller à respecter les précautions nécessaires pour éviter la contamination entre la mère et l’enfant si celle-ci a été en contact avec un sujet suspect ou si elle-même a été testée positive au COVID-19. Le personnel doit alors appliquer les mesures de prévention et désinfecter les lieux comme d’habitude. Aussi, les agents de santé doivent abandonner certaines pratiques qui existaient avant la pandémie. Généralement après l’accouchement, on dépose le bébé sur le ventre de sa mère afin que celui-ci puisse profiter de la chaleur maternelle. Mais cette maladie est venue bouleverser nos modes de vie. Il faut savoir que comme le virus se transmet par voie aérienne, il peut se retrouver sur la peau. Ce qui est dangereux pour le nouveau-né.

S : Est-ce que la proscription de cette pratique n’aura pas plus tard une incidence sur le développement psychique de l’enfant ?

K. : Il faut aussi peser le pour et le contre. L’objectif visé par l’abandon de cette pratique est de limiter la propagation de cette maladie et protéger le bébé. Je pense que rompre avec cette pratique ne diminue pas cette affection entre la mère et son enfant. Mais c’est plutôt pour son bien.

S : Quels sont les risques pour le nouveau-né ?

K. : Selon des études, il y a peu d’infection chez les nouveau-nés. Néanmoins celui-ci reste une personne à part entière et il est exposé à l’infection au coronavirus. Le nouveau-né a une immunité fragile, donc l’exposer peut être dangereux pour lui.

S : Quels peuvent être les risques pendant l’allaitement ?

K. : Pour l’instant, il n’y a pas de transmission au niveau du lait maternel. Si la maman est infectée par le COVID-19, l’allaitement n’est pas contre-indiqué. Si la mère malade désire toujours allaiter son enfant, elle peut le faire en respectant les mesures édictées par le gouvernement. C’est-à-dire le port de la bavette, le lavage des mains et éviter les déplacements inutiles. Elle doit aussi cesser d’embrasser le bébé et éviter de donner l’enfant aux visiteurs.

S : L’infection peut-elle être dangereuse pour la femme enceinte et son bébé ?

K. : Pour le moment, notre département n’a pas enregistré de cas positif, mais dans la littérature, il y a eu des cas avec des signes de gravité qui sont survenus chez les femmes enceintes. Mais je ne pense pas que la grossesse l’expose à ces signes de gravité.

S : Au cas où le test se révèle positif chez la femme enceinte, est-ce qu’il y a un traitement spécifique pour elle ?

K. : Il faut dire qu’il y a des protocoles de prise en charge qui sont en vigueur au Burkina, notamment la chloroquine et l’azithromycine. L’état de grossesse ne contre indique pas la prise de ces produits. Je pense que sur la base des essais cliniques qui se mènent actuellement, la femme enceinte qui est dépistée positive au COVID-19 peut être traitée. C’est l’équipe d’intervention d’urgence qui peut décider de l’inclure ou non dans le protocole de prise en charge des malades.

S : Quels conseils avez-vous à donner à la femme enceinte ?

K. : En cette période de pandémie de COVID-19, j’invite la femme enceinte à ne pas paniquer et à respecter les mesures. Je lui conseille autant que faire se peut de rester à la maison, d’éviter les déplacements inutiles et si ces déplacements sont absolument nécessaires, se munir du matériel de protection (gel hydroalcoolique, masques…). Elle peut aussi profiter de la consultation prénatale pour discuter de toutes les inquiétudes avec l’agent de santé. Je les invite à poursuivre normalement la prévention prescrite contre le paludisme et l’anémie.

Interview réalisée par :

Wamini Micheline OUEDRAOGO

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