Gabon : l’ère Oligui Nguema ?

Le Président de la Transition du Gabon, le général Brice Clotaire Oligui Nguema, a célébré avec faste, le vendredi 30 août dernier, l’an I du coup d’Etat qui l’a porté à la tête du pays. Discours à la Nation, grande parade militaire et inauguration d’infrastructures de transport routier, aérien et maritime ont marqué cette première commémoration depuis la fin de l’ère de la famille Bongo qui aura duré au moins 50 ans. En « déposant » Ali Bongo qu’il a servi, de même que son son défunt père Omar Ondimba, l’ex-commandant de la garde républicaine avait promis de rompre avec les pratiques anciennes et de construire un nouveau Gabon. Ses premiers pas au pouvoir permettent-il de confirmer ses ambitions pour sa chère patrie ? Les actions entreprises par le Gal Nguema semblent aller dans ce sens, en attendant d’en savoir plus sur ses capacités à transformer profondément le Gabon. Il a promis restaurer un ordre constitutionnel normal par l’organisation d’élections libres, crédibles et transparentes.

Cet engagement est en passe d’être tenu, puisque des élections sont prévues en août 2025, mais encore faut-il être sûr et certain du retour d’un régime civil aux affaires. Les appels à la candidature d’Oligui Nguema à la future présidentielle se font de plus en plus pressants et nombreux. Le chef de l’Etat gabonais va-t-il dire « Non » à ses soutiens ? Rien ne semble l’indiquer puisqu’il apparait dans la posture d’un candidat en campagne avant l’heure. Au regard de la dynamique enclenchée par le nouveau maitre du pays, il serait étonnant de le voir renoncer aussi facilement au pouvoir au profit d’une tierce personne, militaire ou civile. Le nouvel homme fort du Gabon se sent manifestement investi d’une mission nationale, lui dont le coup d’Etat, jugé salvateur, avait été salué par une liesse populaire. La rue qui en avait marre de la gouvernance autoritaire et pour le moins chaotique des Bongo, le perçoit toujours comme un sauveur et lui accorde encore du crédit. Le président de la Transition gabonaise, qui connait apparemment une période de grâces a également promis des réformes politiques et s’emploie à ce qu’elles soient une réalité. Le dialogue national inclusif tenu en avril dernier a accouché de plusieurs recommandations visant à asseoir un régime véritablement démocratique.

Ces assises ont suggéré, entre autres, la suppression du poste de Premier ministre, le maintien du bicaméralisme, l’instauration d’un régime présidentiel dans la future Constitution censée être adopté par référendum en octobre prochain. Le combat du Gal Nguema, et c’est de bonne guerre, est de lutter contre de nombreux tares qui nuisent à l’image du Gabon (détournement de deniers publics, népotisme, impunité, corruption…) et de restaurer l’Etat de droit. Plusieurs membres et proches du clan Bongo, en font déjà les frais, puisqu’ ils ont maille à partir avec la justice gabonaise. S’il a parfaitement intégré certaines aspirations légitimes des masses populaires, le Gal Nguema déçoit ceux qui avaient cru à une rupture totale avec la France. Le président de la Transition gabonaise n’a pas enfilé la tenue d’anti-impérialiste ou de panafricaniste de gauche, que d’aucuns espéraient. La crainte de certains de ses compatriotes est qu’il nourrisse davantage la France-Afrique et qu’il s’éternise après coup au pouvoir comme… les Bongo. Auquel cas, le combat pour la démocratie et le changement que le Gal Nguema s’est engagé à mener volera en éclats et fera perdre de fait les grands espoirs placés en lui.

Kader Patrick KARANTAO

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