Ghana : une économie sous pression

Le Ghana, producteur de cacao (le 2e au plan mondial) et de pétrole, traverse une situation économique très difficile. Ce pays d’Afrique de l’Ouest, considéré comme un exemple de stabilité politique, est manifestement au bord du gouffre. En cause, la crise sanitaire de la COVID-19 et la récente flambée des prix du pétrole, provoquée par l’invasion russe en Ukraine. Les indicateurs économiques de cette ancienne colonie britannique sont alarmants. Le Ghana connait un déficit budgétaire estimé à plus de 12% du PIB en 2021 et une dette publique « dangereusement élevée » qui s’établit à 80% du Produit intérieur brut (PIB). La monnaie du pays, le cedis, est victime d’une dépréciation.

Le taux d’inflation est passé de 15,7% en février 2022, contre 13,9% en janvier de la même année. Plusieurs secteurs sont fortement touchés par la hausse des prix : les transports (18,3%), le logement et l’eau (25,4%), l’électricité et le gaz (21%). Les produits alimentaires ne sont pas en reste, avec une inflation plus forte que la moyenne, 17,4%. La vie est devenue chère pour les Ghanéens qui ne savent plus à quel saint se vouer. Le régime de Nana Akufo-Addo prévoit réduire le déficit à 7,4% du PIB en 2022, puis 5,5% en 2023, avant de le ramener sous la barre des 5% à partir de 2024. Mais on est loin du compte pour le moment. Le gouvernement ghanéen se débat comme un beau diable pour sortir l’économie nationale de la zone de turbulence, mais le défi est énorme. Les gouvernants ont commencé par serrer la ceinture eux-mêmes, puisque les populations, déjà souffrantes, ne sont pas prêtes à payer de nouveaux impôts. L’exécutif ghanéen a décidé, le jeudi 24 mars 2022, de diminuer de 30% les salaires des ministres et du président Akufo-Ado. Il a aussi été annoncé la fin des voyages à l’étranger pour les ministres et de l’achat de véhicules neufs pour le reste de l’année 2022. Ces mesures devraient permettre de faire des économies de l’ordre de 360 000 euros. Pour contrer l’inflation, l’Etat ghanéen entend injecter 2 milliards de dollars américains, dans l’économie, pour aider à soutenir la chute du Cedis.

Si ces mesures ne sont pas insignifiantes, elles n’auraient pas eu cours si les autorités, qui misent sur une plus grande mobilisation des recettes fiscales, avaient réussi à imposer la nouvelle taxe sur les transactions électroniques, « E-Levy ». Hélas ! La réticence des citoyens, des entreprises et de l’opposition est telle, que ce nouvel impôt n’est pas applicable pour le moment. La loi des finances 2022, censée contenir « E-Levy », avait été rejetée par l’Assemblée nationale, en novembre 2021. Un tel fait ne s’était pas produit au Ghana depuis 40 ans. Vent debout, l’opposition exige l’annulation du « E-Levy », qui prévoit un prélèvement de 1.75% sur les transferts mobile money, les virements bancaires et les paiements aux marchands. Ou à tout le moins, son rabais à un taux compris entre 0,5% et 1%. Alors que l’exécutif ghanéen veut à tout prix tirer profit de la croissance sans précédent dans les transactions électroniques, qui sont passées de 12.5 milliards de dollars américains en 2016 à 81 milliards de dollars américains en 2020. Avec « E-Levy », il projetait en tirer 800 millions d’euros par an, ce qui représente une manne à même de boucher les trous. Le président Akufo-Addo a donc du pain sur la planche, même s’il espère un taux de croissance de 5,8% pour 2022.

S’il est admis que la conjoncture économique internationale y est pour beaucoup dans la situation actuelle au Ghana, il faut regretter des choix économiques pas toujours réalistes, la faiblesse de la monnaie nationale et une administration budgétivore. Des efforts de développement remarquables ont été faits dans l’ancienne Gold Coast, mais certains n’arrivent toujours pas à comprendre, pourquoi les autorités s’enfoncent dans le nationalisme, au point de refuser de se tourner vers le Fonds monétaire international (FMI), alors que la situation économique est inquiétante. Depuis 2018, le pays a pris ses distances avec cette institution. C’est mal connaitre le président Akufo-Addo ! Le chef de l’Etat ghanéen est un partisan du développement endogène, qui ne voudrait pas être soumis à de fortes restrictions en prenant l’argent des bailleurs de fonds. Il est perçu à juste titre comme un héraut d’une Afrique qui finance son propre développement. Il faut reconnaitre, avec le président Akufo-Addo, que les Etats africains doivent travailler à dépendre moins des aides extérieures. Les ressources ne font pas défaut, mais plutôt l’audace et une solidarité agissante. On pourrait mettre l’accent sur la coopération Sud-Sud, pour espérer voir le bout du tunnel. « L’Afrique n’est pas démunie, mais seulement désunie », disait le groupe de rap sénégalais, Positive Black Soul, dans une de ses chansons intitulées « L’Afrique ». Méditons !

Kader Patrick KARANTAO

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