Hommes d’honneur, hommes d’horreur !

Dans la vie, il y a des gens qui préfèrent dormir avec la faim que de tendre la main en vain. Ces gens-là sont prêts à mourir le ventre creux, l’honneur intact que de vivre le ventre plein, sans dignité. Parce que la dignité ne se marchande pas. Malheureusement, il y a des gens qui sont prêts à brader la leur, pour du peu. Chaque jour, ils courent derrière les menus fretins de la compromission. Ils sont prêts à se lamenter et à pleurnicher pour quelques billets de banque volatiles. Regardez autour de vous : il n’y a presque plus de Burkinabè. L’homme intègre est derrière nous. L’honnête homme fait désormais partie de l’histoire. Il n’est plus avec nous. Il a disparu et ceux qui tentent de lui ressembler jouent tellement mal qu’ils sont ridicules. Tant pis si cette chronique ne plaît pas ; le vrai Burkinabè est en voie d’extinction !

Il suffit de lire les écrits passés des gens ; il suffit d’écouter leurs propos d’antan ; il suffit de brandir leurs actions d’hier pour que tout s’écroule aujourd’hui à leurs propres pieds. Il n’y a plus d’homme de principe et de fermeté ; il n’y a plus de femme de caractère. Pourquoi demandez alors tant et trop à la jeunesse ? Pourquoi voulez-vous qu’elle soit celle que vous n’avez jamais su être ? Non, on ne peut pas exiger des autres ce qu’on ne peut pas imposer à soi-même. Le bon exemple, ce n’est pas qu’une leçon de morale, c’est un partage de pratique. La vertu n’est pas une potion réservée à une portion d’âmes illuminées. Elle est à portée de main de tous, mais il ne suffit pas de la vouloir pour l’avoir. Il faut se l’approprier, il faut se l’imposer ! Lorsque ceux qui doivent trancher sont partiaux, à quoi sert la balance, si elle n’est pas trafiquée. Si ceux qui doivent dire la vérité ont la manie de la contourner sans laisser de trace de mensonge, à quoi sert la Justice ? Quand le droit fait des contorsions, passe par l’extorsion et la malversation pour donner raison à tort et sans remords, on est mort. Le tintamarre des casseroles gêne, mais le maître de la maison est sourd.

La gangrène est en train de faire pourrir la jambe, mais on marche en clopinant avec. On maquille les contours de la plaie à la Bétadine et on cache le mal avec un bandage d’un autre âge. Ça sent mauvais, mais on se bouche le nez pour que tout redevienne normal. C’est dommage que ceux en qui nous devrions avoir confiance suscitent la méfiance. C’est dommage que ceux qui sont à l’abri du besoin tirent la couverture sur leur butin au détriment de la veuve et de l’orphelin grugés. Gargantua ne se rassasie jamais ; un ogre est un ogre ! Finalement, l’habit ne fait pas le moine ; il ne suffit pas d’être tiré à quatre épingles et bardé d’insignes d’honneur pour faire foi. Il y a de faux prophètes parmi nous et il ne suffit pas de brandir un trophée en bois pour mériter la médaille d’or. Que celui ou celle qui n’a jamais volé un kopeck du peuple lève le petit doigt. Que celui ou celle qui n’a jamais détourné ait la conscience tranquille. Il y a trop de saupoudrage sur le tableau ; il y a trop de badigeonnage, trop de faire valoir. Voilà pourquoi, notre décollage est un essor de saute-mouton. Voilà pourquoi, nous regarderons de loin le bout du tunnel sans y parvenir. En fait, les plus avisés savent bien que c’est un leurre. Les ingrédients de la recette ont des goûts incompatibles, parfois contradictoires. La sauce ne peut qu’être répugnante et ça sent déjà le dégueulis. Lorsqu’un homme ou une femme « intègre » se désintègre en mille morceaux comme une bombe à fragmentation, pour des broutilles, juste pour survivre, que peut-on encore récupérer des décombres ? Quand un Burkinabè s’offre en spectacle de la pire des manières devant un public désabusé, faut-il l’applaudir ou le maudire ? Non, il n’y a plus rien à faire ; il n’y a plus rien à sauver. On peut mourir en étant vivant. Il n’y a aucune gloire dans la turpitude et les thuriféraires finissent toujours de la même façon : la honte.

Et la pire des hontes s’écrit et se prononce avec un ‘‘W’’. Malheureusement, les Burkinabè de cet acabit courent nos rues, nus et sans masque. Après leur déchéance, ils guérissent comme on se rétablit d’un palu chronique. Puis, ils reprennent la même course en se grattant le torse criblé d’impacts de désaveux. Que direz-vous à vos enfants demain ? De qui d’autre voulez-vous que vos rejetons soient fiers ? Le pire, c’est que l’histoire a déjà tout enregistré. Dans la vie, il y a deux types d’hommes : les hommes d’honneur et les hommes d’horreur. Autrement dit, il y a ceux qui entrent par la grande porte et se préoccupent de ressortir par la même porte, et ceux qui entrent par le portillon et se moquent du reste. Ces derniers finissent par ressortir à reculons et très souvent par la fenêtre. Et toi, par quelle porte comptes-tu ou es-tu entré ? As-tu déjà pensé à la sortie ?

Clément ZONGO

clmentzongo@yahoo.fr

Laisser un commentaire