Les écailles du ciel : les désillusions d’une indépendance

Dans Les écailles du ciel, l’écrivain franco-guinéen, Tierno Monénembo, retrace le parcours mouvementé, à la fin des années 50, du jeune Samba qui passe du statut de boy d’une famille d’expatriés français à celui de militant pour le parti de l’indépendance avant de participer à la dictature. Le livre a reçu le Grand Prix littéraire d’Afrique Noire en 1986.

Le désenchantement politique, la folie, la condition des laissés-pour-compte sont, entre autres, les thèmes de prédilection de l’écrivain franco-guinéen, Tierno Monénembo. Sept années après la parution de son premier roman, Les crapauds-brousse (1979), l’auteur reste dans la même dynamique avec Les écailles du ciel. Grand Prix littéraire d’Afrique noire, ce roman présente l’histoire de l’indépendance d’un pays imaginaire, Leydi Bondhi (terre maudite), et surtout, la vie tumultueuse du jeune Cousin Samba. Maudit dès sa naissance, il participe avec les gens de son village (Kolisoko) à la guerre contre la colonisation et les Blancs qui les dirigeaient. Ayant perdu la guerre, Samba et ses camarades subiront les affres de la colonisation: des décisions unilatérales à respecter sans se poser de questions; la construction d’écoles où il faut y envoyer les enfants; la culture de l’hévéa au détriment du manioc. Les villageois se voient dénier le droit de revendication. Mécontent, Samba manifeste. Il est chassé de son village et recueilli par une prostituée, Oumou Thiaga. Employé comme boy dans une famille européenne, il est emprisonné une première fois après la mort de sa patronne.

Devenu coiffeur, il est ensuite mêlé au mouvement d’émancipation de son pays et devient, malgré lui, un militant connu du parti de l’indépendance avec les quatre leaders N’Dourou Wembidô, Bandiougou, Sana et Foromo. Une fois l’indépendance obtenue, N’Dourou Wembidô règne sans partage, instaure une dictature, et maltraite ses amis d’hier. Samba se retrouve, une seconde fois, en prison… A travers son roman “Les écailles du ciel”, Tierno Monénembo fait le procès des indépendances en Afrique, principalement en Guinée-Conakry (confiscation des libertés, la violence, la dictature, etc.). Face à tous ces problèmes, les intellectuels africains (docteurs, ingénieurs, écrivains), de l’avis de l’auteur, sont restés indifférents et insensibles aux souffrances de leurs peuples en étant les complices des dirigeants africains: “Eux, qui auraient dû être la solution, ils ne l’étaient en rien, c’était plutôt eux, le problème à la lumière de la vérité”.

La souffrance de Samba, tout au long du livre, est assez illustrative de cette assertion de l’écrivain guinéen. Samba trouvera ainsi la mort à la fin de son périple, et donc du roman. Tierno Monénembo, de son vrai nom Thierno Saïdou Diallo, est né le 21 juillet 1947 à Porédaka en Guinée. Après avoir fui la Guinée sous le règne “sanguinaire” de Sékou Touré, il rejoint la France en 1973 afin de poursuivre ses études. Il est nommé docteur ès sciences après avoir présenté une thèse en biochimie à l’Université de Lyon.
Il enseignera par la suite au Maroc et en Algérie.

Il reçoit le Prix Renaudot pour son roman Le Roi de Kahel (2008). Depuis 2007, il est Visiting Professor à Middlebury College, au Vermont (Etats-Unis).
Il est, entre autres, l’auteur de Un rêve utile (1992), Un attiéké pour Elgass (1993), Pelourinho (1995), Cinéma (1997) et L’Aîné des orphelins (2000), qui s’inspire du génocide rwandais, et Le terroriste noir (2012).

W. Aubin NANA

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