Mesures contre le COVID-19 à Ouagadougou: le désarroi des commerçants

Le COVID-19 impacte négativement l’activité économique dans la ville de Ouagadougou. Le secteur informel est touché fortement par la fermeture des marchés et yaars et la mise en quarantaine des villes affectées par la maladie. Cette fermeture a une incidence sur les acteurs du secteur et leur vie quotidienne.

Il est environ 12 heures 30, ce mardi 7 avril 2020. Rosita Ouédraogo est comme tous les jours au rendez-vous dans son restaurant avec pour menu, le tô et le riz. Le seul hic, les lieux sont déserts en ces lieux jadis bondés de monde. Les clients viennent au compte-gouttes. Mesures sanitaires obligent, ces derniers ne sont plus autorisés à manger sur place, ils doivent désormais emporter leurs plats. Toutes ces mesures sont dictées par l’avènement du COVID-19 qui a changé les modes de vie dans la société. Mme Ouédraogo indique que le repas est déjà conditionné dans les kits et prêt à être emporté. Les activités de Rosita ont été frappées par l’avènement du COVID-19. Depuis que le grand marché Rood-Woko a été fermé, elle souligne qu’elle fait un service strictement minimum. De la dizaine de menus chaque jour, aujourd’hui, elle est passée à deux (tô et riz). En plus du déjeuner, elle servait aussi le petit déjeuner, vendait de la glace et des gâteaux dans la soirée. « Je pouvais vendre 40 000 à 50 000 F CFA chaque jour pour le déjeuner. Mais aujourd’hui, je ne vends que 10 000 F CFA la journée. Mon activité a vraiment régressé », souligne-t-elle. Rosita indique qu’actuellement, même la glace ne marche pas. Pour preuve, elle souligne qu’elle prend aujourd’hui deux semaines pour écouler la même quantité de glace qui était pourtant vendue en une journée. Rosita n’est pas la seule à vivre dans le désarroi causé par l’avènement du COVID-19. Ils sont nombreux, ces commerçants, à voir leurs activités arrêtées ou au ralenti depuis la fermeture des 36 marchés et yaars de la capitale. C’est le cas de Sidonie Ouédraogo, mère de six (6) enfants et vendeuse de légumes et de pommes de terre au marché de Baskuy. Elle affirme que depuis que le marché de Baskuy est fermé, elle est revenue devant sa concession à Ouidi pour vendre sa pomme de terre et ses légumes. « Vendre au quartier, ce n’est pas du tout facile pour moi. Il n’y a pas de clientèle et je subis d’énormes pertes chaque jour », indique Mme Ouédraogo. Elle confie qu’elle avait fait un stock d’environ 40 filets de 40 kilogrammes de pommes de terre. Mais depuis que le marché est fermé, elle peut trier plus d’un filet et demi de pommes de terre pourries par jour. Elle estime le montant de la perte à plus de 10 000FCFA chaque jour.

Se confiner et mourir de faim

Quant à Aminata Ouédraogo, vendeuse de pagnes au marché du « 10 », elle ne sait plus que faire. Depuis la fermeture des marchés, et yaars, elle et son mari, commerçants au marché de Rood-Woko, sont confinés à leur domicile. Cette famille de sept personnes vit uniquement du commerce. La mesure barrière a porté un véritable coup à leur vécu quotidien. Dame Ouédraogo confie que lorsque les marchés n’étaient pas fermés, elle pouvait vendre plus de 30 000 F CFA par jour. « Je vis difficilement cette situation. Je reste cloîtrer à la maison et sans rien vendre et pourtant tous les jours, il faut dépenser pour nourrir ma famille. Je suis en train de dépenser mon capital de commerce », se lamente-t-elle. Moussa Konseiga, vendeur de chaussures au grand marché, indique que sa famille n’a plus rien à manger. « Je suis confiné chez moi. Dans le quartier aussi, la population n’a pas l’argent. Nous vivons grâce aux personnes de bonne foi qui nous viennent en aide », dit-il. Aux dires du secrétaire général du Conseil national de l’économie informelle, Seydou Zangré, la mise en quarantaine de la ville de Ouagadougou et la fermeture des marchés sont un véritable handicap pour bon nombre de commerçants qui ne savent plus à quel saint se vouer. « Les acteurs du secteur informel sont actuellement confinés de force à la maison alors que la plupart d’entre eux ont contracté des prêts au niveau des institutions financières. Ils sont maintenant dans le pétrin. Ils ne peuvent ni payer leurs traites ni nourrir leurs familles », confie-t-il. Pour venir en aide aux commerçants, il suggère que le fonds d’appui annule purement et simplement les prêts en lieu et place du rééchelonnement. M. Zangré se dit inquiet car si rien n’est fait, les centaines de vendeuses qui continuent de vendre dans les rues, vont se faire contaminer par le COVID-19. M. Zangré affirme que la fermeture des marchés a surpris plus d’une personne. Il déplore le fait que les acteurs de ce secteur n’ont pas été associés à cette décision de fermer les marchés et yaars de la ville de Ouagadougou.

Rouvrir impérativement les marchés

« Avant la fermeture des marchés, au niveau du conseil, nous avions commencé la sensibilisation en dotant certains marchés de gel hydroalcoolique, de savon. A notre grande surprise, 48 heures après cette action, la mesure tombe », dit-il. Il affirme que le gouvernement n’avait pas besoin de fermer les marchés. Selon lui, les autorités devaient revoir le dispositif des marchés construits. Et demander aux commerçants installés dans les allées, de respecter les mesures de distanciation. « Le vœu de tout le monde aujourd’hui, c’est l’ouverture rapide des marchés », indique le secrétaire général du Conseil national de l’économie informelle. Il souhaite de ce fait, que les autorités prêtent une oreille attentive aux vœux des acteurs du secteur informel. Pour lui, la réouverture des marchés va permettre d’une part, la relance de l’activité économique et d’autre part, soulager les familles des commerçants. Le vendeur de chaussures, Moussa Konseiga, lui, implore la clémence du gouvernement pour la réouverture des marchés, sans quoi sa famille risque de mourir de faim. « Il faut que mes confrères acceptent l’existence de la maladie et qu’ils respectent les consignes données par le gouvernement », conseille le secrétaire général du Conseil national de l’économie informelle. Il pense que l’anarchie dans les marchés a prévalu à la fermeture de ces derniers. De ce fait, il recommande aux commerçants de respecter les mesures de protection au cas où le gouvernement viendrait à rouvrir les marchés et yaars. « Les commerçants doivent être leur propre gendarme, leur propre sécurité pour veiller à l’application de ces mesures barrières afin de briser la chaîne de contamination », avertit-il.

Wamini Micheline OUEDRAOGO

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