Notre identité, être Burkinabè !

A ceux qui pensent ou disent que l’habit ne fait pas le moine, on réplique souvent que le plumage fait l’oiseau ! Quand nous étions encore plus jeunes, nous attrapions parfois un margouillat et nous badigeonnions son corps de peinture blanche, rouge ou verte. Et, nous le libérions dans la nature, saint et sauf. Le constat était effarant : les autres margouillats fuyaient la compagnie du margouillat blanc, rouge ou vert. Il en était de même pour la tourterelle peinte en bleu. Nous nous marrions du ridicule. Nous nous esclaffions en larmoyant. En vérité, nous étions de cyniques bambins sans scrupule. C’était une banale expérience sans tête ni queue ! Aujourd’hui avec le recul, je me suis rendu compte qu’au-delà du comique qui teintait le jeu espiègle de notre bande, il y avait un message auquel, nous-mêmes ne prêtions aucune attention : l’identité est synonyme d’authenticité et sans authenticité, toute tentative ou tentation de simuler peut cacher une intention de dissimuler.

Mais de quoi peut-on se cacher devant un miroir ? L’identité est-elle une source de fierté ou un facteur complexe ? Peut-on avoir honte de soi juste en regardant notre reflet dans les yeux d’autrui ? En quoi l’identité est un combat si l’idée de singularité fait débat dans un « village global » dans lequel même la diversité porte les stigmates de la condescendance et de domination culturelle ? Quelle est l’identité qui s’enrichit aux contacts des autres quand elle finit par se travestir à leur pied ou par être hybride sans personnalité ? Bref, trêve de conjecture, la vérité est que de nos jours, il serait plus admis de parler d’identité au pluriel, parce que tant que des cultures se rencontreront, il y aura toujours des influences de part et d’autre et il appartient à chaque entité socioculturelle de savoir rester lui-même sans céder au complexe, sans rester indifférent ou sans ignorer l’autre, sans le mépriser.

Malheureusement, l’histoire nous prouve que la colonisation, au-delà de ses « bonnes intentions » de façade avait pour but de nous dépersonnaliser pour nous déstructurer mentalement, socialement, spirituellement et même économiquement. Ainsi, on ira à l’école du blanc pour en ressortir bleu avec une tête bien pleine mais évidée de son contenu social. Du haut de ses connaissances cartésiennes, on jugera les siens d’ignares et on tranchera toujours en faveur d’une vérité scientifique parfois hérétique.
L’aliénation est totale, notre identité est devenue floue tout comme notre vision.

Voilà pourquoi, ils porteront fièrement le costume pendu à la cravate venu de loin pour froisser le boubou traditionnel du « vilain bouffon » hors classe. On parlera mieux Français que sa propre langue maternelle. On ira en villégiature sur la natte de l’autre pendant que les dômes de Fabedougou ou les pics de Sindou ou encore les ruines de Loropeni sont orphelins du regard contemplatif des siens. On donnera toutes sortes de prénoms à ses rejetons comme on joue à pile ou face avec des jetons, en évitant de les engluer avec des prénoms « botaniques » comme s’ils étaient nés au pied de la Tour Eiffel. Dans ce contexte mi-figue mi-raisin, comment voulez-vous que certains soient fiers de porter une toge de cotonnade locale sans marque « de marque ».

Pourtant, il suffit d’oser porter cette cotonnade issue du coton de nos champs, de l’effort des bras valides de nos campagnes et de la minutie de nos mères tisseuses pour contribuer un tant soit peu à l’économie locale et nationale. Il suffit de penser un seul instant que c’est pour nous et qu’au-delà des « caprices » de luxe, il y a mieux à défendre. En attendant que les pauses de nos Conseils des ministres soit faites de galettes et de bouillie de petit mil ou de mil rouge et que toute l’administration publique s’y conforme, consommons burkinabè ! En attendant que notre fierté nous pousse à toujours privilégier la production locale au détriment des « poisons surgelés », vivement sonnons la révolte et consommons nos produits. Consommons-les tout en critiquant leur qualité avec la saine intention patriotique de les améliorer.

Clément ZONGO
clmentzongo@yahoo.fr

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