L’interrogatoire de l’accusé Faïsal Nanéma, suspendu le 8 octobre dernier pour des raisons de conflits d’intérêt avec son coaccusé, le Caporal Da Sami, a repris ce vendredi 23 novembre 2018. Il est poursuivi pour des faits de complicité de dégradation de biens aggravés et de recel de matériels.
A la reprise de son procès, le vendredi 23 novembre 2018, l’accusé Faïsal Nanéma s’est présenté avec l’avocat choisi, Me Zaliatou Aouba. La raison de la suspension était qu’il y avait un conflit d’intérêt entre lui et le caporal Da Sami. Ils avaient, tous deux, le même avocat, pourtant le coaccusé estime l’avoir vu, avec son groupe de jeunes, lyncher le garde-corps de l’actuel Président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, Nicolas Kaboré, à l’hôtel Laïco. Le tribunal était donc dans l’obligation de suspendre son audition, le temps de lui trouver un avocat.
A la barre, Faïsal Nanéma a expliqué n’avoir jamais lynché M. Kaboré. « Le 19 septembre 2015, je suis venu à l’hôtel Laïco avec des jeunes. Assis dans le bar de l’hôtel, Nicolas Kaboré est venu, tout ensanglanté, me dire qu’il a été frappé par des jeunes. Alors, je l’ai conseillé d’aller se rincer et revenir pour qu’on en discute », a souligné Faïsal Nanéma.
Selon lui, le caporal l’accuse parce qu’ils ne s’entendent pas. « Sinon, Da sami m’a fait des confidences que je pourrais dire à la barre et l’incriminer davantage. A ce propos, il m’a informé que l’ex-Premier ministre, Yacouba Isaac Zida et le ministre Auguste Barry, pendant la Transition, préparait un coup d’Etat. C’est grâce à lui et au sergent-chef, Roger Koussoubé, que le coup a été déjoué. Il a même reçu 6 000 000 francs CFA comme récompense, dont 2 millions pour lui et 4 millions pour le sergent-chef», a-t-il indiqué, avant de préciser qu’il n’est d’ailleurs pas poursuivi pour des faits de coups et blessures volontaires. Alors, le parquet militaire était dans l’obligation de revenir sur les charges à lui reprochées. A ce sujet, il est accusé d’avoir incendié le domicile de feu Salifou Diallo et celui de Safiatou Lopez.
L’accusé a informé que le 17 septembre 2015 au rond-point des Martyrs, il aurait appris que des manifestants se dirigeaient vers le domicile de feu Diallo pour l’incendier. Il a alerté des militaires de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP) de passage. « Ils m’ont embarqué afin que je puisse leur montrer la maison. Ce jour, j’ai pu empêcher des affrontements entre deux groupes, ceux qui voulaient incendier la maison et le camp opposé. Cela a permis d’éviter l’incendie du domicile ainsi que le lynchage de l’agent de police, Manli Yacouba. Ce n’est que le lendemain 18 septembre que la maison a été brûlée. Alors, pourquoi s’attarder sur cette question, d’autant plus que je n’étais pas en ces lieux ce jour ?», a demandé l’accusé au parquet.
Pour ce qui est du domicile de Dame Lopez, le prévenu a affirmé ne pas la connaître. « C’est grâce à la Transition que j’ai connu Mme Lopez à travers les médias », a soutenu M. Nanéma. Pourtant, le parquet a relevé qu’elle l’a formellement identifié comme étant un des auteurs de l’incendie de son domicile. Et l’avocat de l’accusé, Me Aouba de préciser qu’à aucun moment, Safiatou Lopez n’a jamais identifié formellement son client. « Pendant son audition à la gendarmerie, elle a indiqué que des informations font cas de la présence de Nanéma Faïsal et d’autres personnes à son domicile. D’où vient cette affirmation formelle de sa part ? Pour la suite de l’enquête, elle ne s’est plus jamais présentée devant le juge de l’instruction. Ce qui n’a pas permis d’investiguer sur ce dossier », a-t-elle renchéri.
Manque de preuves concrètes
Pour ce qui est des faits de recel, l’accusé a soutenu que le 18 septembre 2015, de l’hôtel Laïco, il est revenu au rond-point des Martyrs où il dit avoir vu des objets, « France au revoir » en vente. « J’ai donc acheté une statuette à 20 000 F CFA, un fer à repasser à 12 500 F et un sac à 5000 F. C’est dans la soirée à travers les réseaux sociaux que j’ai appris que la maison de M. Diallo a finalement été incendiée et qu’avant la maison avait été pillée. C’est en ce moment, que j’ai compris que les objets achetés venaient de là », a expliqué l’accusé au parquet militaire. Et celui-ci de faire remarquer qu’il savait que ce matériel avait été volé, car le rond-point des Martyrs n’a jamais été un marché.
En plus, Mohamed Rachid Ilboudo aurait confirmé que l’accusé lui a donné de l’argent pour qu’il accepte être le vendeur de ces objets. Une version que Faïsal Nanéma a battu en brèche, car il dit n’avoir jamais fait cela. « J’ai au contraire aidé la gendarmerie à mettre la main sur lui car elle était à sa recherche », a-t-il laissé entendre. Et son avocat de poursuivre que selon l’article 473 du Code pénal, on parle de recel lorsqu’on s’engage à acquérir les biens, tout en sachant l’origine frauduleuses de ceux-ci. « Dans le cas de mon client, le parquet n’a apporté aucune preuve pour démontrer cela. En somme, aucune preuve n’atteste la culpabilité de mon client. Alors on ne peut lui imputer ces faits à lui reprochés », a-t-elle conclu.
Pendant son audition, l’accusé avait pour la 3e fois, déposé une demande de liberté provisoire. Lequel délibéré a été renvoyé au mardi 27 novembre 2018. A sa suite, c’était au tour du sergent Lamoussa Badoun de passer à la barre. Son interrogatoire avait été suspendu le 28 août 2018 pour complément de la pièce I 227 dans son dossier. « C’est le procès-verbal qui contient les éléments qui l’inculpe dans le coup d’Etat », a attesté l’avocat Stéphane Ouédraogo. Il a affirmé n’avoir jamais reçu cette pièce qui manquait au dossier de son client. Pourtant, le parquet militaire a confirmé avec une correspondance à l’appui, avoir remis la pièce manquante.
Face à ce débat de sourd, le président du tribunal, Saïdou Ouédraogo, a décidé de la poursuite de l’audience. Alors, l’avocat s’est déporté, car selon lui, il est dans l’impossibilité de poursuivre la défense de M. Badoun sans ce document. L’audience a donc été suspendue et un nouvel avocat sera commis à l’accusé. Elle reprend ce lundi à 9h.
Fleur BIRBA