Sortir de la spirale

Le monde confiné a célébré la Fête du travail. Un 1er-Mai tout particulier à cause de la pandémie du coronavirus. Pas de traditionnelle remise de cahiers de doléances, pas de rassemblement, mais tout de même un message au monde du travail, appelant l’Etat, entre autres, à veiller à la protection des travailleurs contre les violations de leurs droits par certains employeurs. Mais, le symbolisme de la fête du 1er-Mai va au-delà des justes revendications des travailleurs.
C’est l’exaltation du travail bien fait et acharné surtout sous nos cieux où, après 60 ans d’indépendance, le bout du tunnel est encore loin. Alors que les dragons (et même les tigres) asiatiques qui étaient au même stade de développement que les pays africains, « ont connu une véritable révolution à partir des années 1960 qui les a fait passer de pays du tiers-monde à un niveau de développement comparable à celui de l’Europe de l’Ouest». Leur modèle de développement s’est imposé comme un exemple pour de nombreux pays émergents. Les pays asiatiques en sont aujourd’hui à jouer les premiers rôles, au point que l’on parle de siècle chinois débutant grâce, en partie, à l’exaltation du travail. C’est autour de ces valeurs, que le Président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, a insisté dans son message d’hommage ’’aux populations laborieuses’’ des villes et campagnes, engagées sur les chantiers du développement du pays. «C’est ensemble que nous créerons la richesse par notre travail et que nous la partagerons entre fils et filles de la nation. C’est ainsi que nous assumerons notre destin de femmes et d’hommes libres, intègres et dignes », a affirmé le chef de l’Etat. En ces périodes complexes, cette assertion trouve sa justesse et, le fait que les deux camps (pouvoir et syndicats) semblent se guetter, attendant la fin de la trêve, n’augure pas de lendemains qui chantent pour notre jeune démocratie. Pour l’instant, on est bien loin du rêve asiatique. Pis, les arrêts de travail, essentiellement pour des motifs économiques, battent des records dans les secteurs publics depuis les indépendances. L’on dénombre 68 grèves et sit-in en 2017, 41 en 2016, 16 en 2015 et 2014, selon l’Institut Free Afrik. Ces mouvements se sont accompagnés d’une hausse vertigineuse de la masse salariale dans le même laps de temps. Au point de précipiter la prise de mesures controversées, telle que l’imposition de l’IUTS sur les primes et indemnités des agents de l’Etat, avec pour effet immédiat la mise en ébullition de la fronde sociale. Ce qui a entraîné une spirale dont il faut absolument sortir, par une volonté collective à travers un dialogue social basé sur les valeurs du travail bien fait. Cela, en attendant que le développement de l’intelligence artificielle et l’automatisation de nombreux métiers ne relèguent le travail dans ses composantes classiques au second plan. Car, en partageant ce que l’on n’a pas obtenu par le travail mais plutôt sur la base des rapports de force, nous ne faisons, au mieux, que reporter les problèmes structurels et au pire, aggraver une situation économique déjà précaire. Fondamentalement, nous vivons à crédit et mettons nos dettes à la charge des générations futures.
Pour qui connait l’histoire du Burkina Faso, le pays vient de loin. Sachons raison garder pour le maintenir dans son élan de développement.

Par Mahamadi TIEGNA

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