Soudan : Ne pas dépasser les bornes

La situation socio-politique au Soudan en ce début d’année 2022 n’est pas loin de celle de l’année précédente. Alors que les autorités de la transition pensaient avoir une maitrise de la situation, une nouvelle manifestation organisée contre le pouvoir militaire a dégénéré, le lundi 17 janvier, entre manifestants et forces de sécurité. Le bilan des affrontements fait état de sept manifestants tués et un officier de police mortellement poignardé.

Cette énième manifestation des populations, 14e du genre depuis le coup de force du général, Abdel Fattah al-Burhan, le 25 octobre 2021, contre le pouvoir de la transition civile mise en place, dénote de la volonté d’une partie des Soudanais à tourner définitivement la page des régimes militaires dans leur pré-carré.

Une détermination qui donne du fil à retordre aux putschistes qui tentent de jouer avec le temps pour avoir les manifestants à l’usure et espérer ainsi reprendre du poil de la bête. Pour parvenir à son objectif, le pouvoir en place ne fait pas dans la dentelle. Il a mis en place un dispositif sécuritaire avec des troupes lourdement armées qui n’hésitent pas à ouvrir le feu à balles réelles sur des civils pour la plupart aux mains nues.

Le bilan de la montée de l’intifada à la soudanaise porte à 71 le nombre de manifestants ayant perdu la vie depuis le 25 octobre 2021. Les hommes en treillis sont également accusés d’être auteurs de plusieurs violations des droits de l’homme. Comme si cela ne suffisait pas, le Conseil de défense a annoncé lundi dernier la création d’une « force spéciale antiterroriste pour faire face à de potentielles menaces ».

Plusieurs observateurs voient en cette décision une volonté manifeste du pouvoir en place de réprimer ceux qui l’empêchent de dérouler son programme aux antipodes de la démocratie. Ainsi, beaucoup craignent-t-ils une escalade de la violence dans les prochains mois une fois cette unité opérationnelle mise en place. Pour ramener la paix, l’ONU tente d’organiser un dialogue pour une transition vers la démocratie.

L’organisation a, dans ce sens, multiplié les rencontres avec des acteurs du pouvoir, de la société civile, et des associations de femmes ou de jeunes à Khartoum. Parviendra-t-elle à arracher un accord pour des négociations entre toutes les parties au regard des différentes positions tranchées ? C’est tout le mal que l’on souhaite à ce pays d’Afrique de plus de 45 millions d’âmes secoué pendant des décennies par des crises multiformes.

Le Soudan n’a plus de parlement depuis la destitution de l’ancien président, Omar el-Béchir, en 2019. De plus, la junte se retrouve le dos au mur sans gouvernement à la suite de son passage en force en octobre 2021, car les populations sont contre toute idée de former un gouvernement avec les militaires.

Une telle situation qui entrave considérablement l’avancée du pays doit interpeller à plus d’un titre en premier lieu les dirigeants actuels. Ils ne doivent pas trop pousser le bouchon au risque de se mettre tôt ou tard dans une position inconfortable. Le seul exemple de l’ancien président Béchir en est une parfaite illustration. Il appartient donc à l’actuel homme fort du Soudan d’en tirer la conséquence.

Abdoulaye BALBONE

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