En Tunisie, la campagne pour l’élection présidentielle du 6 octobre 2024 bat son plein actuellement. A la tête du pays depuis 2019, le constitutionnaliste retraité de 66 ans, Kaïs Saïed est candidat à sa propre succession face à deux adversaires connus du sérail politique, les anciens députés, Zouheir Maghzaouiet Ayachi Zammel.
Dans un contexte relativement tendu, les deux challengers du chef de l’Etat tunisien ont eu de la baraka, face à une dizaine d’autres candidatures rejetées pour insuffisance de parrainages. Ils font toutefois fortune diverse. Militant nationaliste arabe plus ou moins proche du Président Saïed dont il soutient les idées, Maghzaoui est considéré comme un figurant par une certaine opinion.
Alors que Zammel, en prison pour 20 mois pour de faits de falsification de parrainages, est perçu comme le seul rival inquiétant du chef de l’Etat tunisien après l’invalidation d’autant de candidatures. Cette condamnation n’est que le début, pour ce professeur de mathématiques et syndicaliste, poursuivi dans différentes localités pour le même délit.
Autant dire que Zammel ne pourra pas mener une campagne digne de ce nom, contrairement à Maghzaoui et au chef de l’Etat sortant, déterminé plusque jamais à garder les clés du palais présidentiel. La reconquête du fauteuil doré se tient dans un contexte où l’opposition accuse à tort ou à raison le Président Saïed de dérives autoritaires.
Si le chef de l’Etat tunisien ne s’était pas risqué à remettre en cause certains acquis du printemps arabe de 2011, il allait garder intact son image de candidat antisystème, candidat proche du peuple et non corrompu, qui a séduit les électeurs. Son élection surprise en 2019, pour un candidat indépendant, n’est-elle pas d’ailleurs la preuve palpable du rejet de la classe politique et des mauvaises pratiques de gouvernance ?
La concentration des pouvoirs dans les mains du chef de l’Etat tunisien, acté par le passage d’un régime parlementaire à un système ultra présidentialiste, a fait jaser et continue de faire réagir certains de ses compatriotes, qui ont peur de revivre le pouvoir du dictateur Ben Ali. La politique d’immigration de Kaïs Saïed, menée en accord avec l’Europe, n’est pas du genre à rassurer non plus, bon nombre de Tunisiens.
Le discours musclé y afférant a surtout contribué, et c’est malheureux, à jeter les migrants subsahariens en pâture, provoquant un tôlé sur le continent africain où l’hospitalité est une valeur jamais démentie. La restriction des libertés et la situation économique interne, caractérisée par une hausse de prix de produits de première nécessité, refroidissent aussi les ardeurs d’une frange de Tunisiens qui s’attendent à un allègement de leurs conditions de vie.
Si, le contexte n’est pas facile pour lui, Kaïs Saïed, n’a visiblement pas de souci à se faire face à l’adversité. Même s’il va devoir travailler à donner une image plus soft de lui, le chef de l’Etat tunisien semble s’être taillé un boulevard. Avec un candidat derrière les barreaux et qui n’en a pas fini avec les juges, et un autre qui ne peut pas véritablement lui faire de l’ombre, le chef de l’Etat tunisien devrait pouvoir se faire réélire. Il serait même déjà en tête dans les intentions de vote, selon plusieurs sondages. Kaïs Saïed va devoir pour autant rassurer ses compatriotes qui commencent à se questionner sur la direction prise par le pays, sous son magistère.
Kader Patrick KARANTAO