Un signal fort

La traditionnelle cérémonie de décoration a permis à la nation de reconnaître, le vendredi 6 décembre 2019, au palais présidentiel de Kosyam, les mérites d’un millier d’hommes et de femmes de tous les secteurs d’activités. Parmi les personnalités distinguées, on compte quatre figures marquantes de l’opposition politique, décorées dans différents grades pour leur «mérite personnel » et les «éminents services rendus à la nation ». Ce qui, sous d’autres cieux, relèverait d’une banalité républicaine, à susciter la polémique dans un continent où les opposants sont plus proches des geôles que des lambris dorés des palais présidentiels. Il ne s’agit pas de gloser sur le mérite réel ou supposé des heureux élus, mais il y a lieu de reconnaître, à juste titre, ce qui n’est ni plus ni moins qu’un pas de géant vers ce que d’aucuns considèreraient déjà comme une paix des braves. Il a fallu, en effet, que chaque acteur aille au-delà des convictions immuables de ses thuriféraires pour accepter volontiers cette distinction dans l’intérêt supérieur de la nation. Après l’instauration de concertations entre majorité et opposition sur des sujets d’intérêt pour la vie de la nation, (deux rencontres avec le chef de file de l’opposition ont eu lieu en 2016 et 2018) et la tenue effective du dialogue politique courant juillet 2019, la décoration des opposants constitue-t-elle un déclic pour entamer une véritable réconciliation de tous les fils du pays face à l’hydre terroriste ? Faut-il croire que tous les quiproquos sont levés pour autant ? Rien n’est moins sûr. Dans la perspective de la célébration du 59e anniversaire de l’accession à l’indépendance du Burkina, le 11 décembre 2019 à Tenkodogo, le chef de l’Etat aurait voulu faire un geste fort en faveur de son propre «engagement patriotique en vue de la construction de l’État-nation », qu’il ne se serait pas pris autrement. Se mettre ensemble pour défendre le pays contre le terrorisme, dont les conséquences n’épargnent personne, opposition comme majorité, est un souhait que le président du Faso n’a cessé d’exprimer. Un message appuyé par les autorités coutumières et religieuses, dont la contribution à l’édification de la paix est appréciable. A l’image de cette distinction d’opposants, qui fera date dans les annales politiques, il faut saluer l’esprit de cohésion nationale prôné par le premier des Burkinabè. Au-delà de la rhétorique, il faut bien avancer sur le terrain de la réconciliation nationale, tant souhaitée, en y donnant un contenu et des références clairs pour permettre à la nation de surmonter ses divisions afin de faire face à la menace terroriste. Cette tâche incombe, en premier, au chef de l’Etat, qui a déjà pris les devants. Elle dépend aussi et surtout des bonnes dispositions de l’ensemble des acteurs, qui semblent aussi prêts à emprunter le chemin de la réconciliation nationale.
Cet élan, à quelques jours du rendez-vous de Pau (France), a de quoi massifier la voix du Burkina Faso dans la perspective de l’exhortation du président français aux chefs d’Etat du G5 Sahel à « clarifier» leurs positions sur la présence militaire française dans un contexte de supposé « sentiment anti-français ».

Par Mahamadi TIEGNA

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