Adoption de statuts particuliers : « Il ne s’agit pas de revalorisation salariale », Honoré Juste Ouédraogo du ministère de la Fonction publique

Le conseil des ministres du 24 mars 2021 a adopté huit statuts particuliers de métiers dans la Fonction publique. Pour ceux qui penseraient à une revalorisation salariale, il n’en est rien. Il s’agit de décisions qui s’inscrivent dans le cadre de la loi 081 portant statut de la Fonction publique. Dans cette interview, le directeur des sorties assistées au ministère de la Fonction publique, du Travail et de la Protection sociale, Patoin-Samba Honoré Juste Ouédraogo, nous en dit davantage.

Sidwaya (S) : Lors du Conseil des ministres du 24 mars 2021, huit décrets relatifs à des statuts particuliers dans la Fonction publique ont été adoptés.  Pouvez-vous nous en dire davantage ?

Patoin-Samba Honoré Juste Ouédraogo (P.H.J.O.) : L’élaboration de ces statuts particuliers a connu un processus assez bien mûri. Sa durée a permis de bien faire les choses. L’on peut dire que ce sont des textes d’application de la loi 081-2015 portant statut général de la Fonction publique surtout en ses volets organisation des emplois et gestion des carrières des agents de la Fonction publique. Vous verrez que les différents métiers dont les statuts ont été adoptés auront des carrières qui seront mieux gérées que de par le passé. Ce sont bien des statuts particuliers et non des statuts autonomes. C’est pourquoi ils ont été adoptés sous forme de décrets. Selon la loi 081-2015, les fonctionnaires doivent être regroupés par familles d’emplois appelés métiers, et l’adoption de ces décrets vient rendre cela effectif.

S : Quelle a été la démarche pour parvenir à l’adoption de ces statuts ?

P.H.J.O. : La démarche adoptée pour arriver à l’adoption de ces statuts particuliers a été inclusive. Depuis l’élaboration du Répertoire interministériel des métiers de l’Etat (RIME), les partenaires sociaux ont été associés aux travaux. Cela a mobilisé beaucoup de techniciens. L’on a fait aussi appel aux personnes de ressources qui se recrutent parmi ceux qui sont rompus à la gestion de l’administration publique. Ce sont des personnes qui sont, soit à la retraite, soit hors du ministère en charge de la Fonction publique. L’on a sollicité leur expertise pour s’assurer que le travail sera bien fait. Tout a commencé par l’élaboration d’un guide par les experts de la Fonction publique et la mise en place de groupes de travail dans les départements ministériels pour proposer les éléments des statuts. Ces propositions ont fait l’objet d’harmonisation par une équipe technique constituée de cadres du ministère de l’Economie, des Finances et du Développement (MINEFID) et du Ministère de la Fonction publique, du Travail et de la Protection sociale (MFPTPS). Ensuite, ces projets ont été finalisés lors d’ateliers courant juillet et août 2021 à Bobo-Dioulasso par les équipes des métiers et l’équipe technique avant d’être transmis au Conseil des ministres pour adoption.

S : Quelles sont les innovations majeures dans la vie des fonctionnaires avec l’adoption de ces décrets?

P.H.J.O. : En termes d’innovations évidentes que ces statuts particuliers apportent à la gestion des ressources humaines dans la fonction publique, l’on peut retenir deux évolutions majeures. La plus importante de ces statuts particuliers, c’est le fait qu’ils offrent des passerelles pour passer d’un emploi à un autre. Les passerelles offrent des possibilités intra-métiers et inter-métiers. Dans la même famille de métiers, un agent peut changer d’emploi ou carrément de métier. Cela permettra la mobilité des agents. Ainsi, des agents qui n’avaient pas de plan de carrière en auront désormais. Il y a par exemple, le cas des chauffeurs qui, lorsqu’ils intégraient la Fonction publique, pouvaient aller à la retraite sans évoluer dans leur carrière. Mais avec l’adoption de ces statuts particuliers, ils pourront, à un certain moment, aspirer à d’autres emplois. Cela participe de la motivation de l’agent public et de son emploi conséquent dans l’administration. L’autre innovation est que ces statuts particuliers prennent en compte le système Licence-Master-Doctorat (LMD). C’est dire que désormais, les offres d’emplois dans la Fonction publique doivent répondre aux profils LMD. Vous verrez que les concours niveau Licence sont nombreux pour permettre à la majorité de postuler.

S : Doit-on s’attendre à une revalorisation salariale des emplois concernés par ces décrets ?

P.H.J.O. : L’objectif des statuts particuliers n’est pas la revalorisation salariale. Il est question plutôt de revalorisation statutaire qui peut aboutir à une amélioration de la rémunération à travers des promotions sous formes de concours ou d’examens professionnels. La loi même prévoit l’adoption des statuts particuliers pour une meilleure organisation des différents métiers. Si, à un certain moment, l’on se rend compte qu’il y a des avantages financiers qui sont observés, il faut savoir que cela n’a rien à voir avec l’objectif des statuts particuliers. Cela peut être lié à une prise en compte d’un engagement que l’Etat avait pris avec les partenaires sociaux. Il y a d’ailleurs un grand projet de réforme des rémunérations et l’Etat préfère ne plus faire de nouvelles promesses en termes d’augmentation de salaires.

S : Quels effets ces statuts particuliers ont-ils sur l’organisation des concours de la Fonction publique, session 2021 ?

P.H.J.O. : L’autre objectif de l’adoption de ces statuts particuliers, c’est d’adapter les profils des niveaux recherchés à ce qui existe. Cela va se constater lors des concours d’entrée à la Fonction publique de la session de 2021. Il y aura une amélioration dans la mesure où les concours seront organisés sur la base de textes prévus par la loi 081-2015. La loi 081-2015 portant statut général de la Fonction publique qui a été adoptée le 24 novembre 2015 et qui est entrée en vigueur en 2016 a prévu la mise en place de nouveaux textes pour remplacer les Textes d’organisation des emplois spécifiques (TOES). Ce sont ces textes qui sont appelés statuts particuliers de métiers et qui sont censés pallier les insuffisances des TOES et être en phase avec les aspirations des acteurs et partenaires de la fonction publique. Je voudrais, pour terminer, insister sur le fait qu’il ne s’agit pas de statuts autonomes qui, eux, sont généralement prévus par la Constitution ou suggérés par le statut général et déclinés sous forme de lois. C’est le cas, par exemple, des lois organiques qui régissent la magistrature et l’Autorité supérieure du contrôle d’Etat, de même que les statuts des forestiers et des douaniers.

Propos recueillis par
Karim BADOLO

 

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