Campagne au riz gras, oyé !

C’est la campagne électorale ! A chacun son étal ! La vente aux enchères est ouverte. C’est l’heure de la vérité, même si certains mentiront vrai ou vertement. Mon voisin du flanc gauche a changé comme un caméléon. Celui-là même qui ne disait pas bonjour aux voisins est devenu le plus cool du genre humain. Il a frappé aux portes de tout le quartier pour annoncer sa candidature à la prochaine législature.

Ah oui ! si l’on n’y prend garde, mon voisin sera député, et il faudrait dire « honorable » pour ne pas commettre le crime de lèse-majesté. Je répète : mon voisin est en marche pour le Parlement ! Tant pis pour les dépités ! De toute façon, on n’a pas besoin d’être réputé pour être un député. C’est la première fois que je vois de si près le curieux personnage d’un autre âge.

Le regard qui louche sur ses intérêts ; le discours de velours qui cache le chant du vautour ; dans sa démarche, il trimbale un embonpoint qui trahit son inclination pour les bassesses du ventre et du bas- ventre. Entre lui et la honte, il y a comme un couple parfait à l’allure fusionnelle. C’est le prototype du tartuffe pile poil ; le misanthrope qui joue maladroitement au philanthrope mal masqué. Son mur est devenu un panneau géant d’illusions affichées en vrac comme s’il suffisait d’arborer un grand sourire pour être élu.

Sa voiture est placardée des mêmes affiches avec un slogan qui ne colle pas avec la réalité. Mais qui a dit que tout le peuple a la mesure de la réalité ? Il nous a promis le ciel et la terre, alors qu’il ne peut même pas toucher son propre plafond. Mais beaucoup l’ont cru et le suivent ! Dans le fond, son discours est creux, ses promesses ne sont que du vent, sa crédibilité est un feu de paille. Mais écoutez, est-ce que les gens votent pour le discours ?

Depuis le début de la campagne, la cour de mon voisin ressemble à une vaste salle d’attente où de jeunes désœuvrés poirotent autour d’une théière sans lendemain. Mais on s’en fout ! L’avenir se joue parfois ici et maintenant ! La devanture de sa cour ressemble à un grand parking qui tutoie la voie publique. Chaque matin, de jeunes mobilisateurs de voix des « sans-voix » y prennent le petit déjeuner et à midi un riz gras chaud est servi au peuple.

Qui dit mieux ? Il paraît qu’il a même distribué nuitamment des sacs de riz aux «sages » du quartier et certains se sont frotté la barbe en recevant des bonus en enveloppes froufroutant de liasses. Qui a dit que la démocratie ne nourrit pas son homme ?
En cette période de campagne, la jeunesse en détresse est en première loge. On la caresse dans le sens de ses paresses et illusions pour d’éphémères broutilles.

On lui promet un avenir radieux qui ne brille pas plus qu’une étincelle. On lui promet le changement aux allures de bigbang comme si la politique était un tour de magie qui s’improvisait. Mais tant pis pour la jeunesse qui se complaît dans la paresse et troque ses espoirs contre les pourboires du déboire. Tant pis pour la jeunesse qui dresse les murs de sa propre oisiveté.

Mon voisin a fait servir à la file indienne, du carburant à la jeunesse, à la station d’à-côté et chaque soir d’impénitents cascadeurs rivalisent d’acrobaties et de klaxons devant sa porte. C’est ainsi que l’on soutient le candidat du changement avec furie et en toute incurie. C’est ainsi que l’on élit les hommes qu’il faut à la place qu’il ne faut pas. Mais nous sommes en démocratie et en démocratie, celui qui fait le plein de bruit a raison.

Sous nos tropiques de misère, la démocratie est à l’aune de nos pauvretés incurables, riche de nos indigences profondes et de nos insuffisances cachées.
On peut chanter au peuple le changement sur fond de beaux slogans ; on peut critiquer ses adversaires politiques et encenser son programme politique, mais entre nous, a-t-on vraiment besoin de programme plus que de volonté politique ?

On peut berner le peuple et se hisser au perchoir, mais à quoi sert la victoire qui ne donne pas à boire au citoyen qui dispute la mare à boire avec ses bêtes dans les tréfonds du pays réel ? On peut jouer sur la carte de la réconciliation, mais de quelle réconciliation parle-t-on quand la veuve et l’orphelin attendent toujours de savoir pour pouvoir pardonner ?
On peut brandir la fibre sécuritaire et jurer de taire les coups de canons avec un simple coup de semonce, mais à quoi sert la rose blanche si elle est cueillie dans un bouquet de « fleurs du mal » ?

On peut tout raconter aux Burkinabè en cette campagne, mais en vérité, seuls les amnésiques mordront à l’hameçon des vendeurs d’illusion. En tout cas, en attendant le verdict des urnes, dans mon quartier, le riz gras politique est encore fumant et on peut déjà crier victoire dans le bastion de la pauvreté mentale. Ainsi va la campagne au riz gras ; ainsi va la démocratie !

Clément ZONGO
clmentzongo@yahoo.fr

 

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