Déplacés internes : résilience

Combien sont-ils à avoir quitté Bourzanga pour rejoindre Kongoussi ? Combien sont-ils à avoir quitté leur patelin, là où ils étaient le plus heureux, parce qu’en résilience chez eux, dans leur biotope, pour des zones, peut-être moins propices à leur épanouissement, mais qui offrent un regain sécuritaire ? Combien seront-ils à quitter Kongoussi pour une destination qu’ils trouveront plus sûres ?
Aujourd’hui, les Burkinabè mesurent bien le sens du « on n’est jamais heureux que chez soi ». Même si chez soi tu dors sur une natte et tu n’assures pas tes trois repas quotidiens. Hier, les Burkinabè regardaient avec un sentiment mitigé les longues files de vieilles gens, de jeunes, de femmes qui slalomaient dans les rues de Goma, de Bouaké, et qui tels des oiseaux migrateurs en quête d’un site plus vert, erraient, de jour comme de nuit. Dans le froid d’une nuit glaciale, ou sous le soleil ardent d’un pays tropical.
Depuis la sale guerre que les terroristes nous ont imposée, ces images, nous les vivons chez nous et nous devons nous faire le serment au nom du vivre ensemble, du partage des valeurs, et de la défense du patrimoine commun, le Burkina Faso, de nous donner cette main, symbole de solidarité, de fraternité.
Le diable est parmi nous et cause des désastres. La question doit se poser sous forme de solution, et ne doit plus être perçue en termes de « que faire », mais « faire face ». La question ne doit plus être telle ou telle personne n’a pas fait sa part de job, et donc doit être tenue pour responsable, sinon coupable. Le diable est dans la maison, et cherche à nous donner une seule et unique option, fuir la maison, l’abandonner.
Entre nous, comment allons-nous regarder nos enfants, nos parents, nos épouses, si nous devons croiser les bras pour subir. Les terroristes ont une sale conviction, leur salut à eux passe par la mort de l’autre. C’est-à-dire, vous et moi, citoyens de ce pays, le nôtre, le seul. Dans le conflit qui nous est opposé, notre choix demeure ultime, c’est de faire face, de nous donner la main, mais aussi le cœur.
Déjà, la question des sites pour recevoir nos parents en quête d’un mieux-être, même précaire, se pose en dualité avec la rentrée scolaire. Faut-il vider des hommes et des femmes qui dans leur fort intérieur pleurent pour toute une vie qui va être gâchée ? Faut-il les y laisser pour éviter à ces enfants de n’avoir aucun choix pour demain ? Devant ce choix Cornélien, que pourra être la réponse de l’Etat, opter pour le tout sécuritaire ? Déjà 39% du budget sont consacrés à la Défense et à la Sécurité.
C’est énorme, ce qui induit que le triptyque Santé-Education-Agriculture comme socle pour booster le développement de notre pays, soit recorrigé pour que soit intégré en bonne place Défense et Sécurité. Ce qui induit encore des victimes collatérales de la guerre, celles qui payent pour ce qu’elles n’ont pas fait, et qui sont en train d’être les premières victimes dans ce conflit asymétrique, où l’ennemi partage souvent votre natte, mange avec vous dans le même plat et le moment venu, devient votre bourreau, d’où la complexité de la lutte.
Dix mille, cent mille, moins, ou plus, même si c’était cinq Burkinabè à qui des bandits font la force pour déloger de chez eux, nous avons ensemble l’obligation, le devoir moral, patriotique de faire en sorte que chacun retrouve sa bicoque, son jardin pour son plein épanouissement. On n’est jamais bien ailleurs que chez soi. Cette maxime doit être une obligation qui accompagne chacun des fils et filles de ce pays.
Certains Burkinabè, face à ce qui parait comme un péril, ont décidé de s’organiser, pour se défendre. Ce ne doit pas être certains, mais tous, car nous devons œuvrer pour que un fils de ce pays ne quitte pas chez lui, sous la contrainte. Aujourd’hui, on quitte le village attaqué pour la ville. Demain, on quittera la ville pour un centre prétendument plus sécurisé. La spirale, malgré tout, devra prendre fin, obligatoirement.
Voici pourquoi l’Etat souverain du Burkina Faso doit prioritairement engager ce qui ne sera pas une opération « Bayiri » (retour au pays de tes parents), mais un retour dans sa concession. Depuis le vendredi 15 janvier 2016, date de la première attaque terroriste sur la terre libre du Burkina, nous « subissons » le mode opératoire des terroristes ; n’est-il pas temps qu’avec nos parents obligés de quitter tous ensemble, nous réussissons le pari de les ramener chez eux.
Peut-être qu’à partir de là, tout le Burkina comprendra que la victoire sur les terroristes sera collective, nationale.

Par Mahamadi TIEGNA

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